Wahou ! est une agence immobilière sise dans la charmante commune de Bougival (Yvelines) à l’ouest de Paris, à proximité du Château de Versailles. Deux agents immobiliers y travaillent : Catherine (Karin Viard) et Oracio (Bruno Podalydès). Ils sont on ne peut plus dissemblables : Catherine est une professionnelle qui connaît ses dossiers par cœur ; ses incessants échanges téléphoniques nous informent qu’elle vient de subir la perte d’un être cher, son compagnon. Oracio est un homme emprunté, un peu lunaire, que la difficile profession d’agent immobilier ne passionne guère. Il exerce ce métier, nouveau pour lui, par défaut.
Pour l’heure la vente de deux biens immobiliers leur incombe : le premier, est une maison de caractère du XIX ème siècle nichée dans un parc arboré (un séquoia bicentenaire !) mais présentant de lourds travaux de rénovation. Les propriétaires âgés, couple fusionnel, Sylvette (Sabine Azéma) et Simon (Eddy Mitchell) sont souvent absents.
Catherine fait visiter la propriété à un groupe de musiciens dirigé par leur cheffe de chant : Josepha (Agnès Jaoui). La visite commentée par Catherine se passe bien ; les musiciens sont conquis par le lieu et s’imaginent déjà répétant dans cette vaste demeure.
Un problème surgit. Le groupe jusque-là soudé, se chamaille et finit par se disloquer sous les invectives, chacun repartant avec sa voiture, laissant Catherine et Josepha sur place, interloquées …
Oracio de son côté fait visiter à un jeune couple très amoureux, Swan (Carl Malapa) et Prunelle (Pia Mougeot), un appartement dans une résidence neuve en cours d’achèvement. Cet appartement lumineux, mais sans charme, est situé dans le « triangle d’or » de Bougival suivant les affirmations d’Oracio.
Ce dernier ne maîtrise ni l’ouverture de la porte palière (mauvaises clés), ni l’emplacement du compteur électrique (pas de lumière). Le jeune couple, tout à leur amour, écoute distraitement l’argumentation hésitante, d’Oracio, mal à l’aise. N’importe, si l’affaire se conclue, c’est le père de Swan (Roschdy Zem) qui payera leur nid d’amour …
Dans la villa de caractère et dans l’appartement neuf les visites se succèdent, tantôt conduites par Catherine, tantôt par Oracio flanqué de Jim (Victor Lefebvre), un stagiaire interventionniste. Oracio lui explique, doctement, que tout l’enjeu de la visite des clients potentiels est de leur arracher un cri d’approbation : Wahou !
Les visiteurs aux comportements fort différents, défilent, allant du rejet désapprobateur (Bof !) à l’acquiescement exalté (Wahou !) …
Avec Wahou ! Bruno Podalydès (62 ans) signe son dixième long métrage dont il est également le scénariste. A nouveau, après Les Deux Alfred (2020), le réalisateur nous propose un film choral autour de deux personnages principaux : Catherine et Oracio, sorte de « Dupond Dupont » (Hergé !), révélant par leur métier d’agents immobiliers, en contact direct avec le grand public, des personnalités diverses, extravagantes, à la recherche d’une satisfaction (acte d’achat), d’un bonheur futur (physique, moral, culturel, etc.).
Pour dessiner cette galerie de portraits, tantôt tendre, tantôt burlesque, tantôt absurde, Bruno Podalydès a filmé de courts sketchs qui se répondent l’un l’autre, par un jeu de symétrie, dans la continuité d’un récit jamais rompu. L’effet gémellaire, est garanti ouvrant la porte au comique de situation.
Ainsi nous pouvons sans heurt narratif, passer d’une situation poétique à une burlesque, sans que le fil du récit ne soit rompu, à l’instar du grand cinéaste Jacques Tati (1907/1982). Nous glissons d’une scène à l’autre tout en restant dans l’univers si particulier du scénariste/réalisateur.
Un seul exemple parmi d’autres. Bruno Podalydès ouvre et finit les scènes de visites par l’arrivée de véhicules différents qui encombrent nos vies : voitures (cortège, les musiciens), vélos (repliables, les écolos), scooter (Catherine, les promoteurs casqués), skate (Jim, le stagiaire), etc.
Wahou ! dont le scénario a été rédigé (à la hâte, dixit le réalisateur) en deux mois, puis mis en images en quatre semaines, le tout pour un budget modeste. Nonobstant, le film n’en demeure pas moins une œuvre allègre, toute en finesse d’observation, qui trouve sa place dans la filmographie inédite de Bruno Podalydès depuis son premier opus Dieu seul me voit (1998) César de la première œuvre de fiction.
Les acteurs, tous justes, semblent adhérer sans retenue à cette entreprise singulière, dans la production cinématographique française, qu’est Wahou ! Un film « léger », non sans réflexion sur nos contemporains.