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Cinéma La critique de Jean Louis Requena
Le Répondeur (102’) - Film français de Fabienne Godet
Le Répondeur (102’) - Film français de Fabienne Godet

| Jean-Louis Requena 703 mots

Le Répondeur (102’) - Film français de Fabienne Godet

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Denis Podalydès et Aure Atika ©
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Les acteurs Salif Cissé, Denis Podalydès et Aure Atika © Eloïse Monmirel et Georges Biard ©
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Baptiste Mendy (Salif Cissé) est un imitateur professionnel faisant, certains soirs, du stand-up dans un petit théâtre parisien. Pour l’heure, il travaille dans un centre téléphonique d’où il appelle pour placer des polices d’assurances. Cette occupation obligatoire pour vivre, en attendant un éventuel succès artistique, l’ennuie. Pour se détacher de maintes rebuffades téléphoniques, il improvise quelques imitations de personnalités connues.

Au terme d’une de ses prestations théâtrales, il est abordé par Pierre Chozène (Denis Podalydès) lequel souhaite l’inviter chez lui afin de discuter. Après quelques hésitations, Baptiste accepte. Pierre Chozène habite un bel appartement haussmannien débordant de livres, et pour cause : c’est un écrivain renommé qui a obtenu le prestigieux prix Goncourt en 2009. L’homme apparait à Baptiste comme une personnalité compliquée qui de surcroit boit beaucoup lors de leur entretien. Sa requête est simple (selon ses termes) : il demande à Baptiste de prendre son propre téléphone portable et grâce à ses talents d’imitateur de répondre aux innombrables appels auxquels il a du mal à se soustraire. Bien entendu, cette prestation sera rémunérée. 
Pour faciliter les interventions de Baptiste, Pierre Chozène a rédigé une fiche pour chaque interlocuteur : Elsa sa fille (Clara Bretheau), son père, Clara (Aure Atika) son ex-maitresse, son éditeur, etc. Baptiste n’aura qu’à répondre à des appels répertoriés en imitant sa voix tout en consultant la fiche concernant la personne. Pendant ce temps (un mois ou deux), Pierre délivré du quotidien aura le temps d’écrire un livre, en projet depuis des années, auquel il tient beaucoup : un ouvrage sur son père instituteur veuf et retraité au caractère acariâtre.

D’abord perplexe puis pris au jeu, Baptiste accepte le challenge au grand soulagement de l’écrivain. Il devient son double téléphonique. Les appels affluent …

Le Répondeur est une comédie française acidulée réalisée par Fabienne Godet (61 ans). C’est son sixième long métrage librement adapté de l’œuvre éponyme de Luc Blanvillain (Le Répondeur – Quidam – 2020). Cette dernière déclare à propos de l’argument de son long métrage : « Totalement invraisemblable mais tellement jouissif. Qui donne lieu a des quiproquos et rebondissements multiples. Cette histoire est très contemporaine. Le Répondeur questionne sur notre dépendance au téléphone portable, symptôme d’une époque ou l’on est toujours connecté sauf à soi-même ». La mise en scène fluide de ce récit, à la fois invraisemblable et plaisant (qui n’a pas eu envie de modifier sa voix au téléphone pour déstabiliser le fâcheux !), est très bien découpée avec des images lumineuses en format large (Chef opérateur Éric Blanckaert). 
Cependant, la trouvaille est la bande son des échanges téléphoniques de Baptiste avec ses différents interlocuteurs. Un travail minutieux (pas moins de quatre ingénieurs du son !) a consisté à mixer syllabe par syllabe, en post-production, la voix de Salif Cissé (Baptiste) avec celle de Pierre (Denis Podalydès). C’est de l’orfèvrerie. Le résultat sonore est bluffant ! La voix finale de Baptiste dialoguant au téléphone (appels et réceptions) est un savoureux mélange des deux. Au générique de fin, l’équipe son précède celle de l’image procédé inusité dans l’univers cinématographique : c’est toujours l’inverse.

Le couple improvisé mais soudé Baptiste/Pierre devient, y compris par leur morphologie respective (le gros et le maigre), un décalque de celui du duo comique Stan Laurel (1890/1965) et Olivier Hardy (1892/1957) à la longue carrière (1929/1951).

Les acteurs sont tous épatants dirigés avec subtilité par la réalisatrice Fabienne Godet. Denis Podalydès (62 ans) immense acteur (110 films et 100 rôles sur les planches !), metteur en scène de théâtre (20 mises en scène), scénariste, écrivain (10 ouvrages) et sociétaire de la Comédie Française (2000) a immédiatement été séduit par l’histoire. Il déclare : « Son argument est complètement irréel : un écrivain qui confie sa voix à un imitateur pour se débarrasser de lui-même, de sa propre vie et de ne s’adonner qu’a l’écriture. J’ai trouvé cela culotté et gonflé, donc intéressant ».

Le Répondeur est une comédie française plus profonde qu’elle n’y parait, moins futile que tant d’autres aux scénarios indigents, éculés. Ce « petit film français » (budget : 3,2 millions €) se savoure comme une coupe de champagne frais. Il dénonce non sans malice, le tropisme de la connexion compulsive en passe de devenir la maladie infantile du siècle. 

Le Répondeur a reçu le prix du public au Festival International de comédie de l’Alpe d’Huez 2025.

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