Une pratique ancienne revisitée aujourd’hui par des adeptes de l’abstinence de viande, d’alcool et de sucre.
1 – Les définitions du jeûne.
On a bien souvent cru la pratique du jeûne réservée aux religions comme une privation imposée par les conduites spirituelles spécifiques à chacune d’elles. Nos contemporains retrouvent cependant cette conduite comme une quête de bien-être naturel du corps et de l’esprit, sous le signe d’un jeûne médical accompagné d’une diététique suivie et revisitée par des adeptes de l’abstinence.
Selon le praticien, un jeûne commence six heures après le dernier repas consommé. Mais on voit désormais des sujets attachés à de telles pratiques les adopter comme règle de vie pour des raisons de confort personnel. Des études médicales préconisent le jeûne pour le suivi d’affections physiologiques au bénéfice de thérapeutiques, en cas de diabète, de polyarthrite, de rhumatisme, de tension artérielle, d’asthme, d’allergie ou d’insuffisance cardiaque, selon un protocole médical suivi et contrôlé par les professionnels. Les débats internes relatifs à la pratique du jeûne pour des cancéreux atteints de longues maladies font l’objet de discussions contradictoires selon les chercheurs qui préconisent ou contestent l’efficacité des résultats obtenus, par l’usage du jeûne comme traitement de telles affections.
Quand ils ne pouvaient guérir quelques maladies par les thérapies des plantes, coutumières à l’époque, les Grecs recommandaient – sur les conseils du prêtre Asclépios - le jeûne de trente jours pour le patient disposant d’eau et isolé du reste des malades pendant la longue période qui précédait la guérison.
Quant aux Romains, héritiers de la médecine grecque ancienne et des préceptes d’Esculape, ils se conformaient à des us identiques avec des résultats souvent incertains et une méthode expéditive au regard des progrès obtenus par cette médecine pour soigner des patients qui étaient en manque d’eau.
Une évolution notable de cette discipline de vie généralisa la pratique du jeûne chez les Chrétiens pour des raisons religieuses qui se répandront dans la diaspora au fil du temps
Auparavant, les israélites demandaient aux fidèles la pratique du jeûne deux fois par an, pour Yom Kippour et lors de la fête de Tisha Seav, selon les recommandations de la Torah, avec l’usage du jeûne des premiers nés, celui d’Esther lors de la célébration des deuils, où il semblait convenu de porter le costume de circonstance, de pratiquer la privation de nourriture et de boisson alcoolisées et l’abstinence de relations sexuelles.
- Avec le christianisme, le jeûne se développa en guise de pénitence pour éveiller le désir de « la conversion d’une vie se rapprochant de Dieu particulièrement dans le temps de la quarantaine en vue de Pâques ». Le Haut Moyen Age avait pris l’habitude d’appliquer des règles destinées aux fidèles : en 594, Grégoire de Tours demande aux Francs d’observer le jeûne deux jours par semaine et plusieurs fois l’an. Elles iront en augmentant, mais se perdront au fil du temps...
- Les évêques appliqueront ces consignes dans les abbayes et trouveront aussi chez les religieux, bénédictins et trappistes des observances inspirées par Saint Benoît et par les moines des ermitages instruits de l’Orient ancien.
- On notera encore chez Thérèse de Lisieux de telles mesures demandées dans les carmels aux religieuses, mais singulièrement l’esprit et la méthode inspirées de ces quarante jours qui préparent la pâque de Jésus trouveront une interprétation différente chez François d’Assise ou Dominique, fondateur de l’ordre des dominicains.
Dans un texte théologique paru en février 2009, le pape Benoit XVI écrit que le jeûne doit être « une thérapie volontaire pour soigner ce qui peut empêcher de se conformer à la volonté de Dieu », laissant à chacun le soin de fixer pour son cas personnel les dispositions lui semblant les plus justes.
Le jeûne n’appartient pas exclusivement aux religions du Livre :
- Le bouddhisme, l’hindouisme, la bahaïsme et l’islam appliquent ce temps de privation à leur propre conduite spirituelle.
- Il n’est jusqu’aux animistes de respecter ces règles favorables au développement de « la conscience de son corps et la quête d’un bien être spirituel, dans des règles du jeûne choisies pour ce faire ».
2 – Claire et François d’Assise à propos du jeûne.
Tous deux recommandent la pratique sage du jeûne avec « la prudence requise sous le regard de Dieu et pour le louer. Alors seulement, il est vertu de tempérance et conduit au Créateur… La boulimie incompressible des objets matériels de toute vie exclut l’appétit des faims spirituelles, le vide qui s’ensuit nous éloigne de tout ce que nous recevons du Créateur, et développe une douleur intérieure qui rompt le lien de communion et de partage de toute vie donnée et reçue pour cette mission personnelle ».
Les principes spirituels franciscains évoquent « le calice de l’âme » qui perçoit le désir des énergies données par Dieu par le jeûne, développant cette attente intérieure des sens de notre vie, l’odorat, le regard, la parole, le goût et le toucher. Spiritualité du Créateur qui parle à toute création, cette expression de l’esprit divin parlant à notre esprit, nos contemporains aiment ce langage singulier du Poverello d’Assise qui partage la pratique du jeûne comme une expérience intérieure et spirituelle de communion au Créateur. Expérience somme toute encore perceptible aux âmes bien nées, aptes à en saisir toutes les richesses.