Abel (Louis Garrel) et Marianne (Laetitia Casta) sont un couple de bourgeois parisien qui habitent dans un grand appartement au sein d’un quartier huppé de Paris. Ils ont un fils d’une douzaine d’année : Joseph (Joseph Engel). En cours d’un repas, l’adolescent disserte sur le problème du réchauffement climatique de notre planète. La tension monte. La conversation s’anime jusqu'au moment où Joseph déclare, tout de go, qu’il a vendu, sur Internet, certaines de leurs affaires personnelles superflues ! Stupéfaction des parents qui découvrent que leur enfant « deal » … pour le bien de la planète.
Joseph n’est pas un cas isolé, il est membre d’un réseau …
Quelques mois avant sa disparition en février 2021, le scénariste Jean-Claude Carrière (1931/2021) avait soulevé, lors d’une conversation avec le futur réalisateur, le thème des enfants qui se passionnent pour l’écologie et font pression sur leurs parents afin que ceux-ci modifient leur mode de vie. Louis Garrel n’y a pas cru jusqu'au jour où il a aperçu à la télévision, la jeune militante suédoise Greta Thunberg (17 ans) admonester un parterre d’adultes contrits. Ce fut le déclic. Il contacta sans tarder le scénariste. Ce dernier rédigea rapidement un script … trop court dont le tournage rapide a eu lieu durant la pandémie du Covid 19 (quelques plans des rues de Paris, désertes). Au début du film, les scènes d’expositions et des premiers développements sont excellentes : elles sont de la main du maître en scénarios (plus de soixante !). Ensuite, après une interruption de filmage et un premier montage, elles ont été développées par la jeune scénariste Naïla Guiget (33 ans). La brièveté de La Croisade (1h 7minutes) nous donne une sensation d’inaccompli (pourtant, il existe des chefs d’œuvres cinématographiques de 70 minutes !). A partir de l’entame de l’histoire écrite par Jean-Claude Carrière, il y avait, selon nous, des déclinaisons du récit possibles qui n’ont pas été exploitées. C’est dommage car ce sujet d’actualité est fort : par les mécanismes viraux, pervers, des réseaux sociaux que les adolescents maitrisent mieux que leurs parents, ceux-ci prennent en quelque sorte le pouvoir sur leurs aînés censés les guider dans la vie. Cette attitude de « jeunes sachant » surfant sur internet sans connaissances structurées, sans recul critique, est pour le moins perturbante. L’opinion éphémère, l’ignorance volatile, écrasent sans effort le savoir laborieux. C’est l’inversion des pôles !
La Croisade de Louis Garrel (son troisième long métrage) ne fait qu’esquisser ce phénomène de société auquel nous sommes confrontés par les médias de masse qui les amplifient à loisirs. Dans la bulle informatique/médiatique peuplée « d’idiots utiles », il ne s’agit plus de changer de société, ni même de l’améliorer, mais de changer l’organisation du monde avec ses pouces. Vaste programme !
En cette fin d’année 2021 pour le moins contrastée, La Croisade est comme un amuse-bouche qui inaugure un repas que nous espérons délicieux.