« Drunk » - Film danois de Thomas Vinterberg – 115’
De jeunes lycéens se lancent dans une course de fond : l’enjeu consiste à courir en transportant une caisse de bouteilles de bière … et de les boire durant la compétition. Bien entendu le jogging se termine avec des adolescents sévèrement éméchés et/ou malades. Nous sommes au Danemark (5,8 millions d’habitants) pays démocratique dont le régime libéral, permissif, est une monarchie constitutionnelle. (Reine Margrethe II). Dans ce pays paisible qui a échappé aux conflits divers d’après la seconde guerre mondiale, tout semble aller dans le meilleur des mondes.
Dans cet environnement, calme, apaisé, quatre enseignants du même établissement scolaire s’ennuient : Martin (Mads Mikkelsen) professeur d’histoire, Tommy (Thomas Bo Larsen) éducateur sportif, Peter (Lars Ranthe) psychiatre, et Nikolaj (Magnus Millang) professeur de musique, le plus jeune du quatuor. Tous ont des problèmes professionnels, ou d’ordres privés, en particulier Martin qui semble se désintéresser de ses cours d’histoire : ceux-ci sont confus, inaudibles. Ses élèves, puis leurs parents protestent contre la médiocrité pédagogique qu’affiche Martin. Il promet humblement de se ressaisir.
De surcroît, sa femme se désintéresse de lui et le trompe sans remord… Ses deux garçons adolescents l’ignorent … Esseulé, il vacille.
Martin est invité à une soirée dans un grand restaurant avec ses trois amis. Ceux-ci boivent beaucoup mais lui se contente d’eau pétillante durant tout le repas. A la fin des agapes, très arrosées, un des convives développe l’argumentaire suivant : un psychologue norvégien, Finn Skarderud, a développé la thèse selon laquelle l’homme serait né avec un taux d’alcool dans le sang qui afficherait un déficit de 0,5 grammes par millilitres. Il suffit donc de compenser ce manque en buvant de l’alcool toute la journée, en petites quantités, pour combler cette carence. Bien entendu, il faudra surveiller le taux d’alcool grâce à un éthylomètre afin de ne pas dépasser la dose journalière. Ainsi, espèrent ils accéder à un bien être intérieur.
Les quatre amis se lancent dans l’aventure : ils s’alcoolisent « scientifiquement » afin de compenser le fameux déficit décrit par le psychologue norvégien. Mais l’alcool aidant rien ne se passe comme prévu par les quatre impétrants : leurs rapports à leurs proches, aux élèves, à la communauté se modifient …
Après son coup d’éclat de Festen (Prix du Jury au Festival de Cannes 1998), réalisé selon les préceptes du Dogme95 (long métrage peu coûteux, tournage en lumière naturelle, pas de maquillage, son direct, caméra légère numérique, etc.) et quelques films de moindre retentissement, le metteur en scène danois, Thomas Vinterberg (51 ans), revient à notre mémoire avec son dernier opus ambitieux : Drunk (115’) sorte de fable sociale sur les bienfaits/méfaits de l’ivresse sur un groupe humain (les enseignants) en apparence sage, mais au quotidien perturbé par l’absorption de boissons fortes. Drunk suit principalement l’évolution de Martin au fur et à mesure de son alcoolémie ascendante avec de courtes séquences sur son trio d’amis buveurs, tout aussi perturbés que lui.
Thomas Vinterberg suit, caméra à l’épaule, ses personnages vers leur course à leur autodestruction (?) avec une mise en image vigoureuse, nerveuse, qui retient le spectateur. Le résultat est teinté d’humour avec des plages burlesques. Citons, un court insert de personnalités politiques de premier rang, ivres, balbutiantes, du plus grand effet comique. L’empathie manifeste du réalisateur pour son quatuor de copains buveurs, n’est pas sans rappeler le trio de Husbands (1971) de John Cassavetes. La complicité s’explique car les quatre acteurs principaux ont déjà travaillé par le passé avec le réalisateur : Thomas Bo Larsen (Tommy) dans la Chasse (2013), Lars Ranthe (Peter)dans La Chasse et la Communauté (2016), Magnus Millang (Nicolaj) dans la Communauté et Kursk (2019) et bien entendu Mads Mikkelsen (Martin) déjà enseignant dans La Chasse (Prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2013).
Drunk a été retenu dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2020. Avec le label « Cannes 2020 », il a été reprogrammé au Festival International de San Sébastian 2020 où les quatre acteurs danois, ont obtenu conjointement, la « Concha de Plata » (Coquille d’Argent) du meilleur acteur.