Des policiers en civil sont rassemblés devant leur commissariat. Un délégué syndical prend la parole pour exprimer les griefs de ses collègues : manques de respect, lourdeurs des tâches administratives, violences urbaines, etc. Dans l’assistance Lucie Muller (Isabelle Huppert), officier de police.
Le commissaire (Stéphane Rideau) la reçoit pour l’interroger : a-t-elle surmonté son drame intime ; comment se sent-elle après un long congé et un séjour dans un hôpital psychiatrique ? Il est affable, mais ferme ; il hésite à la réintégrer dans son équipe. Lucie a perdu son compagnon Slimane (Moustapha Mbengue) lequel s’est suicidé. Il était également officier de police. Lucie insiste pour reprendre son travail au sein du commissariat et obtient aux forceps, l’accord de son supérieur.
Dans son pavillon de banlieue, entre deux joggings, Lucie poursuit sa vie comme avant la disparition brutale de Slimane. Elle poursuit son travail scientifique au sein du commissariat. Elle parait sereine, détachée, malgré son malheur.
Elle reçoit la visite amicale de son beau-frère Serge Mayumbe, agent de la DGSE, et de son fils Marc (Elyah Timera). Ils viennent s’enquérir de sa santé. La nuit, des rêves sur son bonheur passé l’assaillent. Les jours passent …
Dans la maison mitoyenne un jeune couple s’installe : Julia (Hafsia Herzi), Yann (Nahuel Pérez Biscayart) et Rose (Romane Meunier) leur fille de huit ans. D’abord méfiante, les épiant à leur insu, Lucie finit par faire connaissance avec ce jeune couple. Julia est enseignante ; elle part travailler tous les jours accompagnée de sa fille tandis que Yann reste dans la villa. Il se définit auprès de Lucie comme artiste peintre. En fait, celle-ci découvre qu’il est également un activiste politique proche des Blacks Blocs. Un autre activiste, Regis Bertin (Antoine Maurien) dit Massoud vient lui rendre visite. Tous deux sont fichés par la police, surveillés, avec l’interdiction de quitter le département.
Julia qui a sympathisé avec le jeune couple leur cache qu’elle est policière. Yann quelque peu incontrôlable, exalté, s’enflamme dans des discours politiques de plus en plus radicaux …
Les Gens d’à côté est le vingt-cinquième opus d’André Téchiné, réalisateur âgé de 80 ans ! André Téchiné a produit son premier long métrage Souvenir d’en France en … 1975. Depuis lors il a réalisé quelques film remarquables (et remarqués) : Hôtel des Amériques (1981) dont l’intrigue se déroule à Biarritz ; Les lieux du crime (1986) ; Ma saison préférée (1993) ; Les Roseaux sauvages (1994), etc.
A noter qu’il a fait souvent appel à ses deux acteurs fétiches : Catherine Deneuve et Daniel Auteuil. Il est reconnu par la profession au point qu’en 2017, il est qualifié au Festival de Cannes de « géant du cinéma français », à la fois par la qualité de ses œuvres et par la diversité de ses sujets liés aux mœurs (l’homosexualité, la prostitution, la toxicomanie, etc.) et a l’évolution de la société contemporaine (le divorce, l’adultère, les drames familiaux, etc.).
André Téchiné coscénariste de ses films jette un regard incisif sur notre société mais, toujours, dans un cadre fluide et élégant. Ainsi, échappe-t-il au sordide et au graveleux, pente naturelle de ces thématiques.
Dans un entretien au sujet de son dernier opus, il déclare : « L’intrigue est ici très minimaliste. C’est un film policier mais je voulais éviter la brutalité et la surenchère spectaculaire liées souvent au genre. Il ne s’agit ici-même pas d’un crime mais d’un délit. Mais c’est le fameux « vivre ensemble » qui est au cœur de ce récit ».
André Téchiné nous livre un long métrage « ramassé » (85 minutes !) dont le sujet est à la fois une fable sociétale (l’amitié née entre des gens différents) et un thriller psychologique (un policier rencontre un Black bloc). L’ordre assumé contre le désordre revendiqué. L’acceptation, la sérénité, contre le rejet et l’excitation dans un contexte de voisinage bienveillant. André Téchiné met en scène ces dichotomies avec une élégance de mise en image (chef opérateur Georges Lechaptois) qui lui est propre tout au long de sa longue et prolifique carrière.
Le duo des comédiennes, Isabelle Huppert (Lucie) la femme flic, et Hafsia Herzi (Julia), une enseignante sans histoire, est d’une grande justesse. La vétérane (plus de 130 films !) et la chevronnée (40 films depuis La Graine et le Mulet – 2007) nous offrent une authenticité dans les scènes communes. Elles ont un jeu naturaliste, sans effets faciles. Les apparitions rageuses de Nahuel Pérez Biscayart (Yann) en artiste activiste excité sont au diapason.
Les Gens d’à côté a été projeté à la Berlinale 2024 dans la section Panorama. Le nonagénaire André Téchiné nous surprend à nouveau. La vieillesse n’est pas à tout coup un naufrage !