Evoquer ce sujet pourrait sembler présomptueux, tant les traductions basques au fil des siècles ont donné naissance à une littérature et à des travaux originaux dans les différents dialectes des provinces basques et au fil de l’histoire religieuse du Pays Basque de part et d’autre des Pyrénées.
En rendant hommage à Jeanne d’Albret qui fut « l’instigatrice de la traduction basque de la Bible imprimée » par Leizarraga, que l’on disait de Briscous ou de La Bastide Clairence.
Jeanne d’Albret avait compris que « la foi chrétienne devrait emprunter les langues usuelles locales pour être comprise et partagée par tout le peuple ». Dans les ordres bénédictins on pratiquait ces traductions pour un usage communautaire...
D’autres noms de traducteurs viennent à la mémoire : le Capitaine Duvoisin, J. A. Uriarte, R. Olabide, Urixe, Ruiz Arzalluz, Haraneder, Harriet… Les uns de la filiation calviniste, les suivants de tradition catholique. Chacun d’eux, au fait du travail de ses prédécesseurs, adoptera ou adaptera souvent son vocabulaire aux parlers locaux des églises basques.
Car de toute évidence, le parler souletin n’étant pas celui des Labourdins, ni des habitants du Guipuzcoa, on devine l’intérêt de chacun à appliquer ce vocabulaire local pour traduire dans un propos vernaculaire le contenu biblique en son entier, ou dans certains des livres publiés à cet effet...
Les historiens rapportent qu’au XIIème siècle, le souverain navarrais Sanche le Fort disposait d’une Bible en latin, et on attribuait aux Navarrais deux autres bibles en latin au XIVème siècle, d’un usage confidentiel... Mais depuis cette époque, le chemin emprunté depuis Leizarraga parait incroyable. Il utilisait des traducteurs pour adresser aux autochtones quelques éléments de culture biblique lors des prêches adressés au peuple.
Leizarraga travailla avec ses compagnons traducteurs, de vrais compagnons du devoir afin de satisfaire la commande de Jeanne d’Albret. Oeuvrant dans l’ombre, ils portaient comme noms Sanz de Tartas, La Rive, Landetcheverry et Tardets, tous calvinistes...
Les premiers livres traduits par Leizarraga seront publiés à La Rochelle où l’auteur arrivé en 1571 passa du temps pour ce travail, puis encore à Strasbourg et à Londres..
Faut-il encore se souvenir que Leizarraga fit le voyage de Genève pour apprendre la traduction calviniste de la Bible comme demandé par la Reine Jeanne d’Albret ?
Des éditions dont certaines se limitent à quelques exemplaires et des biens rares aux mains de religieux, avec des variantes dans le texte, qui laissent penser que les disciples et collaborateurs aient pu prendre quelque liberté pour accorder leur texte à leur connaissance du basque, aux parlers locaux spécifiques ou les comprenant chacun dans sa langue comme dans le récit de Pentecôte !
Le prince Louis Lucien Bonaparte, connu comme un bascologue éminent, s’entoura également de collaborateurs in situ, tels Emmanuel Inchauspé, le souletin, Sallaberry Iberrola, de Basse-Navarre. Ils semble qu’ils furent au nombre de treize.
Il semblait en ce temps-là peu souhaité de faire « dans le batua unifié actuel ». Le texte biblique - dont la saveur différenciée semblait convenir aux auteurs - était plus prompt à embrasser le ton littéraire du Livre saint que l’exacte littéralité académique de la langue basque de facture récente !
Des écrivains exerceront ainsi leur style à traduire des livres bibliques ou à sélectionner quelques prophètes à leur goût, dans une adaptation du fond et de la forme du récit, tel Pierre d’Urte, J. Haraneder, Garidor, J. Lizarraga d’Elcano, B. Chaho, ou encore le docteur Oteiza, Garibal...
Faut il s’interroger sur cette volonté ? Le Prince Lucien Bonaparte s’entoura de treize traducteurs de toutes les provinces basques, s’assurant ainsi « la pluralité des sources du langage et du vocabulaire ».
Une bible en basque fut composée encore par A. Uriarte qui ne fut guère publiée dans son intégralité ? Le capitaine J. Duvoisin fut encore un autre traducteur reconnu de la Bible au siècle suivant.
Chaque génération, bénéficiant des expériences précédentes, les traducteurs suivants deviendront des successeurs à leur manière, mais selon des méthodes et des perceptions de l’utilité du Livre Saint distinctes selon les époques. Loin, sans doute, des ambitions de Jeanne d’Albret, et plus en phase avec les attentes des populations basques si différentes selon leurs territoires, et les ambitions liturgiques plus ou moins disposées à partager ce travail dans les assemblées des fidèles.
Bonaparte eut ses propres successeurs en la personne de Brunel et de la souletine Anna Urruthy. Puis viendront encore Azkue et Galdos, José Zabala Arana, Manuel Arriandiaga, Ormaetxea, Léon le Labourdin, dont les ambitions différeront, mais leur travail de traduction en basque sera toujours inspiré.
Sans avoir pu évoquer la totalité de ces auteurs, les plus connus et tous ceux qui pour leur usage firent des traductions ponctuelles, catéchétiques ou liturgiques, il faut rappeler, pour l’époque contemporaine, Olabide, J. Keretxeta pour la Biscaye, Xavier Diharce, Mendizabal, Manuel Zelaia, et le père Marcel Etchehandy de Belloc, parmi tous ceux qui n’ont pas été cités dans cette énumération. Elle ne sera pas exhaustive dansmon cas !
Trouvera-t-on encore dans les papiers personnels de Pierre Lafitte, de Villasante, de Jean Hiriart Urruty, de Joseph Camino, de Pierre Andiazabal, d’Emile Larre, de Pierre Narbaitz, de Roger Idiart et de bien d’autres, des traductions inédites ? L’avenir dira si des trésors sommeillent encore dans l’oubli...