En rubrique « actualité », Manex Barace rapporte « la grande souffrance de la Culture », en particulier celle de l’association « Les orgues d’Urrugne » qui avait promu la construction du magnifique instrument de l’église tout en nouant d’étroites relations avec la communauté du monastère bénédictin de Leyre en Navarre qui reconstruisait à l’époque les orgues de sa magnifique église romane.
L’occasion de rappeler la visite d’une cinquantaine d’Urruñar qui avaient bénéficié de l’hospitalité des bénédictins de Leyre, à commencer par la sonnerie de cloches à la volée ayant marqué l’arrivée du bus, joyeux carillon saluant également le soleil qui se levait enfin sur un magnifique panorama, où l'on distinguait les sommets de la province de Navarre, de Huesca et d'Aragon, surplombant le majestueux lac de Yesa. Le père abbé Juan Manuel Apesteguia était accompagné de Maria Jesús Valdemoros, directrice générale de la Politique internationale du Gouvernement de Navarre, et de José Ángel Zubiaur, autre « officiel » navarrais qui avait impulsé dès l’origine ce projet de coopération. La messe dont les chants grégoriens et basques s’entremêlaient dans une harmonieuse osmose musicale était accompagnée au petit orgue de chœur par l'organiste iruñar (pamplonais) José Luis Echechipía et par Françoise Martín Moro, professeur de la classe d’Urrugne, en attendant la reconstruction du grand orgue de l’abbatiale, à l’époque démonté dans les ateliers catalans du facteur d'orgues Blancafort. Les élèves de la classe attendaient son retour avec impatience en vue d'une nouvelle visite amicale.
Le repas, servi dans une salle du monastère, avait préludé à des échanges très cordiaux avec les moines et le père abbé qui expliqua avec humour et profondeur ce qu'était la vie quotidienne des moines, leurs activités, le sens spirituel de leur engagement. Une passionnante séance d’initiation au chant grégorien qui permit de découvrir les débuts de l'écriture de la musique occidentale et les secrets de la notation grégorienne fut suivie d’une visite guidée au château de Xabier datant du XIIIe siècle et où était né Saint-François-Xavier.
Un chef-d’œuvre de l’art roman du XIème siècle
En 848, Saint Euloge de Cordoue séjourne à l'abbaye de Leyre et y découvre une florissante communauté de moines ainsi qu'une imposante bibliothèque. Aux Xe et XIe siècles, Leyre accueillit la Cour du Royaume de Navarre. Incendié par les Musulmans au Xe siècle, il sera reconstruit sous les ordres du roi Sancho Garcia en 1020. Ses murs robustes sont les témoins d'histoires extraordinaires comme celle de ces deux sœurs chrétiennes qui périrent décapitées pour avoir refusé de se convertir à l’Islam, et dont les restes sont conservés dans un coffre en ivoire exposé au Musée de Navarre.
Pendant le règne de Sanche le Grand, le Monastère de Leyre contrôle les mouvements spirituels, politiques et culturels de la Navarre ainsi que les passages pyrénéens empruntés par les pèlerins de Compostelle. L'église actuelle fut consacrée en 1057 et les évêques de Pampelune étaient choisis parmi les abbés de Leyre. Trente ans plus tard, Sanche Ier Ramire, roi d'Aragon et de Pampelune, de concert avec son fils Pierre, lui cédait « le monastère appelé Sainte-Engrâce de Port », qui conduit aux Gaules par l'entrée de la Soule : « Nous le donnons et octroyons avec tous ses biens meubles et immeubles, ses limites, bois, vallées, montagnes, pâturages et métairies, maisons, cens et dîmes, terres et vignes, avec leurs entrées et sorties, sis soit dans les Espagnes, soit dans les Gaules ». Plus tard, aux termes d’un accord conclus en 1125 entre les abbés de Leyre et de Sainte-Engrâce, le couvent souletin remettrait chaque année à Leyre, le jour de l'Ascension, au cours de la messe chantée et avant l'Évangile, deux saumons et, chaque année aussi, à la fête de Saint-Jean-Baptiste, deux bœufs de labour. Au cas de défaillance des religieux français, Leyre se réservait de se faire livrer les clefs du couvent souletin et de s'adjuger en propriété directe et immédiate les possessions que Sainte-Engrâce avait en Espagne.
Après un siècle d’interruption à cause de la vente des biens religieux ordonnée par le gouvernement madrilène en 1836, le monastère de Leyre avait retrouvé sa vocation en 1954 avec l’arrivée des bénédictins de Santo Domingo de Silos (congrégation de Solesmes). Ils organisent la visite de ce monument exceptionnel et ont même ouvert une hôtellerie dans les bâtiments du XVIIe siècle. On peut y goûter la liqueur confectionnée avec 35 plantes récoltées par les moines aux alentours de l'abbaye.