Lors de sa conférence du mercredi 22 mars dernier, avant que de parler de la célébration de la Semaine Sainte à Fontarabie et Séville, l’Abbé Philippe Beitia avait présenté les débats et discussions concernant la légitimité et l’utilité de représenter Dieu, le Christ, la Vierge Marie et les Saints et de rendre hommage à leurs effigies lors du culte chrétien.
Refus des images (c’est-à-dire peintures et sculptures) lors des premiers siècles du Christianisme à cause du commandement du Décalogue, des réactions de St. Paul à Athènes et de la crainte de l’anthropomorphisme, avant de permettre timidement d’orner les catacombes de motifs symboliques et d’épisodes bibliques.
Ornementation des lieux de culte après la conversion de l’empereur Constantin notamment pour évangéliser les fidèles par l’image.
Crise iconoclaste qui, probablement sous l’influence du Judaïsme et de l’Islam, entrainent des empereurs byzantins à faire détruire les images avant que le deuxième concile de Nicée n’en assure la légitimité.
Crise protestante qui s’est traduite par un nouvel iconoclasme avant que le Concile de Trente n’indique que le culte des images est légitime car il permet d’entrer en relation, de vénérer et de prier ceux qu’elles représentent et parce qu’il permet catéchisation et évangélisation.
Cela se traduira dans l’Eglise catholique par l’art baroque qui traduira de manière plastique la doctrine de Trente. Il influencera les artistes qui réaliseront les pasos de la Semaine sainte en Espagne représentant des épisodes de la Passion du Christ.
Furent présentés ensuite ceux du Vendredi Saint à Fontarabie et à Séville...
Philippe Beitia
« Questions Latentes et présentes aujourd’hui sur le sujet ? » par l’Abbé François-Xavier Esponde
A l’occasion de la conférence donnée par le père Beitia à la cathédrale de Bayonne ce 22 mars, le thème des images religieuses réveilla le pouvoir des images religieuses aujourd’hui.
Dans l’antiquité chrétienne, au cœur de sociétés gréco-latines portées par les mythologies païennes, antérieures à l’avènement du christianisme, les premiers chrétiens se heurteront aux fidèles de la Torah juive stipulant l’unicité de Dieu et le refus des images illustrant l’Eternel, ses représentations et toute iconographie religieuse permise sur ce thème.
La Bible le rappelle ainsi comme une règle perpétuelle qui ne pouvait être entravée par les artistes, sculpteurs, et auteurs issus de l’alliance du peuple élu avec son Seigneur.
Si les sociétés pré-chrétiennes en firent foi, elles furent les illustrateurs les plus en vue, en Grèce et à Rome, de cet héritage millénaire pour fonder leurs empires et leurs cités sur les images de divinités multiples, d’empereurs, de soldats, de gens de lettres, de littérateurs et de philosophes érigés dans l’Agora publique comme des dieux, objets de cultes et de dévotions.
A l’origine de la présence chrétienne, on observa ces règles, permettant cependant dans les catacombes romaines les plus anciennes d’habiller les parois de ces surfaces souterraines de scènes de la vie, de visages familiers des proches, et par certains aspects, de cultes rendus à des martyrs de l’Eglise qui, de fait, ajoutaient aux us et pratiques de l’Empire, l’éternité de la foi des hommes et celle de Dieu par ces représentations inédites.
La résistance à de telles modalités dura des siècles, car pour un fils de la Promesse, toute représentation du Dieu l’Unique restait un signe de profanation.
De Rome à Alexandrie, les réticences perdurèrent, du côté de populations vivant dans l’espace impérial hors le bassin méditerranéen, telle la terre hispanique et ses influences orientales venues de la terre sainte primitive. On observait dans cet espace commun de cultes anciens et contemporains, des initiatives récentes d’habiller l’érection d’édifices religieux chrétiens, de représentations spirituelles, principalement des images de la Sainte Famille, de Marie, de Joseph, et de saints martyrs vénérés en ces terres par les premiers chrétiens.
Devant les difficultés rencontrées par les épiscopes de la vieille terre andalouse, il fallut discuter et débattre de la question des représentations religieuses, les interdisant tout d’abord en les soumettant sans cesse à d’autres débats futurs qui suivront la conversion de Constantin au cœur de l’Empire romain, et ouvrant d’autres voies de tolérance à ce propos, comme rapporté lors de cette conférence documentée sur ce sujet.
Pas moins de deux conciles, dont celui d’Elvire, auront lieu pour décider en Eglise de cette opportunité
L’histoire se poursuivant encore, la réforme protestante eut à son tour sa période douloureuse sur le sujet, Calvin et Luther n’ayant pas la même perception spirituelle et théologique des images dans l’interprétation évangélique de toute vie chrétienne, les échanges se poursuivirent encore lors du concile de Trente où sur ce sujet, les avis divergeaient avec les Réformés.
L’avènement du baroque esthétique dans l’art, comme expression la plus parfaite de toute représentation du Créateur et de ses œuvres fut une véritable révolution des esprits qui pour le cas renonçaient à différer le jugement des hommes de la recherche des images religieuses les plus parfaites du créateur et de ses créatures ; ce propos fut particulièrement présent dans l’exposé de ce jour.
On citera la contribution de saint Bernard en faveur de cette interprétation.
Mais il fallut des siècles de discussions, de débats parfois enflammés entre théologiens pour ouvrir la voie artistique des auteurs, sculpteurs, peintres, graveurs, au langage des images au service de l’Eternel et de ses splendeurs.
La culture andalouse, héritière de ces échanges denses et complexes de l’Orient et de l’Occident, ouvrit avec la présence de la Semaine Sainte, ses défilés, ses statues mariales et de saints portées hors des églises au cours de processions innombrables, permettant au peuple chrétien une forme d’appropriation du sacré et de ses représentations dans les cités castillanes et andalouses et en toute l’Espagne, qui lors de la Semana Santa atteignait son paroxysme et sa popularité...
Pasos et pénitents, confréries et dévotions, donnaient de l’amplitude à ce culte ouvert au monde extérieur, qui au fil du temps acquit une légitimité religieuse soutenue par les conciles les plus récents et qui depuis lors n’ont jamais cessé de partager le culte de la Mère des Douleurs de Gethsémani si présente dans cette représentation.
Chaque commune ayant ses traditions, une semaine durant avant les Rameaux et tout au long de la Semaine Sainte, les Espagnols en nombre associent leur sens pascal à cette tradition hispanique toujours d’actualité.
Si les formes changent peu dans l’imagerie récente, le souci des chefs religieux demeurait : fallait-il limiter la Semaine Sainte exclusivement au Vendredi Saint ou proposer l’issue de la Résurrection de l’ Enfant Dieu comme une image complète de l’iconographie première sur la question ?
Question ouverte aux artistes auteurs de cette imagerie de la Semana Santa !
Le père Beitia en suggéra la teneur, laissant à chacun le soin de méditer sa propre réponse de croyant aujourd’hui sur ce sujet.
Paradoxe du passé, on se divisa sur le bien-fondé de l’image et de l’iconographie de la vie chrétienne, et l’on continue aujourd’hui encore de disputer les codes de sa récurrence en partageant entre théologiens et pasteurs le sens de cette représentation du sacré exposé toujours à des relents de paganisme, et sans cesse remis au goût des populations désireuses de s’approprier ce moment spirituel pascal et chrétien !
Michel Etcheverry illustra le propos par le chant, et le Consul d’Espagne rappela l’universalité de la procession sévillane étendue aux communautés hispaniques du monde, en Amérique du Sud, du Nord, aux Philippines, et encore en d’autres lieux éloignés de l’Andalousie !
Enregistré par Radio Lapurdi, chacun pourra partager ce moment d’exception diffusé sur les ondes au cours des prochains jours : « La Semaine Sainte dans son histoire Espagnole » par l'abbé Philippe Beitia, chancelier du diocèse, sur radio Lapurdi : Lundi saint à 21h, Mardi saint à 17h, vendredi saint à 10h et 21h et samedi saint à 9h.