Cette fois, c’est « Carmen » de Bizet (dans sa version concert) que dirigera Pierre Bleuse à la tête de l'Orchestre symphonique du Pays Basque (ex-ORBCB), de ses choristes et des grands élèves du conservatoire régional en fin de cursus, alors qu’on l’avait apprécié, il y a quatre ans, comme chef de l'Orchestre National Bordeaux Aquitaine dans les tout aussi riches couleurs des fameux « Airs Bohémiens » de Sarasate et de « Tzigane » de Ravel pour le festival « Musique en Côte basque » à Saint-Jean-de-Luz ! Les chanteurs solistes seront Rany Boechat dans le rôle de Carmen, Julia Wischniewski dans celui de Micaela. Kristian Paul sera Escamillo et Sébastien Obrecht, Don Jose. Un concert à ne pas rater ce dimanche 10 juin à 17 heures à la Gare du Midi de Biarritz.
Pour un peu, on pourrait presque qualifier de « basque » l’argument de cette œuvre inspirée de la nouvelle de Prosper Mérimée, ami de la comtesse de Teba y Montijo et de sa fille Eugénie, devenue impératrice des Français qu’il suivra dans ses séjours au Pays Basque. Ce n’est donc pas un hasard si, arpentant avec sa protégée les routes du Pays Basque, il était au courant de l’enlèvement par des Buhamiak (gitans) d’une enfant dans un caserio au bas d’Etxalar, qui existerait encore et que Paul Dutournier m’avait indiqué plus d’une fois quand nous « passions la muga » dans cette région de « Cinco-Villas » ou Bortziriak…
Dans la nouvelle de Mérimée, Don José ne dit-il pas qu’il était « né à Elizondo, dans la vallée de Baztan » ? – « Je m'appelle don José Lizarrabengoa, et vous connaissez assez l'Espagne, Monsieur, pour que mon nom vous dise aussitôt que je suis Basque et vieux chrétien. Si je prends le « don », c'est que j'en ai le droit, et si j'étais à Elizondo, je vous montrerais ma généalogie sur parchemin. On voulait que je fusse d'église, et l'on me fit étudier mais je ne profitais guère. J'aimais trop à jouer à la paume, c'est ce qui m'a perdu. Quand nous jouons à la paume, nous autres Navarrais, nous oublions tout. Un jour que j'avais gagné, un gars de l'Alava me chercha querelle ; nous prîmes nos maquilas, et j'eus encore l'avantage ; mais cela m'obligea de quitter le pays. Je rencontrai des dragons, et je m'engageai dans le régiment d'Almanza, cavalerie. Les gens de nos montagnes apprennent vite le métier militaire. Je devins bientôt brigadier et on me promettait de me faire maréchal des logis, quand, pour mon malheur on me mit de garde à la manufacture de tabacs à Séville ». Et, d’ailleurs, « ce n'est pas un air espagnol » qu’il chantera à son hôte, le narrateur dans la nouvelle de Mérimée, mais bien une pièce qui « ressemble aux zorzicos que j'ai entendus dans les Provinces, et les paroles doivent être en langue basque »...
Quant à Carmen, dont José ne savait si elle mentait ou disait vrai, « elle savait assez bien le basque : - Laguna, ene bihotsarena, camarade de mon cœur, lui dit-elle tout à coup, êtes-vous du pays ? Notre langue, monsieur, est si belle, que, lorsque nous l'entendons en pays étranger, cela nous fait tressailli », remarquait encore Don José. - « Je suis d'Etchalar », affirmait encore Carmen chez Mérimée en précisant : - « J'ai été emmenée par des bohémiens à Séville. Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre, près de ma pauvre mère qui n'a que moi pour soutien, et un petit barratcea avec vingt pommiers à cidre. Ah ! si j'étais au pays, devant la montagne blanche ! On m'a insultée parce que je ne suis pas de ce pays de filous, marchands d'oranges pourries ; et ces gueuses se sont mises toutes contre moi, parce que je leur ai dit que tous leurs jacques de Séville, avec leurs couteaux, ne feraient pas peur à un gars de chez nous avec son béret bleu et son Ynaquila. Camarade, mon ami, ne ferez-vous rien pour une payse » ?
D’ailleurs, les habitants d’Etxalar ne s’y étaient pas trompés en représentant l’année dernière l’authentique « Carmen » de Mérimée sous forme d’une pastorale « Karmen Etxalarkoa Pastorala » ! Et s’il fallait encore chercher un lien de cette œuvre avec le Pays Basque, il convient d’indiquer que c’est le compositeur alavais Sebastián Iradier y Salberri qui soufflera à son ami Bizet sa habanera « El Arreglito » qui donnera dans « Carmen » la célèbre aria « L'amour est un oiseau rebelle »…
« Carmen » par l'Orchestre symphonique du Pays Basque, ses cœurs et solistes, dimanche 10 juin à 17h Gare du Midi de Biarritz Tarifs : 25 €, groupe (à partir de 10 personnes) et étudiants / 15 €, Formule Piccolo/ 15 ou 20 €, - 22 ans et élèves CRR (hors pratiques amateurs) / gratuit - Renseignements et billetterie : office de tourisme de Biarritz, tél. 05 59 22 44 66.
Alexandre de La Cerda