Les députés bretons étaient à l'avant garde de la défense de nos langues régionales devant une Assemblée nationale - aux rangs clairsemés - qui a examiné jeudi en première lecture la proposition de loi de Paul Molac sur la protection patrimoniale des parlers de ce que l'on nommait (avant la Révolution) "les peuples de France". Engagé pour la défense de la culture et du patrimoine bretons, proche de l'Union démocratique bretonne et actuellement membre du groupe Libertés et territoires rassemblant des députés du centre gauche au centre droit ainsi que des élus nationalistes corses, le député du Morbihan ne s'est pas fait faute d'évoquer un lourd passif historique en défendant son texte. "On ne peut pas dire que dans notre Histoire, les relations entre les langues régionales et l’État aient toujours été fluides, surtout à partir de la Révolution", a-t-il estimé en rappelant les propos très hostiles aux "patois" de révolutionnaires comme Barrère ou l’abbé Grégoire.
Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, présent dans l'hémicycle "comme un gendarme surveillant les députés du peuple", donnant son avis à tout bout de champ, en contradiction complète avec le principe de la séparation des pouvoirs, s'est opposé à tous les amendements proposés même si, dans son discours d'introduction, il s'était déclaré en faveur des langues régionales. Il a même reproché à Paul Molac sa "critique de la République et de la Révolution française". Le ministre de l’Éducation nationale a fustigé un "combat d’arrière-garde" en affirmant : "Nous n’avons aucun problème avec les langues et cultures régionales. […] La loi telle qu’elle existe aujourd’hui nous donne tous les leviers nécessaires pour développer leur enseignement".
Le résultat ? Le bilinguisme des panneaux routiers et publics, les signes diacritiques régionaux dans les prénoms, la protection des langues régionales dans le loi de 1994 en faveur de la langue française. Ce qui a été bloqué en commission ou en séance d'amendements : la reconnaissance du principe d'immersion comme méthode pédagogique efficace, le financement des collèges bilingues privés, l'intégration de l'enseignement des langues régionales dans les horaires standards.
Vidée de ses textes essentiels sur l'enseignement des langues régionales, les députés Paul Molac, Marc Le Fur et M. Hetzel ont bien essayé de rétablir les articles 3, 4 et 9 qui avaient été supprimés en session mais n'y sont pas parvenus sauf pour quelques ajouts, en particulier l'adoption par l'état civil des signes diacritiques régionaux comme le tilde. En revanche, l'article 8 a bien été adopté, il autorise officiellement les panneaux bilingues sur les routes et les lieux publics sans passer par toutes sortes d'autorisations.
La loi de 1994 sur l'usage de la langue française sera modifiée, cette loi avait été passée pour protéger le français de la langue anglaise mais fut utilisée contre les langues régionales. Le texte est modifié par l'ajout suivant : "Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l'usage des langues régionales".
Dans l'ensemble, tout en bloquant presque tous les amendements, la plupart des groupes parlementaires se sont déclarés favorables aux langues régionales et ont voté le texte définitif. En particulier, le député des Côtes-d’Armor Marc Le Fur, au nom des Républicains, a soutenu la Loi Molac : « Cette occasion est rare, ne la loupons pas. Les langues régionales sont une richesse qu’il faut diffuser et préserver ». Plaidant pour l’enseignement de sa langue, le député breton a observé : "Quand la transmission familiale est difficile, l’enseignement est essentiel", tout en rappelant que des "violences" avaient été commises dans le passé à l’égard des locuteurs des langues régionales. "J’aimerais que la République s’excuse de cela".
S'il ne figure aucun nom de député des circonscriptions "basques" parmi les co-signataires de la loi «Protection Patrimoniale des Langues Régionales» défendue par Paul Molac, on trouve cependant celui de Charles de Courson, député (Les Centristes) de la Marne. Or, parmi les ascendants de la famille de Courson figure le Dr Pierre Broussain, un des fondateurs d'Euskaltzaindia, l'Académie de la Langue basque.
Seul le groupe de "La France Insoumise" par l'intervention de son député Bastien Lachaud, s'en est pris à cette loi en abondant dans le sens du ministre et en estimant que la proposition de loi de Paul Molac visait "non pas la protection mais la promotion sans doute excessive de certaines langues régionales". En revanche, le député de "La France Insoumise" plaida en faveur de "l’enseignement des langues de l’immigration qui méritait d’être soutenu". Autrement dit, plutôt l'arabe ou le turc... que l'euskara ou le breton ???