Avec la dernière « corrida goyesca » bayonnaise, les aficionados ont vécu une tarde de bonheur, ponctuée par la non moins belle reseña de l'ami Yves Ugalde que nous avons plaisir à accueillir dans cette lettre et que nous remercions d'un chaleureux et fuerte abrazo !
ALC
Les trois Dumoulin, l'Harmonie Bayonnaise et le chœur Xaramela ont fait hier de la loge présidentielle de Lachepaillet un balcon de bonheur. Cette corrida goyesque avait du sens en s'adressant aussi bien aux nôtres !
Le maestro Ponce ne s'y est pas trompé, lui qui a marqué un salut très prononcé aux musiciens et chanteurs qui, pour la première fois de l'histoire de la plaza, avaient pris place au balcon des conventions protocolaires.
Des conventions dont je ne sais même plus où elles se sont jouées. Si elles se sont jouées quelque part.
Quarante chanteurs et chanteuses, autant de musiciens de l'Harmonie et les gaiteros du roi Léon. Aussi à l'aise, ceux-là, au perchoir de la plaza que, quinze jours plus tôt, dans les rues de la ville.
Et, sur le ruedo, une création que Zigor a dessinée, dans un instinct suffisamment prémédité, entre 14 heures et 17 heures. Compromis élégant et inspiré entre les noirs entrelacements des ferronneries de jalousies andalouses et un alerte torero zamaltain central. Un point rouge parsemé de pétales de rose donnait encore plus de relief à ce jeu de noirs jeté d'un trait d'un seul par le maître basque dont une partie de la famille est directement liée à celle du Cordobes.
Ce parterre circonscrit de pétales, l'impact visuel et esthétique passé, perturbait Enrique Ponce. Il l'a craint trop distrayant pour le toro à venir. Il en a donc demandé la dispersion immédiate. Devant le tollé qui monta de suite du public désireux de ne rien gâcher de la toile qu'était devenu le ruedo, la figura valencienne a prié les areneros de nuancer un peu l'attaque de leurs râteaux. La note était posée d'un après-midi qui oscillerait entre la lidia nécessaire et l'art qui suintait de haut en bas de cette vraie Goyesque.
Les toreros étaient prévenus du chemin inédit de « duende » que nous essaierions d'emprunter pendant tout l'après-midi. Un sable jalousie, des partitions musicales souvent éloignées de l'univers des paso-dobles. Et le seul paso de la « tarde » qui fut servi par les gaitas des Dumoulin. Moment rare que celui-là. Ponce, qui a pourtant entendu dans sa vie, lève à nouveau les yeux et devient spectateur l'espace d'une reprise. Des gaitas invitées au festin réservé d'habitude aux trompettes. A Bayonne et nulle part ailleurs...
Les choristes de Xaramela et l'Harmonie ne faisaient plus qu'un. La jeune soliste a épousé les naturelles infinies de Lopez Simon sur un concerto d'Aranjuez qu'on n'osait presque pas ponctuer des olés qui nous mangeaient la gorge.
Tellement d'inconnues musicales, picturales, jalonnaient nos projets de Goyesque mémorable qu'on était en droit d'être soucieux à l'heure du paseo. Un aficionado, fidèle de nos arènes, irrité par la présence devant lui d'une enceinte posée sur un burladero, pour mettre le chœur au niveau sonore des musiciens, n'a rien fait pour lever mes inquiétudes. Alors que je passe à son niveau, je le salue en ami depuis le callejon. Il me dit le reste au sujet de ce haut-parleur qui fait un point noir dans son champ visuel. Rien n'est jamais facile quand on innove...
Il fallait voir le visage de ce même homme, invité par le directeur de plaza dans le couloir circulaire, pour le consoler de sa colère introductive, à l'heure où les trois diestros quittaient le sable redevenu sable, non sans adresser un dernier salut en direction du balcon du bonheur...
Yves Ugalde