Song to Song - Film américain de Terrence MALICK – 129’
Austin, Texas. Un duo amoureux BV (Ryan GOSLING) compositeur et son amie chanteuse Faye (Rooney MARA) tombent sous le charme maléfique d’un producteur de spectacle, Cook (Michaël FASSBENDER). Le duo deviendra trio, puis quatuor avec l’arrivée d’une serveuse de bar, Rhonda (Natalie PORTMAN), chanteuse au chômage. D’autres personnages fictionnels ou réels (de vrais artistes américains : John LYDON, Patti SMITH, Iggy POP, etc.) apparaîtront pour nourrir le récit, sans cesse fragmenté façon puzzle.
Dans son style particulier, visuel et sonore, Terrence MALICK nous entraine dans un tourbillon de plans séquence ou le récit est disloqué à l’extrême en nous proposant paradoxalement un flot continu de sensations construites autour d’images éblouissantes (chef opérateur habituel, Emmanuel LUBEZKI) qui semble s’ingénier à contredire, en léger décalage, le son : peu de dialogue, beaucoup de « voix off » qui commentent la plupart du temps l’action muette, et chuchote des réflexions métaphysiques. Terrence MALIK pousse ici le dispositif convenu de la « voix off » à la limite du possible, créant ainsi un trouble, une altérité, une intermittence, qui sont les variances même des jeux de l’amour.
Ce long travail de montage sur la matière cinématographique (couple image/son) qui réduit à la fin du processus, le film à une durée normale, à peine plus de deux heures, peut à l’évidence déconcerter certains spectateurs habitués aux récits linéaires. Ici, comme dans ses deux précédents films avec lequel celui-ci forme, en quelque sorte, une trilogie (A la merveille – 2012, Knight of Cups – 2015) le réalisateur/scénariste pousse encore la déconstruction de l’histoire comme si seuls nos ressentis face aux images sublimes, voire subliminales, et aux voix sur écran et hors écran qui s’entremêlent sur de courtes phrases musicales (musique classique, musique pop, variétés, etc) étaient le générateur des intrigues amoureuses.
De nouveau, Terrence MALICK nous propose un univers panthéiste fait de personnages toujours en mouvement (fluidité du tournage à la steadicam ou go pro), jusqu'à la désarticulation, voire l’apesanteur dans un continuum d’image, de sons (voix off, fragments musicaux) qui s’additionnent (système classique hollywoodien) ou se soustraient (système nouvelle vague française).
Dès lors, nous comprenons que les critiques soient pour le moins partagées comme de coutume avec les films de ce réalisateur (génial ou navrant !). Mais, de notre point de vue, il faut faire l’effort de pénétrer un tant soit peu dans le monde sensoriel que développe Terrence MALICK fort éloigné des clichés visuels et sonores simplistes dont nous sommes accablés chaque jour.
C’est une expérience sensorielle, émotionnelle à tenter, sans à priori, hors de notre zone de confort toujours opposée, par paresse, aux formes nouvelles.
Jean-Louis Requena