Madame Xintian Zhu, conservatrice du Musée d’art oriental Asiatica, était partie à la rencontre des dieux et démons du Kerala au mois de mars 2011 et avait déjà présenté certaines photographies de l’exposition l’été de cette même année.
Chaque année, les célébrations du Theyyam rendent gloire aux divinités. Sur la côte du Sud de l’Inde, le Kerala s’étend du Nord au Sud sur les pentes des Ghats (les montagnes du Deccan), le long de la mer d’Oman. A la fin des moissons, dans plus de 400 villages, les Dieux se préparent à danser toute la nuit.
A des dates fixes pour chaque village, ou à l’intérieur des terres, dans les forêts ou les collines, les villageois vont organiser « la nuit des Theyyams », une cérémonie qui va durer jusqu’au matin selon un rite immuable.
Tout d’abord, les pratiquants vont rendre hommage au maître des lieux, souvent un brahmane. Les participants préparent un bûcher et installent les autels autour du temple que l’on va alimenter toute la nuit d’offrandes et de torches au son d’une dizaine de tambours, les « puja ».
Pendant ce temps, on prépare les vêtements des oracles et les dieux sous des tentes, ou en plein air. Le maquillage d’un Theyyam peut prendre plusieurs heures : on enduit d’abord son corps de différentes couleurs naturelles, de l’ocre, du rouge et du blanc, et on peint certains symboles sur sa peau. Puis, on passe au visage. Il y a les couches d’ocre, de rouge et de noir. On dessine des lignes sur son visage, comme les capuchons de serpents. Autour des yeux, on applique du noir de fumée, on les élargit et on termine avec de fines lignes sur les côtés.
L’habillage du Theyyam peut alors commencer. Sous la vaste robe rouge, on lui fait porter une véritable cage de fine lames de palme qui va faire gonfler sa robe. On lui met de larges anneaux aux chevilles et aux bras que l’on fait tenir par des lanières pour qu’ils ne cèdent pas lors de la danse. Les aides préparent sa chevelure avec des bandeaux serrés pour recevoir son imposante couronne « mudi » qui est particulière à son Theyyam. Pour les Theyyam féminins, de longs cheveux d’au moins 1 m 50 vont venir se fixer par derrière, comme pour le Theyyam Chamundi.
La cérémonie commence par une invocation aux Theyyams pour les appeler à participer à la fête, le Vellatam. Le son des tambours et les chants redoublent d’intensité, et les oracles commencent à danser. Ils font le tour du temple trois fois et se présentent devant les autels où l’on a allumé les torches. Ils parlent et chantent. Certains assistants tombent en transe et sont évacués.
Puis, c’est le grand spectacle vers minuit : on a enflammé les torches sur la haute coiffure de Bhagawati Komaran, un Theyyam impressionnant. Il danse et danse devant le temple et tourne autour du bûcher où il se brûle, jusqu’à l’extinction de ses torches.
Le rôle social des Theyyam est intéressant : à la fin de la cérémonie, les villageois qui sont venus quelquefois de loin, vont avoir un entretien avec les oracles et les Theyyam eux-mêmes. Petit à petit, avec le lever du jour, les gens et les enfants, attirés des villages voisins, commencent à se retirer.
Chaque nuit est impressionnante, mais fatigante pour la photographe qui doit rester debout et attentive afin de réaliser ses clichés le plus discrètement possible… Les conditions photographiques ont été très difficiles : seuls des feux et des lueurs faibles éclairent les scènes et les mouvements des artistes et du public sont intenses et perpétuels.
Exposition de photographies de madame Xintian Zhu, jusqu’au 2 septembre. Entrée libre aux heures d’ouverture du musée, 1 rue Guy Petit à Biarritz.
Manex Barace