L’exposition « le retour des Croisades » d’Eduardo Arroyo, un artiste du mouvement de la figuration narrative, est présentée actuellement au musée Bellas Artes de Bilbao.
Titre de l’exposition, mais aussi toile allégorique sur la situation actuelle en Espagne, « Le retour des Croisades » figure en écho à la composition monumentale d'Ignacio Zuloaga, « La victime de la Fiesta » (1910).
Jean-Marie Eudes, ancien publicitaire parisien établi au Pays Basque, a bien connu Eduardo Arroyo lorsque ce dernier habitait la capitale. Pour Baskulture, Jean-Marie Eudes qui a vu l’exposition a accepté de nous décrire ce célèbre artiste, peintre, graveur et décorateur de théâtre, Eduardo Arroya, né à Madrid en 1937.
Anne de L. C.
« Pour ce qui est de ma connaissance d’Arroyo, je ne peux que me limiter aux rencontres que j’eus avec lui lorsque j’étais en charge des campagnes publicitaires en 82/83 pour le chausseur Charles Jourdan qui souhaitait montrer de l’art « étonnant », partant du principe qu’en donnant à voir de l’art à ses clientes, elles pensaient que ses souliers étaient de l’art. Ainsi j’ai eu l’occasion de connaître « La Ruche », rue de Dantzig, que fréquentaient Arroyo et Jean-Paul Chambas.
Puis, j’ai connu les peintres que le grand critique d’art Gérald Gassiot-Talabot avait rangé sous l’étiquette « Figuration Narrative », tels Arroyo, Valério Adami, Errô, Jacques Monory, Klasen… non retenus pour les campagnes. Elles furent réalisées avec Cieslewicz, Georges Rousse, Stefan de Jaeger, Dominique Grisor.
Edouardo Arroyo est connu dans le monde entier pour sa peinture présente dans de nombreux musées, pour ses posters de Roland Garros, ses affiches de corridas, ses décors d’opéra, ainsi que pour un livre présenté à « Apostrophes ».
De mes plus de quarante ans de fréquentation des expositions d’Arroyo, je garde deux évènements majeurs : La « Ronde de nuit » de Rembrandt revisitée de façon très personnelle par Edouardo en 1976 et, aujourd’hui, cette réinterprétation tout aussi fantaisiste (2017) du tableau d’Ignacio Zuloaga, né en Guipuzcoa. Cette toile, peinte en 1910, donne à voir la détresse d’un cavalier courbé sur sa monture apitoyante couverte de plaies. Les deux reviennent à l’évidence d’une corrida dont un village peint dans la pénombre ambiante en contrebas laisse voir ses arènes. Cette toile venue spécialement de New-York est présente à Bilbao, accrochée en vis-à-vis de la version revue et agrémentée d’Arroyo où le cavalier et sa carne fourbue sont environnés sur le reste de la surface d’une trentaine d’images paysagères joyeuses dans un contraste se voulant une compassion, mais, si naïve qu’elle frôle presque l’indifférence. L’effet est saisissant et donne son titre à la fois au tableau et au reste de cette nouvelle exposition d’œuvres récentes.
Aux Beaux-Arts de Bilbao, on nous fait découvrir un Arroyo qu’on savait curieux de tous les supports mais, là, sculpteur d’un genre nouveau. Dès la première salle, un tronc d’arbre pâle est orné d’une immense et inquiétante corne, bien qu’inoffensive. Premier choc, première surprise. La suite est réglée par la malice habituelle de cet artiste qui réussit, facétieux, à glisser dans la majorité de ses tableaux des outsiders les plus inattendus, personnages aussi différents et familiers que Napoléon, la Reine d’Angleterre, Gauguin, Bécassine, Van Gogh, Dorian Gray, Mickey, James Joyce, Robin des Bois. C’est un impromptu ou « un jeu des 7 erreurs » parfois hétéroclite mais toujours inspiré. Pris par ce pistage - d’où n’est pas exclue une évidente érudition -, naît un sourire qui reste accroché durant tout le parcours. On se prend comme des gamins à aller, de surprises en surprises, chercher des indices ou à revenir sur ses pas pour scruter une farce qui nous aurait échappé. On se sent heureux et léger en compagnie des tableaux qu’Arroyo nous livre. Je peux dire que c’est une sensation de liberté que j’ai ressentie à chacune de ses expositions. Elle atteint là, un sommet.
Cette exubérance surprenante et prolifique fait d’Edouardo Arroyo un des géants de la peinture mondiale. La qualité de son inventivité, sa recherche permanente, sa jubilation, sa joie de vivre et la vitalité de ses 80 ans ne manquent pas, et je ne crois pas exagérer, de montrer une singulière analogie effervescente de carrière avec un de ses compatriotes, à cheval comme lui sur les Pyrénées : Pablo Picasso.
La muséographie est remarquable et très aérée. On nous y offre un mur entier pour un seul diptyque ou une salle ouverte pour une sculpture dans une luminosité idéale. La présentation est si généreuse qu’elle rend l’artiste oblatif pour notre plus grand plaisir. On sort heureux. Des guides compétents sont disponibles pour les groupes si nécessaire ».
Jusqu’au 9 avril, exposition « le retour des Croisades » d’Eduardo Arroya au musée Bellas Artes de Bilbao, ouvert de 10h à 20h tous les jours, fermé le mardi. Entrée 9 €. Gratuit le mercredi de 10h à 15h et le dimanche de 15h à 20h. Pass Bono Artean combiné avec le musée Guggenheim : 16 €.
Anne de La Cerda et Jean-Marie Eudes