Dans un esprit semblable aux feux de la Saint-Jean qui faisaient promener dans les champs de la campagne basque des brandons allumés, on brûlait dans le foyer la bûche de Noël ou « gabonzuzi ». Dans le monde rural, certains rites liés à cette période de l’année, et même quelques superstitions ont perduré jusqu’à nos jours.
L'Avent - cette période de jeûne (actuellement bien oubliée) qui précède Noël - était propice aux superstitions au Pays Basque où l'on se devait de nettoyer la maison et les écuries la veille de Noël. Ainsi, à Fontarabie, il y a encore quelques cinquante ans, au cours d’un de ces repas toujours très frugaux la veille de Noël, on avait coutume de jeter par la fenêtre tout le contenu de la maisonnée, comme pour prendre congé de l'année finissante.
La veille de Noël, on interdisait de filer et on devait semer de l'ail destiné à la médication domestique pour le récolter la veille de la Saint Jean.
On racontait même à Sare, avant-guerre, qu'une jeune fille ayant perdu la raison pour avoir été mordue par un chien enragé, avait été enfermée par sa famille dans une chambre où il y avait de l'ail semé la veille de Noël et récolté la veille de la Saint Jean : la malade en mangea, et bientôt fut totalement guérie. On disait encore que le charbon de la bûche de Noël guérissait tous les maux.
Les veillées autour des cheminées étaient ponctuées par des rondes : quelques jeunes représentant les Rois Mages et leur suite, dont l’un chevauchait un petit âne et son compagnon portait une lanterne simulant une étoile à cinq rayons, chantaient et quêtaient d’une maison à l’autre.
Outre-Bidassoa, c’est la tradition des « villancicos » (chants de Noël).
Et à Sare, les jeunes quêteurs revêtaient un pantalon blanc orné de bandes rouges ou bleues et de grelots une chemise blanche avec des rubans rouges pendant aux avant-bras, un mouchoir de soie rouge bordé de « korskoilak » (grelots) avec houppe rouge au centre. Parfois aussi, ils arboraient la « Carrossa » (blouse bleu obscur) avec un mouchoir « basque » autour du cou. Au son des tambours et des accordéons, ils arrivaient au seuil d’une maison et, souhaitant la bonne année, s’adressaient à l’etxekanderea : « Elégante maîtresse de maison, nous nous présentons à vous ; si l’argent manque, ces méchants garçons emporteront le lapin ! »
Le Noël du compositeur Ermend Bonnal
Après avoir évoqué quelques traditions et coutumes de Noël dans le monde rural, voici maintenant des souvenirs liés à cette période de l’année, mais en ville : à Bayonne, à la fin des années 30, en pleine récession économique, la tempête déclenchée par le scandale Stavisky et l'affaire du Crédit Municipal qui ébranla plus d'une famille bayonnaise s'apaise, cependant que d'autres nuages s'amassent à l'horizon. La guerre d'Espagne et la chute des provinces basques d'outre-Bidassoa, qui a rempli le pays de réfugiés, est annonciatrice des futures catastrophes. Mais en ces fêtes de fin d'année, les esprits sont ailleurs, on célèbre Noël à l'église Saint-André dont les orgues sont tenues par Joseph Ermend Bonnal. Directeur du Conservatoire de Bayonne depuis 1921, le maître improvise avec toute sa nombreuse famille autour de lui : sa fille Marilis assistait régulièrement son père en tirant les jeux de l'orgue, c'était un véritable rite à Noël. La Messe à Saint-André achevée, on félicitait le maître, la famille rentrait à Biarritz dans sa villa « Ene Gutizia » située au Parc d'Hiver.
Le lendemain, les Bonnal étaient traditionnellement invités au château d’Arcangues : lorsqu'il assista à l'interprétation au Châtelet par quelques trois cents exécutants des célèbres Concerts Colonne de l'oratorio « Les Poèmes Franciscains » composé par Ermend Bonnal sur des poèmes de Francis Jammes, Pierre d'Arcangues, émerveillé par la qualité de l'œuvre et le succès de son auteur, ne put réprimer cette remarque si juste : « Nul n'est prophète en son pays, prétend le vieux proverbe. Hélas ! C'est vrai et combien regrettable. Il semble que pour apporter à un artiste que nous connaissons le tribut d'admiration auquel il a droit, nous ayons besoin qu'on vienne de l'extérieur, nous dire : - c'est beau, vous pouvez admirer » ! Depuis lors, une belle amitié s’était nouée entre Ermend Bonnal et le Marquis Pierre d'Arcangues qui recevait chaque année à Noël (et en bien d’autres occasions) le compositeur et toute sa famille… Son petit-fils, Michel d’Arcangues, a consacré une intéressante biographie à ce compositeur dans les « Carrés Musique » (éditions Séguier).
Olentzero, l’universel message d’un vieux mythe
A l’égal des « Joaldunak », « Ziripot » et autres « Iñudek » de carnaval, c’est dans le bassin de la Bidassoa, autour de Lesaka, que la tradition de l’Olentzero était restée vivante, avant de s’« urbaniser » à Pampelune en 1953, à Saint-Sébastien, puis à Hendaye grâce à l’association Gaztelu Zahar. Et de se répandre ensuite de Ciboure à Hasparren, de Biarritz à Bayonne.
Cependant, comme souvent au Pays Basque, les premières mentions écrites de ce fabuleux personnage ne remontent pas très loin dans le temps – Lope de Isasi au début du XVIe siècle citait le nom d’« Onentzaro » ou « temps des bons » à propos de la célébration de la Nativité, substituée par l’église chrétienne à l’antique célébration du solstice d’hiver -. Or, c’est précisément à cette époque reculée où l’on attendait le retour du soleil entraînant la régénération de la nature que semble remonter l’origine du mythique Olentzero basque dont on dit même qu’il serait apparenté à un « Kalikantzaroi » de l’antiquité grecque – mais sans le béret !