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Cinéma
Simple comme Sylvain (110’) - Film franco-québécois de Monia Chokri
Simple comme Sylvain (110’) - Film franco-québécois de Monia Chokri

| Jean-Louis Requena 637 mots

Simple comme Sylvain (110’) - Film franco-québécois de Monia Chokri

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Pierre-Yves Cardinal (Sylvain) ©
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Pierre-Yves Cardinal et Magalie Lépine-Blondeau ©
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Montréal, province du Québec. Sophia (Magalie Lépine-Blondeau) est une quarantenaire, professeure de philosophie dans une Université du troisième âge. Elle vit depuis dix ans avec Xavier (Francis-William Rhéaume), également universitaire. Leur couple est sans histoire, dont leurs seules joutes sont intellectuelles. 
Ils vivent tranquillement sans enfant. Quelquefois, ils vont dîner chez leurs amis proches, Françoise (Monia Chokri) et Philippe (Steve Laplante). Les échanges entre gens cultivés sont enjoués, intéressants, mais une fois ces agapes finies, Sophia et Xavier reprennent leur existence à deux, un rien monotone.

Xavier doit s’absenter quelque temps dans le cadre de son enseignement. Aussi, demande-t-il à Sophia d’aller dans leur chalet d’été, dans les Laurentides, afin d’y rencontrer l’artisan charpentier en vue d’y négocier les travaux de restauration nécessaires. Rendez-vous pris avec celui-ci. 
Sophia se rend seule au chalet d’été où l’attend Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), un charpentier au physique impressionnant, frustre, au parler fort. D’après lui, les travaux de rénovation sont importants ; le montant prévisible de ceux-ci affole Sophia qui est bouleversée par le coût de la remise aux normes du chalet édifié dans les années 40. Devant son désarroi, Sylvain l’invite à boire un verre à l’auberge du coin en l’amenant dans son pick-up.

Dans la nuit, Sylvain ramène Sophia au chalet. Attirés irrésistiblement l’un vers l’autre, ils deviennent amants…

Simple comme Sylvain est le troisième film de la réalisatrice, scénariste et actrice québécoise Monia Chokri (41 ans). Son long métrage traite, sur un mode humoristique, voire burlesque par instant, de la rencontre de deux personnes aux potentiels amoureux non assouvis, issus de classes sociologiques différentes : Sophia est une bourgeoise cultivée, universitaire, qui enseigne le thème de l’amour chez les philosophes comme Platon (428/348 av. J-C), Baruch Spinoza (1632/1677) et Vladimir Jankélévitch (1903/1985); Sylvain est un homme rustre, inculte, dont les références culturelles sont les textes de Michel Sardou que, dans sa confusion libidinale, Sophia prend pour une citation d’Arthur Rimbaud !
Tout les sépare : la classe sociale, la culture, le langage courant : Sophia s’exprime en bon français ; Sylvain en joual (sociolecte du français québécois) avec un accent prononcé (ses interventions verbales sont sous-titrées !). 
Seule la passion érotique les réunit… pour combien de temps ? Sophia dans un premier élan est livrée a d’irrésistibles pulsions qu’elle satisfait. Les deux amants font des efforts pour rapprocher leurs univers : lui dit : « Je m’intéresse à toi, donc j’ai lu Guillaume Apollinaire » ; elle répond : « Je m’intéresse à toi, donc j’ai lu un livre sur la chasse ».

La forme cinématographique choisie par Monia Chokri détonne en 2023. En effet, sa mise en scène rappelle celles que nous avons visionnées de nombreuses fois dans les années 70 : zoom, longues focales, lents mouvements de caméra (panoramique, travelling, etc.) qui n’est pas sans rappeler les comédies italiennes et surtout Robert Altman (1925/2006) le cinéaste américain dont elle assume l’influence dans son travail. 
Comme dans son célèbre M.A.S.H (1970) comédie satirique (Palme d’or au Festival de Cannes 1970 !), elle nous propose une œuvre à la fois complexe mais traitée d’une manière hilarante et mordante. Chez Robert Altman, l’on rit des aventures savoureuses (et autres), d’une antenne chirurgicale en pleine guerre de Corée (1950/1953) ; dans le long métrage de Monia Chokri, du choc des cultures tempéré, différé, par le sexe.

Dans leur registre bien défini, les acteurs sont épatants, très justes : Magalie Lépine-Blondeau (Sophia) grande comédienne québécoise qui a déjà travaillé avec Xavier Nolan (Les Amours imaginaires – 2009 ; Laurence Anyways – 2011) et dans deux longs métrages de son amie Monia Chokri (Quelqu’un d’extraordinaire – 2013 ; La Femme de mon frère – 2019)
Pierre-Yves Cardinal (Sylvain) à la carrure imposante mais au jeu subtil, moins « homme des bois » qu’il n’y parait. 
La réalisatrice Monia Chokri (Françoise) tient avec bonheur le rôle de l’amie délurée de Sophia.

Simple comme Sylvain a été sélectionné dans la section « Un Certain regard » au dernier Festival de Cannes 2023.

Monia Chokri et les acteurs à Cannes.jpg
Monia Chokri et les acteurs à Cannes ©
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