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Les métamorphoses du Musée Bonnat-Helleu avec Laurence de Saint Pern
Les métamorphoses du Musée Bonnat-Helleu avec Laurence de Saint Pern

| Anne de Miller La Cerda 1227 mots

Les métamorphoses du Musée Bonnat-Helleu avec Laurence de Saint Pern

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Le triptyque bayonnais d'après Laurence de Vallou ©
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Au fil d'un voyage autour des collections de peinture  les plus prestigieuses, Dominique de Saint Pern dévoile l'engouement  artistique de quatre hommes hors du commun : Antonin Personnaz, pionnier de la photo et passionné par les peintres impressionnistes, Jacques Petithory, féru d'art des XVIème et XVIIème siècles, Paul Helleu (1859-1927), le virtuose de la plume dont les nombreux dessins rappellent l'élégance et le raffinement de la société au début du XXème, et Léon Bonnat (1833-1922), le plus important, célèbre artiste-peintre qui fut le fondateur du musée.  Les collections de ces quatre piliers ont constitué l'un des plus prestigieux musées au monde dont la romancière Dominique de Saint Pern (1) a tissé la toile de son livre "le Musée Bonnat-Helleu : Un vrai roman", une aventure humaine et artistique ponctuée par les dessins et les illustrations de Laurence de Vallou (2). Les œuvres de cette dernière ont été présentées jeudi dernier lors d'une vente aux enchères au Grand Salon de la mairie de Bayonne sous la houlette de Maître Carayol. Les fruits de la vente participent au financement de l'ouvrage.

Il y a deux ans, la ville de Bayonne où était né Léon Bonnat célébrait le centenaire de sa mort.  Celui-ci avait reçu le second  grand prix de Rome, et devint à partir de 1875 le grand portraitiste de la Troisième République. Ce célèbre artiste, ancien professeur de l'école des Beaux-Arts de Paris n'ayant pas de descendance, offrit sa prestigieuse collection ainsi qu'une partie de ses portraits à la ville de Bayonne en souvenir de l'aide octroyée par son maire Jules Labat, conseillé par l'ancien professeur à l'école de dessin Romain Julien qui l'avait aidé dans sa carrière afin d'obtenir une bourse à Rome.  

Sa célébrité était due à la réalisation du portrait en pied de la comédienne Madame Pasca (1875), qui fit écho de son talent dans la société artistique et politique de l'époque. S'ensuivirent les commandes du portrait iconique sur fond noir laissant apparaître les mains et le visage d'un blanc chirurgical du Président Thiers (1876) et celui de Victor Hugo (1879), pas moins époustouflant aux dominantes de noir et blanc. A cette époque, Bonnat fit la connaissance du collectionneur His de la Salle qui lui proposa d'acquérir des croquis de Rembrandt, Poussin et Watteau  ainsi qu'une feuille de Léonard de Vinci. D'année en année, aux contacts d'autres collectionneurs qui le guidèrent dans ses choix, Bonnat enrichit son trésor. L'hôtel particulier de la rue Bassano à Paris que l'artiste s'était fait construire, se métamorphosa progressivement en un coffre-fort abritant une immense collection de chefs-d'œuvre, dont les siens.

En 1896, en prévision de l'acquisition de la collection Bonnat, on posait la première pierre du musée Bonnat édifié dans un style haussmannien par l'architecte Charles Planckaert, qui s'acheva quatre ans plus tard. A l'intérieur prirent place le buste de Michel Ange côtoyant les Barye, suivent les esquisses de Rubens, les dessins de Léonard de Vinci, de Raphaël et d'Ingres, les toiles de Rembrandt, Van Dyck, Véronèse, Titien, Géricault, et combien d'autres illustres, tels les peintres espagnols également présents : Murillo, El Greco, Ribera et Goya, dont 9 huiles parmi lesquelles figurent l'autoportrait de Goya...

Mais les péripéties du climat océanique capricieux entre les fleuves de l'Adour et de la Nive lors des ouragans, obligèrent le musée à changer sa grande verrière zénithale de l'atrium. En 1933, la terrible tempête avait sauvagement brisé les terres cuites et les vases grecs qui durent être restaurés in extrémis.

Endeuillée à la mort de Léon Bonnat, la ville natale de Bonnat avait hissé ses tentures noires, si reconnaissante à ce grand maître qui lui avait légué sa collection et dont habilement, ce dernier avait désigné comme légataire universel les Musées Nationaux avec obligation de dépôt au musée Bonnat (pour éviter les droits de succession).  

Lors de la guerre de 14-18, et tout particulièrement en 39-44, le musée fut évacué. En juin 40, avec l'arrivée des allemands, le musée mis les collections à l'abri, acheminées jusqu'au château de Bourdelles en Dordogne. L'édifice fut ensuite réquisitionné en centre de ravitaillement et rationnement. Le restant des œuvres furent dirigées entre autre vers la villa Larbéou. A la libération, tout fut récupéré sauf la toile du "verre d'eau et les oranges" d'Henri Zo que Laurence de Vellou a ressuscité en imaginant une nature morte figurative aux oranges et au filet d'eau d'un verre renversé sur une étoffe bleue.  

En mars 1971, nouveau rebondissement, le musée est pillé. Cette fois là, trois Rembrandt, les toiles "Un Rabbin", "La Descente de la Croix", et le portrait de Jan Six avaient disparu. Le voleur professionnel, artiste-peintre biarrot, avait pour complice Michaël Jurgen, un trafiquant de bière et de marijuana. Deux toiles sont finalement retrouvées. En revanche, "Le Rabbin" continuera sa cavale. Six ans après, suite à l'enquête du FBI, l'œuvre fut retrouvée près de New York.

Et puis il y eut la spectaculaire trouvaille des 7 scènes inspirées de l'Antiquité de Rubens. Collectionneur passionné de peinture, le général Victor-Bernard Darrécagaix (1833-1915) avait légué un lot de peintures et une bibliothèque à sa ville natale de Bayonne. Un legs remis en 1921 par son épouse. Une quarantaine d'années plus tard, le maire de Bayonne, le Dr Grenet père, interloqué par ces œuvres qui semblaient issues de l'école flamande, décida de les faire nettoyer par le cabinet de restauration du Louvre. Coup de théâtre, les restaurateurs et experts décrètent qu'il s'agissait des esquisses authentiques de la main de Rubens. Elles avaient été commanditées par Philippe V pour décorer la Torre de la Parada !

Les évènements se bousculant, le Musée Bonnat changea d'identité en 2011 à la suite de l'acquisition du legs de la fille de Paul Helleu, Paulette Howard-Johnston. Baptisé "Musée Bonnat-Helleu", il fallait l'agrandir pour accueillir la collection Helleu. L'ancien musée étant en très mauvais état, les collections étaient en danger.  
En 2016, après récolement des œuvres, le cabinet d'architecture Brochet-Lajus Pueyo sera sélectionné pour rénover l'ancien musée tout en doublant sa surface par une extension à la place de l'ancienne école rue Jacques Lafitte. Que de surprises dès leurs premiers coup de pioche ! L'institut National de Recherches Archéologiques leur fit arrêter les travaux pour entreprendre des fouilles. On y trouva les vestiges d'un ancien couvent de Dominicains. S'ensuivit le Covid, les amis du musée Bonnat-Helleu étaient désespérés. Cependant, en 2022, avec la nouvelle et expérimentée conservatrice en chef du Musée Basque, Sabine Cazenave, nommée directrice des travaux du Musée Bonnat-Helleu, le chantier put reprendre, il devrait s'achever au courant de la saison estivale de 2025 !  

Pour commander le livre "Le Musée Bonnat-Helleu, un vrai roman" :

https://www.editions-koegui.fr › boutique › le-musee-bonnat-helleu.html

(1)Journaliste et romancière, Dominique de Saint Pern est l’auteur de plusieurs romans, dont "L’Extravagante Dorothy Parker", "Pour l’amour d’un guerrier", "Baronne Blixen", traduits dans plusieurs langues, et recevant pour "Edmonde", en 2019, le Prix Simone Veil ainsi que le Grand Prix de l’héroïne Madame Figaro.

(2) Ancienne élève de l'école Penninghen, peintre dessinatrice de presse, Laurence de Vellou a suivi les procès des années 2002-2005 pour l’Agence France Presse. Cette « croqueuse d’émotions » dessine à main levée celles des fêtes  de mariages. Son travail sur la genèse des spectacles du Malandain Ballet Biarritz a été exposé à la Gare du Midi en 2022.
Légende 1 : Couverture du livre 
2 - Triptyque bayonnais d'après Laurence de Vellou 

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