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Le Cinéma de la semaine
Le Dictateur (1940) de Charlie Chaplin (première partie)
Le Dictateur (1940) de Charlie Chaplin (première partie)

| Jean-Louis Requena 1302 mots

Le Dictateur (1940) de Charlie Chaplin (première partie)

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Charles Spencer dit Charlie Chaplin ©
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Le Dictateur (1940) de Charlie Chaplin ©
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Bref rappel historique (1933/1940)

Le 30 janvier 1933, le vieux maréchal Paul von Hindenburg (1847/1934), Président du Reich, nomme Adolf Hitler Chancelier. La nomination du « caporal bohémien » à ce poste prestigieux a été laborieuse car une partie de la classe politique s’y opposait fermement. Par ailleurs, ses alliés politiques de circonstances sous-estimaient ses capacités à gouverner. Du reste il n’y a que deux autres membres du NSDAP, le parti nazi (Parti national-socialiste des travailleurs allemands) dans le nouveau gouvernement : Herman Göring (1893/1946) et Wilhelm Frick (1877/1946). Mais dès le soir de sa prise de fonction, les SA (section d’assaut) et SS (escouade de protection), milices du parti nazi, défilent bruyamment dans les rues des principales villes allemandes. Très rapidement (incendie du Reichstag le 27 février 1933) la machine répressive nazi se met en marche. A la mort de Paul von Hindenburg en août 1934, Adolf Hitler se fait plébisciter chef de l’Etat et devient ainsi « Führer » du Reich Allemand. La République du Weimar honnie par les nazis, s’achève.

Après s’être débarrassé des « ennemis intérieurs » (La Nuits des longs Couteaux – juillet 1934, La Nuit de cristal – novembre 1938), Adolf Hitler pousse ses pions, sans retenu, dans le grand jeu politique européen jusqu'à l’invasion de la Pologne (1er septembre 1939) déclenchant, par le jeu des traités, la déclaration de guerre conjointe de la France et de l’Angleterre le 3 septembre 1940.

Le 9 septembre 1939, 9 jours après l’invasion de la Pologne par l’armée allemande, Charlie Chaplin, 51 ans, dans ses studios La Brea à Los Angeles, démarre le tournage de son premier film parlant, une comédie burlesque : Le Dictateur (The Great Dictator – 124’). Le réalisateur travaille sur ce projet depuis 1938. Des États-Unis où il réside depuis 1912, il a suivi, effaré, la montée en puissance du régime nazi et de son « Führer » vociférant dans les bandes d’actualités cinématographiques. Pour ce long métrage, contrairement à ses habitudes issues du tournage des « silents movies » (films muets) il a rédigé un scénario très élaboré qu’il va suivre à la lettre. Le budget est important : 2 millions $ ! C’est son propre argent. Aucun studio n’a voulu financer Le Dictateur pour trois raisons principales : le film, au budget important, est réputé non rentable (aux États-Unis) à cause de son sujet politique traité sur le mode burlesque ; les studios hollywoodiens exportent massivement leurs productions en Europe et l’Allemagne nazie est, en 1940, leur plus important marché qu’ils ne souhaitent pas annihiler; enfin, il existe aux États-Unis un fort courant isolationniste en partie structuré et financé par une importante diaspora, d’origine allemande, perméable aux « idéaux » du 3 ème Reich.

Le Time Magazine n’a-t-il pas élu, dans son numéro du 2 janvier 1939, Adolf Hitler « Homme de l’année 1938 » ?

Vies parallèles : Charlie Chaplin et Adolf Hitler

Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin est né le 16 avril 1889 à Londres. C’est un enfant de la balle : ses parents sont artistes de music-hall qui se sépareront deux ans après sa naissance. La vie du petit garçon malingre est très difficile d’autant que sa mère Hannah (1865/1928), chanteuse intermittente, a de sérieux troubles psychiatriques. Il se produit très jeune (dès 5 ans !) dans les cabarets londoniens où il fait des numéros de pantomime. Son père ayant disparu, sa mère souffrante, il mène une jeunesse erratique. A l’âge de 19 ans (1908), il est engagé dans la célèbre troupe de l’imprésario Fed Karno (1866/1941). Avec cette compagnie il fait deux tournées au États-Unis en 1912 (juin et octobre). Il décide de ne pas retourner en Angleterre. En décembre 2013, il est engagé par Mark Sennett (1880/1960) patron du studio Keystone. Son immense carrière cinématographique est lancée. En février 1914, il tourne son premier film (court métrage muet) avec le personnage Charlot qu’il a créé : Charlot est content de lui (Kid Auto Races at Venice). Les courts métrages vont se succéder rapidement : en 1914, 36 courts métrages pour le studio Keystone ; de 1915 à 1916 15 films (2 bobines) pour le studio Essanay; de 1916 à 1917, 12 films pour la Mutual. Charlie Chaplin, devenu Charlot (The Tramp – le Vagabond) ralentit la production de petits films car son ambition artistique se développe. De 1918 à 1923, 9 films pour le studio First National dont The Kid (1921) film muet de 6 bobines et énorme succès planétaire.

Devenu très riche grâce à de juteux contrats négociés par son demi-frère Sydney (1885/1965), venu le rejoindre à Hollywood, soucieux de maintenir sa liberté artistique, Charlie Chaplin fonde en janvier 1919 avec ses amis, Douglas Fairbanks (1883/1939), sa femme Mary Pickford (1892/1979) ainsi que le grand cinéaste David W. Griffith (1875/1948) la société de distribution « United Artists ». Avec cette compagnie Charlie Chaplin réalise cinq longs métrages en dépit d’une vie personnelle chaotique (deux mariages et deux divorces !) et l’arrivée du cinéma parlant (Le Chanteur de Jazz – 1927) auquel il est farouchement opposé : L’Opinion Publique (A Woman of Paris – 1923), La Ruée vers l’or (The Gold Rush – 1925), Le Cirque (The Circus – 1928), Les Lumières de la ville (City Lights – 1931), Les Temps modernes (Modern Times – 1936). Cette dernière œuvre est sonorisée mais non parlante !

En 1929, lors d’un entretien, Charlie Chaplin déclare : « Les Talkies ? Vous pouvez dire que je les déteste ! … Ils viennent gâcher l’art le plus ancien du monde, l’art de la pantomime. Ils anéantissent la grande beauté du silence ». En 1940, pour faire passer son message politique, Charlie Chaplin qui a peaufiné durant deux ans le scénario ne peux y exclure la parole : Le Dictateur sera son premier film parlant !

Adolf Hitler est né le 20 avril 1889 à Braunau am Inn (Autriche - Hongrie) soit quatre jours après le futur Charlot ! Comme celui-ci, il a eu une enfance difficile (un père violent), une mère aimante, des études erratiques et un tempérament d’artiste : il voulait devenir « artiste peintre ». Jeune adulte, menant à Munich (Bavière) une vie de bohème, quasi clochard, il s’engage en août 1914 dans un régiment d’infanterie bavaroise. Il est envoyé sur le front de l’ouest où il est blessé (1916), puis gravement gazé (1917). Après l’armistice, en novembre 1918, Adolf Hitler rentre à Munich sans famille, sans travail, sans domicile. Il retourne dans son régiment qui y est stationné. L’Allemagne est en effervescente, au bord de la guerre civile, la République de Weimar a été proclamé la veille de l’Armistice (10 novembre 1918). Après une période d’attentisme Adolf Hitler devient, en 1919, l’orateur charismatique d’un parti politique qu’il a transformé : le NSDAP (Parti national-socialiste des travailleurs allemands). Ses discours ont pour thèmes, toujours martelés : l’antisémitisme, l’antibolchevisme et le nationalisme. Sur le modèle Mussolinien (la Marche sur Rome – octobre 1922), il tentera un putsch à Munich (9 novembre 1923) avec le général Éric Ludendorff (1865/1937), ancien Général en Chef des armées allemandes, qui échouera lamentablement. Condamné et détenu (un an !) à la prison de Landsberg, il élaborera avec l’aide de son secrétaire Rudolf Hess (1894/1988) son ouvrage « Mein Kampf » (Mon combat) récit autobiographique et manifeste politique ou il détaille, sans fard, sa redoutable idéologie mortifère qu’il appliquera une fois au pouvoir (30 janvier 1933).

La suite sera la « résistible ascension » selon le mot du dramaturge Bertolt Brecht (1898/1956) favorisée après 1929 par une effroyable crise économique, la faiblesse de la République de Weimar, les erreurs, le discrédit de ses adversaires politiques qui ont sous-estimé cet orateur gesticulant, ce « caporal bohémien ».

C’est cet homme de son âge, à la moustache de Charlot (!), par ailleurs cinéphile, notamment du cinéaste allemand Fritz Lang (en particulier les Trois lumières - 1921, Les Nibelungen - 1924, Métropolis – 1927, films muets) que Charlie Chaplin observe depuis son arrivée au pouvoir par le biais des actualités cinématographiques.

Devant ses amis, Charlie, facétieux, imite sa gestique hachée, ses éructations, ses menaces …

Fin de la Première partie

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