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Le Cinéma de la semaine
Les Deux Alfred (92’) Film français de Bruno Podalydès
Les Deux Alfred (92’) Film français de Bruno Podalydès

| Jean-Louis Requena 649 mots

Les Deux Alfred (92’) Film français de Bruno Podalydès

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Bruno et Denis Podalydès ©
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Alexandre Duveteux (Denis Podalydès) est assis dans le bureau impersonnel de son banquier (Michel Vuillermoz). Il y subit un interrogatoire en règle : son compte courant est a découvert. On y apprend que son couple traverse une crise suite à un écart de sa part. Il n’a que deux mois pour réparer sa faute. Son épouse est partie en mission secrète : elle est spécialiste de sonars dans un sous-marin d’attaque nucléaire, mais va revenir dans une paire de mois… Pour l’instant sa solde n’est plus créditée sur le compte commun. 
En attendant, Alexandre, actuellement au chômage, soutient qu’il cherche activement du travail : il a décroché un rendez-vous dans une start-up de consulting. Le pénible entretien achevé, il file chercher ses deux enfants l’un à l’école primaire, l’autre à la crèche. Ce faisant, il fait la rencontre d’un homme étonnant, Arcimboldo (Bruno Podalydès) qui se définit comme « entrepreneur de lui-même » ; un homme ubérisé qui multiplie les besognes les plus inattendues comme réparer des gadgets inutiles, les vendre sur internet, récupérer des drones, remplacer au pied levé quelqu’un dans une manifestation, etc. Arcimboldo est un homme souriant, disponible, d’humeur égale, à l’aise dans la vie trépidante de la métropole.

Dans la start-up aménagée en open space ressemblant à une aire de jeu (table de ping-pong, grands bacs à fleurs, etc.), Alexandre a un entretien d’embauche avec Aymeric (Yann Frisch), le boss de l’entreprise The Box, qui le bombarde de questions saugrenues, incompréhensibles, tout en manipulant avec frénésie sa tablette tactile. Contre toute attente, Alexandre est embauché sur le champ car natif du village où la nouvelle municipalité veut créer un évènement culturel. Il y connait les élus, ses copains d’enfance, auxquels The Box doit présenter un projet d’animation de la commune. Alexandre doit s’y rendre, toutes affaires cessantes, sous la houlette de Séverine Cupelet (Sandrine Kiberlain), une executive woman, agressive, irascible.

Pour obtenir le poste, Alexandre a caché qu’il avait deux enfants en bas âge dont il avait la charge depuis le départ de leur mère en mission … Or The Box applique le principe No Child (enfants interdits) afin que ses employés soient H24 (disponibles 24 heures sur 24 !).

Les folles journées entre son nouvel emploi et la gestion de ses enfants s’enchainent d’autant que Aymeric, le Boss, a des lubies en termes de management. Heureusement, l’hurluberlu Arcimboldo n’est jamais très loin …

Le neuvième long métrage du réalisateur/scénariste Bruno Podalydès (60ans) est une comédie douce-amère, sur l’environnement de plus en plus ubérisé dans lequel nous vivons. Également acteur dans son film (Arcimboldo) au côté de son frère puîné (Denis Polalydès, 58 ans, sociétaire de la Comédie Française) il incarne un personnage placide, acceptant sans aigreur l’absurdité d’un monde ou la communication exacerbée (les téléphones portables, les tablettes tactiles, les visioconférences, les objets intelligents, etc.) ne font qu’isoler les individus : chacun dans son « couloir temporel » est submergé d’informations superfétatoires. Effets pervers garantis ! Bruno Podalydès, réalisateur de nombreux films d’entreprises (hors de son œuvre fictionnelle), a une réelle connaissance du métalangage employé dans des entreprises dites innovantes, une sorte de franglais ridicule. Il l’utilise dans quelques scènes désopilantes ou, le burlesque teinté de poésie éclot.

Bruno Podalydès excelle dans le comique de situation. On pense évidement à Charles Chaplin (Les Temps Modernes – 1936) et à Jacques Tati (Mon Oncle - 1958, Playtime – 1967). Le réalisateur, scénariste et acteur s’entoure de films en films d’une troupe de comédiens adeptes de son univers particulier : Denis Podalydès (Alexandre Duveteux), Sandrine Kiberlain (Séverine Cupelet) Isabelle Candelier (la femme d’affaires), Michel Vuillermoz (le banquier), Philippe Uchan (le chauffeur du VTC), Jean-Noël Brouté (le ventouseur), etc. Ces interprètes familiers de l’univers du metteur en scène donnent un surcroît de légèreté, de fantaisie, dans leurs rôles respectifs. C’est épatant !

Les Deux Alfred a reçu le Label Festival de Cannes 2020. Le film de Bruno Podalydès se distingue des « comédies françaises » dont nous sommes accablées d’années en années.

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"Les Deux Alfred" de Bruno Podalydès.jpg ©
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