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Cinéma La critique de Jean Louis Requena
Megalopolis (138’) - Film américain de Francis Ford Coppola
Megalopolis (138’) - Film américain de Francis Ford Coppola

| Jean-Louis Requena 1021 mots

Megalopolis (138’) - Film américain de Francis Ford Coppola

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Francis Ford Coppola - Film Megalopolis ©
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A New Rome, un homme, César Catilina (Adam Driver), architecte, se penche dangereusement au sommet d’un gratte-ciel. Au moment de se précipiter dans le vide, il crie une phase qui arrête le temps. César Catilina, doté d’un pouvoir surnaturel, est également l’inventeur d’un matériau de construction révolutionnaire : le Megalon. C’est un architecte visionnaire qui veut reconstruire New Rome (allégorie de New York) après un cataclysme. Son projet, révolutionnaire, s’inspire des formes complexes existant dans la nature. 
Il tente de rebatir New Rome sur les cendres de la mégalopole. Le maire de cette ville Franklyn Cicero (Giancarlo Esposito) s’y oppose farouchement ; un violent conflit éclate entre ces deux personnalités antagonistes. Frankly Cicero a une fille Julia (Nathalie Emmanuel), follement amoureuse de l’architecte lequel la dédaigne, obsédé par sa vision du futur de l’agglomération.

César a un oncle très riche, Hamilton Crassus III (Jon Voight) qui le soutient, ainsi qu’un cousin Clodio Pulcher (Shia LaBeouf) pervers travesti (à l’occasion), alcoolique, et jaloux. Tous ces gens se retrouvent dans des agapes grandioses, des orgies alcoolisées, auxquelles César, tout à ses ressassements, participe avec réticence.

Sur un fond de décadence semblable à celle de la chute de la République romaine (Panem et circenses, littéralement : « du pain et des jeux du cirque ») ces personnages se côtoient, s’affrontent, et parfois, s’aiment…

Après treize ans d'absence (Twist en 2011) Francis Ford Coppola, revient sur les écrans avec un long métrage ambitieux dont il avait esquissé le synopsis dès les années 1980. En 2022, le réalisateur de 83 ans (né en 1939) s' est attaqué à une œuvre qu'il portait en lui depuis ces décennies après ses chefs d'œuvres tels que Le Parrain (1972) , Conversation secrète (1974), Palme d'or au Festival de Cannes, Le Parrain 2ème partie (plusieurs Oscar ), Apocalypse Now (1979) nouvelle Palme d'or à Cannes. 
En 1982, il tourne sur ses propres deniers la comédie musicale Coup de cœur qui ruine sa société de production (American Zoetrope). Criblé de dettes il fabrique en bon artisan, des films de commande dont certains auront un grand succès : Outsiders (1983) une chronique d'une bande de jeunes gens désœuvrés, et Dracula (1992) conte gothique adapté du livre éponyme de l'irlandais Brian Stoker (1847/1912). 
Rétabli financièrement, il continue de fabriquer des films à petits budgets sur ses deniers propres jusqu'à Mégalopole. A ce sujet il déclare : « Je suis arrivé à la conclusion que l'Amérique devait beaucoup à la République romaine (de -509 av. JC à -27 av. JC date à laquelle Auguste est proclamé empereur romain). Nous n'avons pas de roi, mais nous avons un Sénat. D'un point de vue architectural, Washington ou New York ressemblent à Rome. J'ai décidé donc de transposer une épopée romaine dans une Amérique moderne ».

Cette épopée de 63 avant J.C, à la fin de République romaine, est connue sous le nom de La Conjuration de Catilina grâce à deux personnages historiques : Marcus Tullius Cicero (- 106 av. J.C/- 43 av J.C), sénateur, orateur, et écrivain (les Catilinaires) farouche opposant au sénateur Lucius Sergius Catilina (-108 av. J.C/62 av. J.C), et l’historien romain Salluste (- 86 av. J.C/34 av. J.C) rédacteur tardif de La Conjuration de Catilina (- 41 av. J.C). 
De cet épisode dramatique (raconté après coup par les vainqueurs de la conjuration !), Coppola scénariste reconnu (son premier métier dans l’industrie cinématographique : Paris brûle-t-il – 1966 de René Clément, Patton – 1970 de Franklin J. Schaffner), en tire un film un peu « foutraque » dont les personnages (difficile lisibilité), les costumes (modernes et antiques), les décors (futuristes et romains) sont peu éclairants. La narration souffre à l’évidence de « trous d’air » mais on se laisse emporter, comme toujours, chez ce grandissime metteur en scène par un flot d’images inouïes (réelles ou numériques), soulignées par une bande son parfaite (paroles, bruits d’ambiance, musiques), l’ensemble mixé avec un soin extrême. Que dire alors de ce dernier opus de Francis Ford Coppola ?

En janvier et février 2021 dans Baskulture, nous avions écrit en 2 parties la saga du chef- d’œuvre de ce réalisateur : Apocalypse Now (1979) en citant ce film comme : « un « blockbuster malade », avec ses outrances, ses boursouflures, il reste une œuvre cinématographique fascinante, hors norme qui ne pourra plus être fabriquée de nos jours ». En conclusion nous poursuivons : « A bientôt 82 ans (avril 2021) Francis Ford Coppola n’en demeure pas moins un phare du cinéma mondial qui a enchanté la décennie du « Nouvel Hollywood » (1970/1980). A son âge, il soutient qu’il nourrit d’autres projets … ».

Megalopolis, est une œuvre bancale ou deux mondes différents, et similaires (en miroir), sont mélangés par Coppola parfois astucieusement, parfois maladroitement, deux civilisations séparées par 20 siècles : la fin de la République romaine et la fin (renouveau ?) de l’Amérique contemporaine. Le télescopage de ces deux univers fonctionne par à-coups dans un flux d’images superbes. 

Francis Ford Coppola se définit comme un artiste, un artisan, dénonçant les œuvres formatées produites à la chaine par l’industrie cinématographique américaine (La saga Marvel des supers héros : Iron Man, Thor, Captain America, etc.). Dans toutes ses récentes interviews, il cite comme modèle le réalisateur français Jacques Tati (1907/1982), ruiné en produisant son chef-d’œuvre incompris : Playtime (1967), et le compositeur français Georges Bizet (1838/1875) mort à 37 ans, inconsolable après l’échec de son opéra Carmen (1875) promis à une postérité mondiale, inégalée. 
Francis Ford Coppola, non sans modestie, est de cette trempe-là. De film en film, il cherche ce qu’il nomme « son style » non sans coquetterie (il prétend qu’il n’en a pas !).

Mais alors, est-ce que Megalopolis est un grand film ? C’est une œuvre de Francis Ford Coppola qui en a produit tant d’autres plus abouties (Conversation secrète, Apocalypse Now, Coup de cœur, Le Jardin de pierre, etc.) ou il avait la maîtrise financière de ses longs métrages. Mégalopolis est tout aussi risqué (important budget 100 millions $ sur ses fonds propres !). Le dernier opus du nonagénaire ne peut pas nous laisser indifférent, nonobstant quelques « scories narratives ».

Megalopolis a été projeté en sélection officielle au dernier Festival de Cannes. A la fin de la projection, le film a été ovationné par un public admiratif, conquis par la force créatrice du vieux démiurge, non assagi.

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