Devenues le symbole de la haine antireligieuse qui a sévi en France pendant la Révolution, les carmélites déchaussées de Compiègne sont maintenant saintes : le pape François vient d’étendre à l’Église universelle le culte de la bienheureuse Thérèse de Saint-Augustin et de ses quinze compagnes de l’ordre des Carmélites déchaussées de Compiègne, martyres, tuées en haine de la foi le 17 juillet 1794 à Paris (photo de couverture : le tableau de Paul Hippolyte Delaroche, XIXème siècle).
Les seize carmélites, conduites par leur supérieure, mère Thérèse de Saint-Augustin, quittent la prison vers 18h et prennent le chemin de la guillotine en chantant des cantiques tout au long du parcours (le Miserere, le Salve Regina). Vêtues de leur manteau blanc, elles descendent des charrettes, puis se mettent à genoux et entonnent le Te Deum, renouvellent leurs vœux et chantent le Veni Creator. À 20h, les assistants du bourreau Charles-Henri Sanson viennent chercher la première, qui est aussi la plus jeune, sœur Constance de Jésus, une novice. Elle s’agenouille devant la mère supérieure pour lui demander la permission de mourir. En montant les marches de l’échafaud, elle entonne le Laudate Dominum.
Les quinze autres carmélites sont exécutées ensuite. Les chants des religieuses, durant leur parcours jusqu’à la guillotine, puis sur les marches de l’échafaud, impressionnent la foule, qui reste silencieuse. Leurs corps et leurs têtes sont jetés de nuit dans l’une des deux fosses communes du cimetière de Picpus.
Sœur Marguerite Rutan, Fille de la Charité et supérieure de l’hôpital de Dax connaîtra le même sort
Parallèlement à l'ignoble déportation en février/mars 1794 de milliers de Basques arrachés à leurs foyers de Sare Saint-Pée, Itxassou, Espelette, Ascain, Cambo, Macaye, Mendionde, Louhossoa, Souraïde, Aïnhoa, Biriatou et d'autres villages labourdins ou des confins bas-navarrais / voyez mon article :
https://baskulture.com/article/fvrier-mars-1794-la-dportation-des-basques-sous-la-terreur-3770
à Dax également, la Révolution française ne s’est pas contentée de supprimer les défilés de bœufs gras à Carnaval, il y eut des martyres sans qu’on en vienne d’ailleurs, comme au Pays Basque, à déporter la population de villages entiers. Presque 220 ans plus tard, les Dacquois se sont pourtant souvenus, en 2011, de Sœur Marguerite Rutan, Fille de la Charité et Première supérieure de l’hôpital de Dax, guillotinée sous la Terreur en 1794 et reconnue martyre. Près de 7.000 personnes avaient assisté aux arènes de Dax à sa messe de béatification, une intense cérémonie populaire aux accents de « feria landaise ».
Marguerite Rutan était née à Metz le 23 avril 1736. Sa famille, nombreuse (15 enfants) était fort modeste. Entrée chez les filles de la Charité en 1757, Marguerite se rendit à Pau cinq mois après son noviciat pour diriger, à la demande de l’évêque, l’hôpital qu’il construisait dans la capitale béarnaise. Rapidement, pour relever ses finances, l’hôpital lui confia la direction de la manufacture des enfants trouvés, en plus de sa mission auprès des malades.
Sœur Marguerite Rutan fut ensuite envoyée à Dax avec cinq autres sœurs : en 1793, elle était devenue la première supérieure de l’hôpital de Dax lorsque certains réclamèrent l’expulsion des sœurs ; l’évêque constitutionnel, Saurine, se prononça énergiquement pour leur maintien. Après la suppression des ordres religieux, les sœurs de St-Vincent de Paul changèrent leur nom en celui de dames de la Charité et continuèrent avec le même dévouement le service des pauvres.
Le 3 octobre 1793, les religieuses eurent à choisir : prêter serment à la Constitution ou être expulsées. Toutes refusèrent de jurer. Les services qu’elles rendaient aux pauvres et aux malades de la ville étaient tels qu’on n’osa pas tout d’abord demander leur renvoi.
La Terreur cependant, s’était installée à Dax : la maison des Capucins et celle des Carmes avaient été transformées en prison. A la fin de l’année 1793, Sœur Marguerite fut accusée d’avoir « par son incivisme, cherché à corrompre et à ralentir l’esprit révolutionnaire et républicain » (des militaires en traitement à l’hôpital) et fut envoyée à la maison de réclusion des Carmes. On a trouvé chez elle des papiers compromettants : des lettres des défunts hospitalisés qu'elle devait garder pour leurs familles.
Le 24 décembre 1793, elle est enfermée à la prison des femmes ; elles sont 300 au Couvent des Carmes. Pendant six mois, elle y soutient moralement et soigne ses codétenues, attendant courageusement la mort qu'elle prévoit.
Le 8 avril 1794, pendant que les déportés basques survivants sont employés aux travaux forcés à l’endroit où on les avait amenés, à Dax, les événements se précipitent : la commission extraordinaire fit comparaître la supérieure de l’hôpital ainsi que le père de Lannelongue, curé de Gaube, devant le tribunal révolutionnaire. Les tambours couvrent ses paroles de défense.
Sentence de mort immédiate prononcée. Dès le lendemain 9 avril 1794, le curé de Gaube et Sœur Rutan, liés dos à dos, passent rue Cazade, à Dax. Elle donne son mouchoir et sa montre à deux militaires qui pleuraient. Les fenêtres sont closes en signe de deuil, seul un enfant lui sourit entre deux volets. Sœur Marguerite a chanté le magnificat le long du trajet et a osé regarder en face la mort du prêtre, et, par pudeur, a repoussé courageusement le bourreau. Celui-ci, exaspéré, se vengea lâchement par deux soufflets à la tête décapitée et fouetta le corps de la martyre.
Les remords vinrent plus tard.
Un an plus tard, le directoire du district déclarait : « La commune de Dax regrettera longtemps cette femme vertueuse qui, par caractère tenant à son opinion religieuse, a été inhumainement sacrifiée sur des motifs dont la preuve reste encore à acquérir». Le 9 avril 1905, date anniversaire de son exécution, un acte civil solennel de réparation avait eu lieu en sa mémoire et le 1er juillet 2010, le pape Benoît XVI avait autorisé la publication du décret du martyr en haine de la foi de Marguerite Rutan, dernière étape avant la béatification qui été célébrée l’année suivante devant 7.000 personnes aux arènes de Dax.
En fait, les persécutions religieuses avaient touché tout le pays.
Très rapidement, les persécutions s’accentuèrent à la suite de la proclamation le 17 septembre1792 de l'acte de bannissement qui exila les prêtres insermentés au milieu de nombreuses vexations. Deux semaines auparavant, l'abbé François Dardan originaire d’Isturitz avait déjà été massacré, avec d’autres victimes, à la prison des Carmes à Paris. La loi de déportation du 26 août condamnait les prêtres à sortir de France dans un délai de quinze jours, après avoir déclaré, devant les municipalités et les directoires des districts respectifs, le choix de la nation et la localité de leur nouveau domicile.
Ceux qui, étant restés dans le pays, y auraient été découverts, devaient être déportés en Guyane. Ceux qui, une fois sortis, y seraient rentrés de nouveau, étaient passibles de dix années de détention.
Les prêtres basques émigrés optèrent en général pour l'Espagne : le diocèse de Calahorra reçut alors mille cinq cent religieux. Il y en eut cependant qui passèrent en Angleterre, en Hollande et en Allemagne. Bien que n’étant pas clerc, Fils de notaire royal, Arnauld-Michel d'Abbadie, héritier de l'abbaye laïque d'Arrast (Arrastoia) en Soule, fuira la révolution française à l'âge de vingt et un ans pour se réfugier dans la catholique Irlande. Il s’agit du père du grand savant Antoine d'Abbadie, constructeur du célèbre château à Hendaye et restaurateur des traditions culturelles basques. D’ailleurs, le Biarrot d’Albarade, ancien ministre de la Marine sous la révolution, se justifiera plus tard d’avoir tenté d’adoucir le sort des « prêtres insermentés déportés à la Cote d’affrique entre les 28 et 32 degrés de latitude Nord par décret de la Convention Nationale »…