0
Cinéma
Réflexions d'un cinéphile confiné : François Truffaut, un homme pressé (2)
Réflexions d'un cinéphile confiné : François Truffaut, un homme pressé (2)
© DR Truffaut en pleine « action »

| Jean-Louis Requena 949 mots

Réflexions d'un cinéphile confiné : François Truffaut, un homme pressé (2)

Deuxième partie de la revue par notre érudit spécialiste du 7ème Art des maîtres du "grand écran" avecTruffaut et la "Nouvelle Vague", présents à Biarritz dès 1949 lors du "Festival du Film maudit" qui s'y déroula à l'initiative de Cocteau et du Marquis d'Arcangues.

Après avoir décrit la carrière de François Truffaut située dans le cadre de cette « nouvelle vague » du cinéma, Jean-Louis Requena étudie la filmographie du célèbre réalisateur.

François Truffaut a produit 21 films en 25 ans de carrière. Son idéal qu’il a toujours poursuivi était de réaliser un film par an ce qui n’a pas toujours été possible devant la complexité et le retard de certains projet (« Fahrenheit 451 » – 1967).
Nous pouvons nous enhardir à classer ses films suivant un système chronologique alimenté par des évènements importants de sa vie qui est toujours imbriquée dans son œuvre.

La saga Antoine Doinel (1959 – 1979)
Quatre longs métrages (« Les 400 Coups » – 1959 ; « Baisers Volés » – 1968 ; « Domicile Conjugal » – 1970 ; « L’Amour en Fuite » – 1979) et un moyen métrage « Antoine et Colette » – 1962 avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle-titre et diverses jeunes comédiennes : Marie-France Pisier, Claude Jade.

Trois films importants (1961- 1967)
François Truffaut, après le grand succès public des « 400 Coups », a réalisé trois films auxquels il croyait fermement : « Tirez sur le pianiste » (1961) polar peu conventionnel qui n’a pas eu de succès. « Jules et Jim » (1962), adaptation du roman de Henri-Pierre Roché (1879/1959) paru 1953 sur un trio amoureux. « La Peau Douce » (1964) sur un scénario original narrant un banal adultère qui s’achève tragiquement. Ce dernier opus qui n’a eu aucun succès à sa sortie. Cependant, l’interprète principale, Françoise Dorléac (1942/1967) y est fabuleuse en hôtesse de l’air, fantasme familier de ces années-là. Après des mois d’attente, le tournage de Fahrenheit 451 (1966) en Angleterre, en langue anglaise, s’avère être un cauchemar pour le réalisateur. De surcroît, le film n’aura pas de carrière commerciale.
1964 est l’année du divorce avec sa femme, Madeleine, lassée de son donjuanisme compulsif.

Films de la maturité (1968 – 1978)
En février 1968 éclate « l’affaire Langlois » : le directeur de la Cinémathèque Française est déposé par le gouvernement au regard de sa mauvaise gestion, il est vrai très particulière. Un comité de défense comprenant tous les grands noms du cinéma français se met rapidement en place et réussit à le faire réintégrer (avec des aménagements). Durant les évènements de mai 1968, les « Jeunes Turcs » (François Truffaut, Jean-Luc Godard, Claude Chabrol) flanqués de Louis Malle et de Claude Berri font stopper le Festival de Cannes. Dans ce contexte d’après 1968, François Truffaut produit coup sur coup 4 longs métrages : « La Mariée était en noir » (1968) ou il retrouve Jeanne Moreau. « La Sirène du Mississipi » (1969), « L’enfant Sauvage » (1970) ou il joue le rôle du professeur Jean Itard et les « Deux Anglaises et le Continent » (1971) d’après le second roman de Henri -Pierre Roché.

Il poursuit par « Une Belle Fille comme Toi » (1972), la Nuit Américaine (1973) un grand succès mondial (Meilleur film étranger aux Oscars 1974) qui lui vaudra une brouille définitive avec son vieux complice des « Cahiers du Cinéma » : Jean-Luc Godard ! « L’histoire d’Adèle H. » (1975) avec Isabelle Adjani. « L’Argent de poche » (1976) avec un groupe d’enfants de Thiers. « L’homme qui aimait les femmes » (1977) sur l’existence d’un dragueur tourmenté. La Chambre Verte (1978) sur le culte des morts ou il assure le rôle principal.

Un cinéaste populaire (1979 – 1983)
Après La Chambre Verte François Truffaut travaille sur un scénario original qui lui tient à cœur : « Le Dernier Métro » (1980), histoire d’un théâtre à Paris sous l’occupation avec Catherine Deneuve et Gérard Depardieu. C’est un immense succès, 3,4 millions de spectateurs (France) et 10 Césars ! Suivront, La Femme d’à Côté (1981) et Vivement Dimanche (1983) avec Fanny Ardant sa dernière compagne.
Déjà malade d’une tumeur au cerveau, il se hâte de mettre une touche finale à son livre majeur, résultat d’un long interview en 1966 (avec le concours d’Helen Scott pour la traduction), de son maître Alfred Hitchcock. L’ouvrage définitif « Le Cinéma selon Alfred Hitchcock » (Edition Gallimard), bible des cinéphiles, paraîtra quelques mois avant son décès le 21 octobre 1994.
Tous ses longs métrages ont été fabriqués avec soins sur deux thématiques proches de ses interrogations : l’enfance et l’amour. Certes, il n’a pas révolutionné le langage cinématographique comme son ami/ennemi Jean-Luc Godard, mais il a tenu à montrer, à présenter au public, des « objets » lisses, polis avec soins.

Portrait succinct
Durant sa courte vie (52 ans), François Truffaut fut un enfant délaissé, peu aimé, ce qui est une cicatrice ineffaçable, puis un adolescent perturbé, malmené, que les salles salles obscures qu’il fréquentait assidument ont rasséréné. Le cinéma fut sa résilience, sa réponse positive à un long et douloureux déficit affectif. Malgré un faible niveau scolaire (Certificat d’études !), mais nourri par de nombreuses lectures, il a démontré tout au long de sa carrière une maîtrise impressionnante de la langue écrite : il suffit de lire une partie de ses critiques (plus de 1000 articles !) et de sa correspondance. Son donjuanisme compulsif (il « tombait » amoureux de toutes les actrices de ses films), avait sa source dans le peu d’amour qu’il a eu dans sa jeunesse. Pour lui, énoncé par ses interprètes dans plusieurs de ses films « L’amour est une joie et une souffrance ». Il n’y a pas d’amour heureux…

P.S : Tous les films de François Truffaut sont édités en DVD, soit à l’unité soit en coffrets. Il existe sur le marché des versions peu chères et d’autres plus onéreuses (restaurées pour le 30ème anniversaire de sa mort).

Quelques livres à lire ou à consulter :

« François Truffaut », biographie de Serge Toubiana et d’Antoine de Baecque (Edition Gallimard – Folio 2011). Incontournable.

Par ailleurs, François Truffaut a beaucoup écrit :
« Le Cinéma selon Alfred Hitchcock » – Gallimard – 1984 – Edition définitive
« Les Films de ma vie » – Flammarion – 2007 Collection Champs Arts
« Le Plaisir des yeux » – Flammarion – 2008 – Collection Champs Arts
« Chroniques D’Arts et Spectacles » 1954/1958 -Gallimard -2019

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription