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Histoire
Saint-Jean-de-Luz : l’anniversaire de José Antonio Aguirre, premier président d’Euzkadi
Saint-Jean-de-Luz : l’anniversaire de José Antonio Aguirre, premier président d’Euzkadi

| Alexandre de La Cerda 1431 mots

Saint-Jean-de-Luz : l’anniversaire de José Antonio Aguirre, premier président d’Euzkadi

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Jose Antonio Aguirre Lekube rend hommage au travail d'Oldarra ©
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Jose Antonio Aguirre avec Mgr Matthieu (*) ©
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Le 22 mars 1960, le premier lehendakari (président) d’Euzkadi, José Antonio Aguirre, décédait à Paris où il avait établi en 1937 son gouvernement en exil. Son corps était transporté à Saint-Jean-de-Luz où il eut droit à des obsèques solennelles. Il repose désormais au cimetière Aice-Errota où n’avait pu être célébré en 2020, à cause du Coronavirus, le 60ème anniversaire de sa mort. Pour le 62ème anniversaire, une messe sera prononcée ce dimanche 27 mars à 11 heures en la chapelle Notre-Dame-de-la-Paix (quartier du Lac), à l’issue de laquelle un recueillement aura lieu devant sa tombe.

Tout avait commencé le 6 octobre 1936, lorsque le premier ministre espagnol Manuel Azaña avait signaé le décret portant approbation du Statut pour Euskadi. Auparavant, en septembre 1936, le député du PNV (Parti Nationaliste Basque) Manuel Irujo était entré au gouvernement socialiste de Largo Caballero en tant que ministre sans portefeuille, l'adoption du Statut – le 1er octobre 1936 - ayant constitué la condition sine qua non de sa participation. Le 7 octobre eut lieu à Bilbao l’élection du Lehendakari avec la participation des conseillers alavais, guipuzcoans et biscayens : José Antonio Aguirre sera élu à la majorité absolue et le même jour, il prêtera serment sous le chêne de Gernika. le premier chef du Gouvernement Basque avait 32 ans !

Natif de Bilbao, ancien joueur de football du club de l’Athletic Bilbao, ancien étudiant à l’université de Deusto, avocat de formation, Aguirre était l'un des responsables du Parti nationaliste basque EAJ-PNV. Avant de devenir lehendakari, il fut maire de Getxo en Biscaye, président national de l'Action Catholique espagnole et plusieurs fois député aux Cortès (chambre des députés de Madrid).

Sa prestation de serment comme lehendakari eut lieu à Guernica, le 7 octobre 1936, devant un parterre d'élus du peuple Basque. Il était déterminé à créer une Armée basque afin de combattre pour la liberté du Pays Basque. Il n’est pas inutile de revenir sur les circonstances à l’origine de cet événement.

Le dirigeant d’un parti démocrate et chrétien

Le Parti nationaliste basque a des racines chrétiennes : il sera même l’un des fondateurs de la fédération européenne démocrate-chrétienne.

Quand Alphonse XIII cède la place à la république en 1931, les Basques proposent un statut d'autonomie approuvé par chacune des provinces basques sauf la Navarre où il y a eu des manipulations électorales. Mais Madrid marque sa défiance en traînant des pieds devant ces Basques qui veulent le rétablissement des anciens Fors, ce qui équivaut presque à une indépendance de fait, ainsi que la signature d’un concordat établissant des relations directes avec le Vatican.

Or la politique de la république était très hostile à l’Eglise et aboutira, à l’arrivée au gouvernement du Front populaire en 1936, à des persécutions sanglantes contre les chrétiens.

D’ailleurs un ministre républicain du PNV, Manuel de Irujo témoignera en 1937: « en dehors du Pays Basque, la situation de fait de l'église est la suivante : tous les autels, images et lieux de culte ont été détruits sauf de rares exceptions...toutes les églises ont été fermées au culte... Des édifices et des biens ecclésiastiques ont été incendiés, pillés et détruits, des prêtres et des religieuses ont été arrêtés, emprisonnés et fusillés par milliers... On est allé jusqu'à interdire la détention privée d'images et d'objets de culte...la police effectue des perquisitions avec violence »...

Par réaction à cette politique anti-chrétienne, la convocation du PNV à l’Aberri Eguna de mars 1932 était rédigée ainsi : «le jour de la Résurrection du Seigneur. Jour de la Patrie Basque. Un seul jour pour fusionner deux souvenirs chéris... ».

Finalement, la destitution, le 10 juillet 1936, du président constitutionnel de la république le modéré Alcala Zamora et l'assassinat, le 13 juillet, par les Factions Révolutionnaires du chef de la droite parlementaire, le député Calvo Sotelo, aboutissent au soulèvement de Franco le 18 et au début de la guerre d'Espagne. Et en catastrophe, les Cortes votent le statut d'autonomie des provinces basques le 1er octobre 1936.

Les premiers pas du nouveau gouvernement

Compte tenu de l'impossibilité d'organiser des élections au Parlement Basque (l’Alava et la Navarre s’étant soulevées avec les insurgés franquistes qui avaient également occupé une partie du Guipuzcoa), une disposition légale transitoire faisait élire le premier président du gouvernement basque par le conseil des municipalités qui n’avaient pas été occupées par l’armée des Nationalistes espagnols du général Franco. 

C’est ainsi que le 7 octobre 1936, le premier lehendakari élu dans le bâtiment historique des « jointes » (Casa de Juntas) auprès du fameux chêne de Guernica sera le leader du PNV Jose Antonio Aguirre, à l'unanimité. Il formera aussitôt un gouvernement dans lequel les nationalistes basques occuperont les principaux ministères – la Défense dont le titulaire sera le président Aguirre lui-même, la Justice la Culture, l’Intérieur et l’Economie - les autres portefeuilles étant répartis entre le PSOE, la Gauche et l’Union républicaines, l’Action nationaliste Basque et le Parti communiste d'Euskadi à l’exclusion du CNT (souvent lié aux anarchistes, auteurs de nombreux crimes - prêtres brûlés vifs dans leurs églises avec des cas de castration et d'éviscération, y compris pour terroriser les ouvriers - crimes condamnés par des auteurs aussi différents que Simone Weil ou George Orwell, tous deux engagés dans des milices républicaines) auquel s’opposait formellement le PNV. 

Dès lors, le gouvernement d’Aguirre acquit un caractère « présidentiel » en concentrant des pouvoirs importants pour faire face à l’état de guerre. Tout en faisant preuve de la modération caractérisant le programme politique du Parti nationaliste basque : respect de la liberté religieuse et garantie de la sécurité du clergé contrairement à la zone républicaine, maintien de l'ordre public grâce à la création d’une Police provinciale (Ertzaiña), prisonniers soumis aux tribunaux ordinaires et opposants politiques protégés des exactions des « anarcho-communistes », protection des petites et moyennes propriétés... 
De plus, le gouvernement basque proclama un statut officiel pour la langue basque tout en promouvant les « caractéristiques nationales du peuple basque ». D'autre part, une armée basque (« Eusko Gudarostea ») fut créée sous le contrôle direct du président Aguirre et du PNV, complétement séparée du reste des milices des partis et des syndicats.

Ainsi, la situation politique et sociale au Pays Basque d’Aguirre, avec son « pluralisme politique », représentait une véritable « oasis » au sein de l’Espagne républicaine en proie au chaos, aux vengeances et aux règlements de compte sanguinaires en dehors de toute légalité.

En exil

Relater son action pendant les neuf mois d’existence de ce premier gouvernement basque ou en exil demanderait l’écriture de plusieurs livres. Une grande partie de son action étant consacrée à la survie de son peuple attaqué violemment et bombardé par des forces bien supérieures en nombre et mieux équipée que l’embryon d’armée constitué à la hâte par le gouvernement basque. Il réussit à quitter le territoire espagnol « in extremis », à bord d’un avion qui avait servi auparavant en Ethiopie lors de la guerre avec l’Italie. En juillet 1937, le Beech était racheté par Auguste Amnestoy, créateur d'Air Pyrénées qui assura les liaisons entre la France et Bilbao. 
Le 24 août 1937, José Antonio de Aguirre et deux de ses ministres l’emprunteront pour quitter Santander vers Biarritz grâce au pilote Georges Lebeau. Il n’aura de cesse, dès lors, de défendre les intérêts d’Euzkadi, sur tous les continents, depuis la Roseraie à Bidart où était installé un hôpital pour les mutilés de son armée, le congrès des Etudes basques en 1947 à Biarritz et Bayonne, où il présenta une étude sur l’histoire du royaume de Navarre, jusqu’aux Etats-Unis où il fit de nombreuses conférences. 
Il publia en 1937 chez Grasset (sous le pseudonyme d’Azpilikoeta) « Le problème basque » où il relate les tentatives de négociations des Basques sous l’égide de la hiérarchie catholique espagnole.

Et la fondation sous son égide du groupe de danses et de chant Eresoinka témoignera avec talent du futur de l’âme et de la culture basque…

Aguirre mourut d'une crise cardiaque, à Paris, le 22 mars 1960, à l’âge de 56 ans. Sa dépouille fut transportée à Saint-Jean-de-Luz où il reposa une nuit dans la maison de Telesforo Monzón. Ses obsèques, impressionnantes, eurent lieu le 28 mars après une messe en l’église paroissiale de Saint-Jean-de-Luz. En mars 1980, au lendemain du référendum instituant le nouveau statut d'autonomie d'Euskadi et au soir des premières élections libres au Parlement basque, prenant ses fonctions, le lehendakari Carlos Garaikoetxea, son successeur, rendait un vibrant et solennel hommage à Jose-Antonio Aguirre, là même où le héros de la liberté basque avait prêté serment quarante-quatre ans plus tôt.

(*) Jose Antonio Aguirre avec Mgr Mathieu, originaire d’Hasparren : pendant la guerre civile, l’évêque avait créé avec l'aide du cardinal Verdier "La Société Internationale des Amis des Basques" pour secourir les réfugiés basques

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Le buste de J.A. Aguirre à St-Jean-de-Luz ©
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La famille de J.A. Aguirre ©
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