« Oldarra. Un nom qui claque comme un étendard, dont il fait d’ailleurs incontestablement figure aujourd’hui pour le monde de la danse et du chant choral au Pays Basque dans son ensemble, et en particulier pour la ville de Biarritz qui lui a donné le jour », cette phrase introduit le livre sur le célébrissime chœur d’hommes édité chez Elkar et qui sera présenté lors du prochain « Biltzar des écrivains » de Sare (lundi de Pâques). C’est Manuel Urtizberea, frère de l’emblématique chef de chœur Iñaki Urtizberea, qui est l’auteur de ce beau travail de mémoire fondé sur une patiente recherche dans les archives et une riche collecte de témoignages (avec les souvenirs et quelques photos de notre ami, collaborateur et chanteur Manex Barace, qui a participé à l’élaboration de l’ouvrage). Soit « un bilan d’étape, pour se projeter pleinement vers l’avenir » de cette odyssée artistique qui s’appuie sur une aventure humaine chaleureuse.
Oldarra, « jalgi hadi plazara » ! Jaillis « sur la place », dans le monde… On paraphraserait volontiers le vers célèbre de Bernard d'Etchepare à propos de l’euskara pour qualifier l’envolée du chœur basque de Biarritz dont le nom même signifie « l’élan », sur une voie royale ouverte par Iñaki Urtizberea. A la tête de l'ensemble biarrot depuis 1972, ce musicien et pédagogue renommé avait obtenu il y a quelques années, avec l’enregistrement de plusieurs CD à la Warner, d’être disque d'or » de RTL pendant un mois et gagné ainsi une audience inédite pour un chœur basque. Lauréat de nombreux prix, de Tours à Bilbao et Tolosa, le Carnegie Hall à New York et l’Olympia à Paris ont été témoins du succès d’Oldarra, jusqu’au Parc des Princes pour la finale du grand Chelem du tournoi des 5 nations de rugby ou le Festival de Musiques contemporaines du Venezuela où le chœur s’est produit dans une composition proche du style atonal et de la structure sérielle du compositeur Schönberg… Sans omettre une nomination aux Victoires de la Musique !
Pour l’anecdote, une tournée triomphale à Libreville et Port-Gentil au Gabon devant plus de mille spectateurs et les premières autorités du pays s’était achevée sur un banquet avec « rôti de veau biarrot et quiche biscaïenne ». D’autres circuits, plus « thématiques », les avaient emmenés sur les chemins de Compostelle (avec un CD à la clef) et, dernièrement, dans un tour de France des abbayes au cours de l'automne dernier. Cependant, de l’avis des choristes ravis de l’accueil enthousiaste reçu partout, rien ne vaut une répétition au batzoki de la rue Duler, autour d’un chevreuil chassé par l’un d’entre eux, dans la chaude ambiance d’une amitié solidaire et active de tous les instants. Car, toutes ces manifestations et tournées autour du monde n’ont jamais ôté de l’horizon du chœur Oldarra son profond enracinement en terre basque ni leur attachement particulier à la ville de Biarritz.
Comme presque toutes les chorales qui fleurirent chez nous après-guerre, Oldarra est redevable aux Olaizola, Garate, Etchave et à tous les musiciens de haut vol qui encadraient le groupe « Eresoinka ».
Cet extraordinaire ensemble de chant et de danse créé sous l’égide du gouvernement basque de Jose Antonio Aguirre rassembla en 1936, en pleine guerre, les plus belles voix du pays, témoignage d'espérance ultime en l'avenir d'Euzkadi : parmi les artistes lyriques basques dispersés sur les scènes européennes les plus prestigieuses, Pepita Embil, la mère de Placido Domingo, en fit partie, tout comme Luis Mariano y fit ses débuts (Agorila avait réédité il y a quelques années une compilation de leurs meilleurs enregistrements et Placido Domingo a commémoré récemment à Saint-Sébastien le centenaire de la naissance de sa mère).
Ce livre de Manuel Urtizberea s’inscrit dans cette merveilleuse trajectoire du chœur d’hommes Oldarra, à l’unisson de l’épopée artistique et spirituelle des Basques.
Alexandre de La Cerda