Après les réveillons de Noël et du Nouvel-An, les premiers jours de janvier réservent encore leur part de gourmandise sous la forme de la galette des rois. On oublie parfois que ce rendez-vous si convivial lié maintenant à l’Epiphanie et aux rois mages trouve son origine dans la fête romaine des saturnales. La tradition romaine voulait, qu'à l'occasion des saturnales un roi soit élu parmi les jeunes soldats. Ce « roi » pouvait alors commander tout ce qu'il lui plaisait. Il est vrai que cette tradition a évolué dans un « sens chrétien » depuis qu’au XIVe siècle, la galette était partagée en autant de portions que de convives, plus une, supplémentaire, appelée « part du Bon Dieu » ou « part de la Vierge », qui était destinée au premier pauvre qui se présenterait. Selon la tradition, le plus jeune enfant de la famille se glissait sous la table et désignait la part revenant à chaque convive, celui qui découvrait la fève devenant roi ou reine... Au Pays Basque Sud comme dans toute l’Espagne, c'est précisément le jour de l'Epiphanie que les enfants reçoivent les cadeaux et non à Noël car, à l’origine, ce sont « les rois mages qui apportèrent des présents douze nuits après la naissance de l'enfant Jésus ». On confectionne à l’occasion un pain en forme de couronne parfumé de zestes de citron et d'orange, brandy et eau de fleur d'oranger, décoré de fruits confits et d'amandes effilées en y glissant une pièce d'argent ou un haricot sec.
Comme les Rois Mages en Galilée
Réminiscence d’un vieux privilège autorisant les marins de Saint-Jean-de-Luz à célébrer la Fête-Dieu au moment de l’Epiphanie, époque où ils étaient encore à terre avant de reprendre la mer, après les grands froids, vers les bancs de poissons de Terre-Neuve, la procession avec le Saint-Sacrement a raccourci désormais son trajet par les rues de la ville en faisant le tour de l’église. Elle est précédée d’enfants habillés en Rois Mages et d’autres en aubes blanches. Outre-Bidassoa, on peut assister aux cavalcades de Fontarabie, Saint-Sébastien et Vitoria où on employa même, il y a quelques années, des dromadaires authentiques, le Pays Basque célébrant les Rois à l’unisson des contrées de tradition chrétienne. Les mages accompagnés de leurs pages arriveront ainsi à Saint-Sébastien le 5 janvier pour distribuer des milliers de cadeaux aux enfants donostiar selon le trajet habituel : départ à 18 h depuis le Boulevard et défilé dans les rues du centre-ville avec les trikitilaris et les txarangas et visite (vers 19 heures) dans les hôpitaux. Les adultes ne sont pas de reste, qui y voient souvent l’occasion de se réunir en famille ou au sein des associations et des entreprises dont il font partie afin de prolonger l’échange de bons vœux de nouvel-an.
Désormais fixée en France (par commodité ?) au premier dimanche de janvier, dans les autres provinces basques (et le reste de l’Espagne) cette fête continue d’être célébrée le 6 janvier, malgré des tentatives de « laïcisation » tendant à estomper la solennité religieuse au profit d’un « papa noël » opportunément mercantile. Mais ses racines ramènent à une histoire très antique.
La tradition chrétienne
Ce jour des Rois marque l'apogée de la période de Noël et commémore l'arrivée des Rois mages apportant des présents à l'Enfant Jésus qui vient de naître. D’après des traditions qui se sont superposées au fil des siècles et des nations, il y eut Gaspar, Balthazar et Melchior, représentant trois continents et apportant chacun trois présents: l'or, l'encens et la myrrhe. Et dans de nombreux villages, on allumait les « feux des rois » rappelant ceux qui, dit la légende, brûlèrent cette nuit-là à Bethléem pour cacher l'Étoile au roi Hérode.
Or, selon l'Évangile de Saint Matthieu, des mages venus d'Orient se présentèrent à Hérode dans son palais. Ils disaient venir voir le messie dont une étoile annonce la naissance à Bethléem, comme l'a indiqué le prophète Michée. Obsédé par les complots et redoutant un concurrent en ce Roi Messie, Hérode les invita à revenir le voir après l'avoir trouvé. Mais les mages, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, rentrèrent par une autre route. Après leur départ, un ange avertit également Joseph de prendre avec lui l’enfant et sa mère et de fuir en Egypte. En effet, s’apercevant que son piège avait échoué, Hérode fit assassiner par ses sbires tous les garçons de moins de deux ans, ce fut le massacre des Innocents…
Et ce n’est que cinq siècles plus tard que leur nombre (trois) sera fixé, que le titre de « rois » leur sera donné en référence à un passage des psaumes (« les rois de Tharsis offriront l'encens ») et qu’une tradition remontant au VIIe siècle les nommera Balthazar (déformation de Belshatsar, Daniel), Melchior et Gaspard.
Finalement, au XVe siècle, ont leur attribuera à chacun une race différente : Melchior, blanc ; Balthazar, noir et Gaspard, jaune. Entre temps, leur culte se répandit au XIIe siècle, après le dépôt à la cathédrale de Cologne de leurs « reliques ». Reliques voyageuses, car découvertes en Perse par Sainte Hélène (mère de l’empereur Constantin), puis transférées de Constantinople à Milan d’où une partie échut à Cologne, contribuant à la renommée de la ville qui en a gardé trois couronnes symboliques dans son blason. A la même époque, le prêtre rhénan Johannes von Hildesheim en popularisa la légende dans ses écrits.
Qui étaient-ils ?
Or, le merveilleux chrétien qui a fleuri sur le récit de Saint Matthieu continue de fasciner : il y a quelques années, l’« Archaeological Magazine » évaluait à 250 le nombre d'articles scientifiques importants consacrés à ce phénomène entre 1900 et 1975 ! Etoiles filantes, comètes, conjonctions planétaires : des chercheurs ont échafaudé toutes les hypothèses astronomiques, jusqu’à compulser d’anciens traités chinois et coréens afin de retrouver la trace de la fameuse étoile. C’est ainsi qu’un docteur en théologie de l’université Harvard et professeur d’études bibliques à l’université d’Oklahoma les a fait venir de Chine ! En effet, de l’étude d’un texte syriaque du VIIIe siècle, oublié pendant 250 ans dans les Archives du Vatican, Brent Landau a conclu que les mages n’auraient pas été trois, mais « une multitude » et qu’ils ne venaient pas de Perse mais de « Shir », un pays identifié aujourd’hui avec la Chine.
Dans leur essai d’interprétation des descriptions fournies par les textes sacrés, les rationalistes s’efforcent évidemment de prouver un phénomène authentique auquel il conviendrait d’ôter son caractère de signe miraculeux. Mais, plus de 2000 ans après les faits, force est d'admettre que le mystère des Mages et de l’étoile qui les a guidés demeure entier, et les avis partagés. S’agissait-il d’astrologues liés à une population juive subsistant à Babylone ou de « mages » adeptes des croyances zoroastriennes mais au courant des grandes prophéties messianiques qui auraient observé une triple conjonction de Jupiter et de Saturne dans le signe des Poissons, ce qui signifiait que ces deux planètes se s’étaient trouvées par trois fois alignées par rapport à la terre dans la constellation du poisson ? Or, selon certaines recherches, il serait possible de déterminer que depuis 4000 ans, ce phénomène n'avait eu lieu qu'en 8690 et… En l’an 7 avant notre ère, période proche de l’année réelle de la naissance du Sauveur !