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Tradition
Souvenirs de la Saint-Léon d'antan
Souvenirs de la Saint-Léon d'antan

| François-Xavier Esponde 1356 mots

Souvenirs de la Saint-Léon d'antan

(photo de couverture : Bayonne, procession de la Saint-Léon sur le pont Mayou en 1902)

En ce premier dimanche de mars, les Bayonnais selon la coutume célèbrent la saint Léon, leur patron et celui de la cité.

Un jour mémorable raconté par les anciens comme celui des festivités qui se tenaient jadis au carrefour actuel de saint Léon de Bayonne au croisement des routes venant de Saint-Esprit via la rue Thiers, puis la rue d'Espagne, l'unique artère influente de la ville. 

Ce chemin cadastral et de passage rejoignait celui qui se dirigeait vers Maignon, tandis que le premier continuait sa route vers Anglet et la côte basque.

Les conversations se fraient le cours de la mémoire. On y dressait une tribune pour des musiciens, un carré dans le pré pour circonscrire le lieu de danse et un parcours pour la course vélo traditionnelle dans la ville empruntée par une bonne cinquantaine de compétiteurs venus de partout pour un trajet circulaire de plusieurs dizaines de fois autour des remparts, le long de la Nive, et jusqu'à l'Adour, sans le traverser.

On y trouvait aussi le terrain des forains, des jeux d'adresse et de tir à la carabine, des compétitions et des prix comme auprès des lieux récréatifs de tous les espaces ludiques du temps.

On distribuait, dit-on, des prix le long de la course, car le principe de la tombola ou du loto était appliqué. 

Un florilège de jeunes filles, des reconnaissantes, et la course en fin de journée pour ne pas troubler la circulation qui en ces années d'avant guerre puis après ne rencontrait de surcharge possible du flot des voitures sinon celui des vélos et des solex, le véhicule des ayants droit de l'époque.

Nos ainés rappellent que le vélo était roi à Bayonne avec plusieurs sociétés de vélos et de courses de quartiers et d'associations en compétition entre elles. Le transport des plus confortables se faisait donc en selle ou en vélo pour la plupart des jeunes et moins jeunes familiers de ce mode de transport.

On imagine à la tombée de la nuit précoce en mars cette course dès six heures du soir emprunter les rues piétonnières avec des cyclistes sans autre uniforme que le pantalon court et une chemisette sans logo particulier. Arrosés de confettis, en surnombre de coloris et d'envois fleuris, ce souvenir demeure chez les enfants de ces années 35 et suivantes. Point de coca-cola, mais du vin et du cidre, des boissons courantes d'alors, du chocolat de Bayonne en vrai car le faux n'existait pas encore, et une ambiance de fête en pleine nature dominait.

Certains ajoutent qu'une année, on dut annuler la fête à cause de la neige. Malheur présagé du temps si peu disposé au réchauffement climatique en ces années, mais bien climatique somme toute par défaut de saison. On venait de supprimer le jour de la Saint-Léon pour des Bayonnais dépités et pour de vrai. Seule la cathédrale proposait le gîte et la protection, le temps d'une messe sans procession !

Point de procession hors cathédrale, à la fontaine Saint-Léon dans le bas du quartier, ni à la croix, mais une animation en son ensemble au dit carrefour de l'entrée, au milieu des prairies alentour. Car il n'y avait autre habitant du lieu que le passage ininterrompu des entrants et sortants de la ville par cette voie unique empruntée par tous les passants. On raconte qu'un vélodrome en bois existait proche de ce carrefour, détruit depuis lors et remplacé par un autre en dur, à son tour détruit pour les besoins d'agrandissement du stade de Saint-Léon. On y fit tourner et retourner vélos, motos d'époque pétaradantes dans un circuit interne au milieu d'une foule passionnée pour les meilleurs, de la course.

La fête battait son plein avec le bal après la course cycliste un peu tard en soirée mais guère trop tard, car fête mi-religieuse, mi-profane, on n'eut toléré les remontrances des clercs pour des dérapages de la Saint-Léon en beuveries ou ébriétés de noceurs décousus.

Fête du printemps, de début de la saison prochaine, on ne manquait guère ce rendez-vous inscrit comme le premier de l'année après Noël. La concurrence de carnaval et de San-Pantzar venait à son heure sans empiéter celle de Léon, saint patron des Bayonnais. L'histoire ne dit pas si la cohabitation de ces deux figures ajoutées au fil du temps avait eu quelque effet de calendrier et de programme pour entamer les prérogatives de l'une sur l'autre, ou restreindre les influences réciproques de leurs auteurs. Bayonne aimait cette émulation ludique si gasconne dans le ton, basque dans son expression. Sans trop ni pas assez, de religiosité et de divertissement. On était à Bayonne, dans la cité des humeurs marines, du vent du sud, des débordements fluviaux, des effusions au stade, à la rue, aux arènes, dans l'espace public, sans trop de privation. Et de ces vaches de l'Hôpital, écologiques avant notre époque, assurant l'entretien des prés des terres de la ville jusqu'à l'Adour et la Nive ! C'était donc hier déjà !

A la Saint-Léon, on vivait entre la cathédrale et le carrefour de Saint-Léon, la casemate de la rue d'Espagne, dit-on, vint par la suite, car les règles de circulation établies à l'entrée de la ville par la maréchaussée ne permettaient guère l'attroupement de gens en un espace public et de passage. comme le carrefour de Saint-Léon.

Les témoins racontent une curiosité du temps, l'agent de circulation sur sa barrique renversée réglait la circulation depuis son promontoire. On imagine aujourd'hui, à l'heure des feux de circulation, une barrique à la croisée de ces routes, une coutume qui existait aussi à Anglet et Biarritz en d'autres carrefours du chemin emprunté par les voyageurs en transit.

On imagine peu que l'espace du camp Saint-Léon était une ferme ouverte aux douze vaches de l'Hôpital ; il était géré par un dénommé Gamoy qui disposait de son lait pour les besoins de la maternité du lieu et de jardins de maraîchage en l'emplacement actuel des parkings pour les cuisinières de la maison.

La rue montante du carrefour Saint-Léon jusqu'au château d'eau était longée de commerces alimentaires, pain, vin, légumes, fruits, qui ont désormais disparu, et composait le parterre commercial de la ville, en son entrée ou sortie selon les destinations. Et d'un tramway couleur locale ajouté au forceps des employés du chemin de fer qui, à la force des bras, remettaient la locomotive sur le chemin du retour pour redescendre jusqu'à l'Adour.

Les anciens assurent que la ville disposait, en sus de la fête de mars, de la fête de l'été, et de multiples autres rencontres de quartiers, dont celui de Marracq, des Allées Marines, de Lahubiague, et des versants de l'Adour, où les autochtones célébraient et leurs saints et leurs anniversaires à l'ancienne.

Bayonne était, semble-t-il, un agglomérat de quartiers regroupés et agrandis avec ceux de Saint-Esprit par la suite, où une vie locale côtoyait des activités artisanales autonomes, maraîchers des uns sur les hauteurs de Saint-Etienne, travailleurs du port et des usines le long des fleuves, artisans du centre ville, qui cohabitaient avec leurs contraintes et leurs usages.

André Etcheverry à 92 ans accomplis se souvient de son grand père Betbeder venant de Bassussary avec son attelage de boeufs et sa charrette pour vider les rues des détritus alimentaires, nourrissant les porcs dans le versus de l'économie circulaire moderne. Rien de perdu, pas même les déchets de cuisine pour les heureux porcs élevés aux portes de la ville après fête.

On croisait, dit l'heureux  témoin, les attelages de chevaux voiturés comme des calèches confortables et les passants à pied et à vélo. Les nobles dames et les gentilhommes se croisaient à Saint-Léon pour leurs commodités.

Pas pour les mêmes raisons, mais pour des nécessités partagées. Certains édiles de la ville étant voiturés et reconnaissables à vues humaines attiraient le regard, on aimait en effet voir le docteur Delay emprunter ce chemin commun de la ville, et la joie des Bayonnais était partagée par son équipage !

De tels souvenirs glanés à la sauvette semblent préhistoriques, ne les croyez pas à peine datés de 80 ans pour les témoins de leur temps !

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