Nous avions prévenu nos lecteurs deux semaines à l’avance : il ne restait que peu de places pour le récital que l'Ensemble Magellan donnait à l’hôtel du Palais à Biarritz le 27 décembre dernier. Peu de temps avant le début du concert, une longue queue s’étirait encore dans le grand hall du palace alors que le Salon Impérial était déjà bien rempli…
Disons d’emblée que le Quatuor pour piano et cordes de Brahms a été enlevé de main de maître par les jeunes musiciens dont la fougue dans les mouvements rapides les faisaient presque bondir, prêts à s’envoler au fil de la partition de l’allegro (non troppo) et du scherzo, dans un romantisme bouillonnant pénétré des conflits émotionnels qui avaient traversé la vie intime du compositeur. Mais on songeait, à l’occasion, au jeune Werther dont on a parfois attribué le nom à ce quatuor ; le héros de Goethe dont la sensibilité alliée à une nature très créative était merveilleusement illustrée par Guillaume Latour qui savait poser à l’occasion un archet délicat sur les cordes de son violon « comme abeille sur fleurs », selon la belle formule de Sarasate (qui habitait à une « portée de notes » du Palais).
Le violoncelliste Sébastien Van Kuijk lançait l’andante en sachant tirer toute la belle sonorité et la poésie de son instrument, bientôt rejoint par Guillaume Latour, puis l’alto de Ralph Szigeti. Olivier Cangelosi au piano accompagnait les cordes avec brio, en les mettant en valeur sans s’imposer. Quant à l’allegro comodo, nos jeunes interprètes lançaient littéralement des étincelles musicales – en castillan, on les eut qualifié de « chispas de la vida » - tout en observant à tout moment un ensemble parfait dont s’écoulait une musique « fondue », avec à la fois, puissance et légèreté…
Le célèbre quintette « La truite » de Schubert constituait la deuxième partie du concert : à toutes les qualités précédemment énoncées, il convient là d’ajouter le talent du contrebassiste Benoît Levesque, séduisant en diable et tout aussi engagé dans la partition, qui lançait des œillades amusées et complices à ses compagnons, de sorte qu’on se prenait à imaginer la malice du compositeur murmurant à la truite : « la belle, tu peux filer, mais à la fin, je t’attraperai »… Au gré de ses apparitions à la surface de l'eau, et selon le motif musical aux notes montantes et descendantes ! Quel merveilleux ensemble : les cordes ondulaient comme le poisson frétillant et se faufilant dans le cours d’eau, et les doigts du pianiste Olivier Cangelosi virevoltaient sur le clavier, semblant lancer des éclats musicaux telles les écailles de la « Forelle » argentée dans un rayon de soleil ! Un pur bonheur qui valut des ovations aux musiciens, et un bis aux mélomanes sous forme d’un extrait de la « Cavalleria rusticana » de Mascagni.
Le futur concert d’Artemonia aura lieu dimanche 25 février à 11 h au Palais avec la pianiste japonaise Misaki Baba dans un programme Bach – Chopin – Ravel – Scriabine.
Alexandre de La Cerda