En introduction au communiqué qui suit et qui traduit l'émoi des milieux enseignants et culturels au Pays Basque en regard des dernières dispositions de l'Education Nationale, je ne résiste pas au plaisir de publier cette remarque si juste d'un lecteur publiée par le quotidien "Sud Ouest" : Une langue demeure la meilleure expression d’une identité culturelle. C’est un immense avantage pour un couple de parler deux langues : « L’homme qui possède deux idiomes en vaut deux », affirmait Charles Quint. Le déclin persistant des langues régionales (ou locales) est un appauvrissement du patrimoine français (et universel).
"A l’heure où elle procède à l’inventaire de la moindre chapelle, d’un menhir faisant partie de son patrimoine monumental", écrivait l’académicien André Chamson, "la France ne se soucie nullement du patrimoine culturel que constituent ses langues locales" (ALC).
Suite au refus d’ouverture d’une classe immersive à Saint-Pierre-d‘Irube, Beñat Arrabit, président de l‘Office Public de la langue basque et Pako Arizmendi, président régional d‘Eaj-Pnb viennent d’adresser un courrier au ministre Jean Michel Blanquer, en charge de l‘Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports et à Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture. Une initiative pour faire face au danger qui menace la langue basque et la création culturelle qu‘elle suscite : le projet de Statut Territorial de l’euskara est plus que jamais d’actualité !
L’Etat français, pour ou contre le renouveau de la langue basque ? S’il est pour, un Statut territorial de l’euskara est indispensable
L’Académie de Bordeaux vient de refuser l’ouverture d’une classe immersive dans une école maternelle de St Pierre d’Irube, en s’opposant au souhait des parents, des responsables éducatifs et des élus locaux. Voilà un an, elle avait remis en cause l’ouverture de classes immersives dans plusieurs communes du Pays Basque, avant de se raviser. Ce nouveau cas ouvre une nouvelle période d’inquiétante insécurité juridique.
Le dangereux refus d’ouverture d’une classe immersive à Saint-Pierre-d‘Irube
Eaj-Pnb dénonce l’extrême gravité d’une décision qui remet en cause les efforts consentis depuis des décennies, en faveur du renouveau de la langue basque. La généralisation des motifs juridiques invoqués bloquera tout projet de classes immersives, 100% enseignement en euskara. Malgré cette immersion scolaire, l’environnement francophone porte l’exposition à la langue basque de ces enfants, à 20% de leur activité quotidienne. Cette filière, plus efficace de ce fait que le modèle bilingue a permis une légère remontée du nombre de bascophones, chez les jeunes générations, ces dernières années. Les deux dernières enquêtes sociolinguistiques démontrent un arrêt du déclin de l’euskara grâce à ces jeunes. Refuser des nouvelles classes immersives dans le primaire paralysera le renouveau de l’euskara.
Une argumentation inacceptable
L’Académie de Bordeaux prend le prétexte d’une loi de 2019 rendant l’enseignement obligatoire à partir de 3 ans et s’appuie sur un article 2 de la Constitution, adopté en 1992, bizarrement reformulé, pour expliquer son refus. L’absurdité de cette argumentation juridique dissimule mal l’ADN anti langue régionale d’une frange conservatrice de l’Administration scolaire. Les 38 classes immersives existantes dans les écoles primaires publiques et privées confessionnelles du Pays Basque dépendent d’une expérimentation prévue par le Code de l’Education, alors que l’article 2 était déjà en vigueur. La nouvelle loi de 2019 n’affaiblit pas mais au contraire renforce ces expérimentations. De même, le caractère obligatoire de l’enseignement à partir de de 3 ans n’a aucun effet sur le choix de la langue d’enseignement.
« Oui ou non, pour un renouveau de l’euskara ? »
Eaj-Pnb demande au gouvernement de clarifier la position de l’Etat français à l’égard des langues dites régionales. Dans notre cas, est-il oui ou non pour un renouveau de l’euskara ?
Il ne s’agit pas de reproduire une petite France, avec un euskara, unique langue officielle du Pays Basque. Les modèles immersifs ne créent pas d’enfermement ethnique. Ils produisent au contraire quelle que soit l’origine, des locuteurs bilingues précoces, autant francophone que bascophone. Leur jeunesse les rend ensuite plus aptes au plurilinguisme. Une étude rendue publique au même moment confirme le niveau de français des petits élèves issus de l’immersif. Il est égal ou supérieur à celui des élèves unilingues français, dès l’école primaire. Même constat pour les mathématiques, autre matière évaluée.
Un Statut territorial de l’euskara, garant de la stabilité juridique
Eaj-Pnb demande au gouvernement français de :
- reconnaître la nécessité d’une protection légale garante d’une stabilité juridique, sans laquelle le renouveau de l’euskara sera impossible. La protection légale est l’un des 3 piliers nécessaires au renouveau d’une langue minorisée, avec une forte demande sociale et une politique linguistique volontariste. Dans l’urgence, la priorité est à l’ouverture de la classe maternelle immersive à St Pierre d’Irube. Il faut ensuite renforcer le développement des sections maternelles immersives 100% langue basque dans l’enseignement public et privé confessionnel.
- s’engager en faveur du statut territorial de l’euskara, proposé par Eaj-Pnb. Cela doit garantir une protection légale sécurisante, grâce à une expérimentation constitutionnelle, de rang supérieur à celle actuellement permise par le Code de l’Education. Le Pays Basque pourrait adapter des lois à notre réalité et bénéficier de transferts de compétence en vertu des articles 37-1 et 72 al 4 de la Constitution. Cela permettrait entre autres mesures, d’expérimenter pour rendre normal, cet enseignement immersif en euskara. Le principe de différenciation renforce encore la nécessité de l’enseignement en langue basque. 93% des habitants de plus de 16 ans pensent que dans l’avenir, il faudra parler en basque et en français. L’appétence pour l’immersif en euskara ne cesse de croître, en Pays Basque. La dernière enquête sociolinguistique datée de 2016, évaluait à plus de 19%, les adultes qui y étaient favorables. Ils étaient 7%, en 1996. 41% des adultes sont également favorables à un enseignement bilingue euskara-français.
L’heure du choix est arrivée.
Beñat Arrabit, président de l’Office Public de la langue basque
Pako Arizmendi, président régional d’Eaj-Pnb