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Le Portrait de la semaine
Philippe Oyhamburu, « l’honnête homme » de la culture basque
Philippe Oyhamburu, « l’honnête homme » de la culture basque

| Alexandre de La Cerda 834 mots

Philippe Oyhamburu, « l’honnête homme » de la culture basque

Son 99ème anniversaire a été fêté comme il se doit à Sare, dans le jardin, chez Jean-Michel Gabriel, un de ses gendres. Ses quatre filles et leurs familles, donc enfants, petits enfants et arrières petits enfants ont investi une véritable « auberge espagnole » (ou basque?) où chacun a poussé la porte (ouverte!) avec le pied, les bras étant chargés de nourriture...
On y a retrouvé beaucoup d'anciens danseurs, chanteurs, du temps d'Etorki, des Choeurs Etorburu, etc. Parmi les invités, Pantxoa Etxegoin, directeur de l'Institut Culturel Basque et le chanteur Erramun Martikorena… On y a beaucoup chanté, bu, mangé et rappelé les années d'avant !

Né d'un père biarrot depuis de nombreuses générations - à l'exemple de ses compatriotes, son aïeul Doyhamboure parlait aussi bien le gascon que le basque - connut-il "ce moment dans l'enfance où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir" à Montevideo, en Uruguay, où son père représentait les "Chargeurs Réunis"?

Son baccalauréat en poche, à l'issue d'un séjour parisien, Philippe Oyhamburu suit son père qui revient prendre sa retraite à Biarritz en 1939. 

Il y goûtera aux joies d'un mouvement culturel basque animé par Michel d'Arcangues (le frère aîné de Guy, perdu en mer en 1946), mais aussi par une somme considérable de tous les meilleurs talents réchappés du drame d'Euskadi en 1936/37, particulièrement le groupe Erresoinka, puis après sa disparition, celui d'Olaeta, qui sut propager de ce côté de la frontière, les "danses biscayennes du cycle guerrier, si typiquement euskariennes par leur mélange de force et d'élégance"

Elles servaient en quelque sorte "d'exutoire aux jeunes des cités côtières débasquisées qui voulaient exprimer leur basquitude par tous les pores de la peau".

Les années saltimbanques

Pour échapper aux réquisitions de l'organisation Todt, qui construisait le Mur de l'Atlantique, Philippe Oyhamburu regagne Paris où il mènera la difficile existence d'un clandestin, objet d’un de ses livres – un recueil de mémoires, - retrouvailles et instauration d'un dialogue - en de véritables "arrêts sur image" - avec le journal qu'il tenait en ces temps troubles.

A la Libération, après un intermède dans les boues dacqoises - pour soigner des rhumatismes contractés pendant la guerre - il décide d'apprendre le basque en séjournant dans des fermes, à Larressore, Espelette et aux Aldudes. Ce seront ensuite "Les Années Saltimbanques", qui le mèneront "de Biarritz à Tbilissi, en passant par Bogota", à la tête des groupes Olaeta, Oldarra, Etorki, et des "Choeurs Oyhamburu de Biarritz".
Car Philippe Oyhamburu avait débuté sa carrière artistique – danses et musique basques - en 1942 avec Segundo de Olaeta, maître de danse biscayen, chorégraphe et musicien, alors réfugié à Biarritz. D’abord accordéoniste, danseur puis metteur en scène du groupe Olaeta qui deviendra Oldarra en 1945, il enseignera la danse aux étudiants basques de Paris de 1943 à 1944 avant d’être directeur artistique et chef des chœurs des ballets basques de Biarritz Oldarra de 1945 à 1953.
« Poupou » Oyhamburu poursuivra ainsi sa carrière à la tête des ballets et chœurs Etorki qu’il avait fondés en 1954. Dès ses débuts, au théâtre des Champs-Élysées, Etorki recueillera les éloges de la presse parisienne, puis internationale.

Sans oublier son emploi de physionomiste, au Casino de Biarritz, au début des années cinquante, ni son passage à la radio. Car, lors d'une période difficile que traversaient les ballets Etorki - il y en eut quelques-uns - un tir croisé de pressions amicales avait décidé le remarquable homme de média et grand précurseur en la matière, Pierre Schaeffer, à engager l'artiste basque, d'abord dans les bureaux de la Radio de la France d'Outre-Mer, puis en tant qu'animateur de programmes. D'ailleurs P. Oyhamburu restera toujours attaché à la radio, à France-Culture, puis à Radio-Adour-Navarre, dont les cassettes enregistrées pour ses reportages dans différents villages servirent longtemps de référence aux élèves de ses cours de langue basque !

Un regard serein, mais critique

Du choc des idées rencontrées, des artistes et des créateurs, dont ceux impliqués dans la culture basque et qu'il avait regroupés au sein de la fédération "Izan", de sa riche expérience artistique, jusqu'aux divers publics côtoyés pendant les nombreuses tournées au Pays Basque et dans le monde, je me souviens de plusieurs entretiens avec Philippe Oyhamburu qui a toujours gardé une vue sereine mais critique sur l'évolution de la "plante basque".
A l'amélioration incontestable de la qualité d'un chant choral apprécié d'un public, lui aussi "entendu", ne correspondait pas, à son opinion, un progrès similaire dans le domaine de la danse : les chorégraphes utilisent souvent des pas empruntés à des traditions étrangères - yougoslave, géorgienne, etc. - sans qu'un public, davantage expert en danse classique que folklorique, ne sache distinguer la véritable authenticité, à laquelle ne nuit pas d'ailleurs une certaine "théâtralité", souvent négligée.
Ah, si seulement le gouvernement basque pouvait consacrer, ne fut-ce qu'une partie des sommes importante engouffrées dans l'Orchestre Symphonique d'Euskadi, à la création d'une compagnie d'Etat, à l'image des ballets mexicains, philippins ou ukrainiens... soupirait alors Philippe Oyamburu, reprenant l'exemple d'Eresoinka, formé en 1937 par les autorités d'Euzkadi, déjà en exil ! 

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... avec Manex Barace. ©
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Répondre à () :

Geneviève Hardoy Maquet | 08/03/2021 16:58

Juste pour te dire que je pense à toi. Gros bisous.

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