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Tradition
A la chandelle des espérances de février
A la chandelle des espérances de février

| François-Xavier Esponde 1446 mots

A la chandelle des espérances de février

Photo de couverture : "Les Crêpes" de Pieter Aertsen, 1562

Saisis d'un hiver long et froid, disait-on dans l'Antiquité, les populations et les animaux reprenaient une vie partagée dans l'environnement de leurs troupeaux et l'enceinte rurale de leurs habitations. On imagine le peu d'espace occupé par les habitats et la vie recluse des gens en attendant l'arrivée de la saison neuve ou du printemps.

Les saturnales d'un temps, le culte agraire aux divinités de la terre, et pour les fils de la promesse biblique, la fête partagée de l'Enfant-Dieu, et dès les frimas entretenus de février proche, le lever du jour précoce, la lune et ses irradiations nocturnes, l'assurance des prochaines semailles pour nourrir les bêtes et les humains de modestes condiments d'origines similaires, orge, céréale, soupes et breuvages divers.

La chandelle des espérances brillait déjà en ce temps préalable de fin de l'hiver par la chandeleur des peuples latins et les fêtes de la présentation de jésus au temple de Jérusalem pour les croyants de l'époque. La figure mythique de Syméon rallumait cette flamme chaque année, de la lumière divine révélée aux nations du monde, et l'on y célébrait  l'une des douze fêtes liturgiques de l'année chez les orthodoxes, avec les fastes de leur temps, de toute évidence moins dorés qu'à nos jours, mais de parfums, d'encens, de myrrhe et d'autres condiments de circonstance.

50 jours après noël une véritable fête de la terre voyait le jour que la tradition honore avec la saint Blaise et ses nombreux animaux de ferme et de labeur agricole. "Le candelarium" latin se vivait joyeusement autour du crépuscule de printemps que ce mois de février figure déjà dans le frimas des sols, et les premiers bourgeons arbustiers alentour. Le mimosa plantait le décor et les feuillus de la végétation leurs premières apparitions.

Lors des Lupercales romaines, la divinité Feunus des dieux de la fécondité et des troupeaux livrait ses ferments de vie dans un décor de cultes panthéistes antiques aux dieux de la terre qui pour Gélase Ier, pape régnant demeurait un embarras évident de croyances entremêlées entre elles. Les Latins adoraient-ils le créateur unique du ciel et de la terre, selon la Genèse ? Ou un paravent de forces telluriques et invincibles que l'orage et les tornades agitaient lors de l'hiver de leurs menaces destructrices pour leurs pauvres habitations de paille et de bois ?

Ledit pape se mit à organiser les premières processions de rue par chandelles ajoutées en 454, comme signes vivants de flambeaux allumés de soirée de jour, pour contenir les libations et manifestations sonores adressées aux dieux de la terre, et voulant leur substituer une célébration apaisée et moins agitée ce 2 février prochain.

"Les lupercales et les feralia" étaient inscrits dans le calendrier impérial romain tandis que les chrétiens, cette unité juive versée dans les Actes des apôtres adoptait le thème de la Présentation de Jésus au temple à Jérusalem s'entend et pas romain. Plusieurs témoignages tels celui du pseudo Méthode d'Olympe, en 312, de Cyrille de Jérusalem et de Grégoire de Nysse en 400 , Jean Chrysostome en 401, mais encore le récit du pèlerinage à Jérusalem d'Egérie de 381-384, alimentent les sources de cette fête en terre de Jésus, de ce Jésus porté au temple juif de la cité 40 jours après la Noël ou l'Epiphanie de chacun. 

Ne cherchons pas d'exactitude formelle de dates et d'événementiel chez les orientaux. L'important est l'événement et non le déroulé, le récit et point la ponctualité du jour et du moment !

On sait que les Arméniens ont encore leur date épiphanique distincte de celle des orthodoxes ou des Ethiopiens. Tous célèbrent le Jésus saint, non pour l'histoire mais par son origine divine !

A l'Anastasis, dit encore la pèlerine, on se rassemblait pour la célébration épiphanique et baptismale en l'honneur de l'Enfant Dieu, tandis que les Romains étaient rivés sur les lupercales et les fils de Jérusalem sur cette naissance prophétique de Dieu Unique, encore bien lointaine des pratiques religieuses latines.

Distinguer ces faits et gestes, coutumes et traditions entre l'orient et l'occident, ne vaut de disfonctionnement mais de différence dans le temps et le déroulement des faits eux mêmes. En terre sainte, on était sur les lieux des événements passés, à Rome en la ville impériale d'un récit importé par les premiers fidèles chrétiens issus de la prédication de Pierre et de ses fidèles moins cités de l'histoire.

A Rome, la peste du temps de Justinien avait eu un ancrage épidémique vital en 541, où la maladie avait fait des milliers de morts et la purification de la ville était dans les esprits. Le feu nettoyait les lieux pollués et purgeait le sol des impuretés naturelles. Cette fête religieuse avait une incidence sur la cité et le vivre ensemble loin de toute maladie et dévastation en cours. Comme bien souvent au Moyen Age "les processions religieuses épargnaient aux populations les menaces mortifères des affections."

La symbolique de la chandelle rappelait les cultes solaires des anciens, dans un environnement clair/obscur encore dominant, une nuit étoilée et un matin frais et souvent verglacé. Les anciens consultaient leurs barèmes météorologiques d'époque, le vent, la bise, les nuages et les tours de vent, le gel et la neige, le verglas ou les éclosions des plantes pour prédire le jour, la saison et les profils agraires de leur travail.

Par bien des fois, les apparitions de l'azur céleste donnaient lieu à prédiction. Des phénomènes agraires observables tel le frimas, le gel, les neiges, ou la bise douce matinale de vent du sud faisaient l'objet des croyances paysannes récurrentes. La météorologie d'époque s'alimentait ainsi de croyances et les croyances ajoutaient les rites de la lumière à leurs observations quotidiennes.

L'ours faisait encore l'objet d'une croyance désormais disparue ou laissée aux amis des animaux sauvages. A la sortie de l'hibernation, l'ours était rapporté dans les légendes comme un familier des hommes, et donnant lieu lors de mardi gras et fêtes de février, à des déguisements d'enfants colorés ou masqués de faciès de l'animal pour fêter son retour à la vie et sa liberté reconnue.

"Le Chandelours" ou de la chandeleur dans les Pyrénées appartenait à  la tradition. comme dans les Alpes ou les Ardennes, là même où la cohabitation de l'ours et de la faune sauvage engendrait la vie commune de l'homme et des animaux sauvages de l'année.

Point de comparatif pour vouloir faire au mieux ce parallèle entre le carnaval et la chandeleur. Mais comme en l'hiver passé, le charbonnier Olentzero venait quérir les grâces de renaissance de Noël, le carnaval de février revenait encore pour accomplir ce rite de perpétuité du cycle hivernal finissant et laissant cours au renouveau de la terre.

Le pape Gélase menait bataille contre ces ritualités païennes anciennes et préalables à l'arrivée du christianisme en Italie et en Gaule. Dans un environnement divin de la redoutable Proserpine et l'influence sur les enfants, Pluton et sa mère Cérès, déesses des naissances et de l'agriculture, le rapport imbriqué de la croyance et de la foi chrétienne de fraîche date, demeurait en continu. Février, mois de la purification hivernale des humains et des terriens, des hommes et des animaux, était le mois désigné pour ces rites civils et religieux. Le mythe de la Belle au bois dormant avait du sens et donnait sens à cette saison transitoire, comme en une libération de la lumière par "le chevalier solaire". Si les Romains assuraient les lupercales d'offrandes des vestales, sous l'apparat des crêpes, de galettes sucrées, et de boissons assorties, on allumait les bougies, les chandeliers à la maison et l'on se réjouissait de franchir ce seuil ou pas printanier en route pour une heureuse saison. 

La présentation de Jésus au temple de Jérusalem et à Rome s'accompagnait de ce repérage culturel et cultuel de pratiques, rites, croyances et sacrifices autour du feu, de braise de bois choisi pour cela, de farines et de sucreries domestiques ; Au temple religieux, on y adjoignait le récit biblique et évangélique tiré de l'enfance de Jésus, et de rites agricoles de graines bénies en vue des prochaines semailles. 

Ne sourions pas : les anciens avaient déjà ces coutumes, nous les avons adoptées ou rajoutées, mais en ce cas peu modifiées au cours du temps. Carnaval, processions, déguisements, farandoles, et danses de rue, masques et uniformes assortis aux personnages burlesques de saison donnent cet assortiment festif particulier et transitoire du calendrier. Pas fini pour l'hiver, mais pas encore acquis pour le printemps. pour une toilette physique et spirituelle d'importance, pour se préparer à l'espérance du lendemain !

Galette classée au patrimoine immatériel de l'Unesco au Mexique, gâteaux impériaux romains et en Espagne, au Canada jour de la marmotte, sans renoncer à la galette !

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