Pour leur première excursion depuis les divers confinements et autres restrictions sanitaires, c’est en Biscaye que les Amis d’Arnaga avaient choisi de se rendre, en commençant par le château de Loizaga afin de découvrir – ou de revoir, pour certains – la magnifique collection de voitures rassemblée par le riche marchand de biens, propriétaire de carrières et grand amateur d’art et d’histoire Miguel de la Vía.
La délégation des Amis d’Arnaga fut reçue avec beaucoup de sympathie et guidée par la nièce du collectionneur, Maria López Tapia de la Vía, et son fils Fabricio.
C’est sur les terres ancestrales de la famille d’Ochoa García de Loyzaga que Miguel de la Vía avait patiemment restauré en 1985 la tour d’époque médiévale, en relevant les murailles, rebâties en pierres taillées, qui bordent le château aménagé pour y loger les luxueux véhicules de sa collection
Ouverte au public depuis 1990, cette collection rassemble 43 Rolls-Royce et une vingtaine d’autres voitures d’exception telles que Ferrari, Jaguar, Lamborghini, Mercedes ou Cadillac (de 1895 à l’époque contemporaine). Les luxueux véhicules sont répartis dans six pavillons.
Le plus spectaculaire d’entre eux se situe au cœur du château dans l’un des salons décoré de fauteuils en bois doré de style Louis XV et de tapisseries à l’ambiance feutrée mettant en scène les voitures non loin d’un piano à queue !
La première étape commence à la charnière des XIXe et XXe siècles, les voitures de diverses marques européennes côtoyant des modèles américains. Parmi celles-ci, l’attrayante française Delaunay Belleville, créée en 1907, possédait au départ un moteur 4 cylindres et une vitesse de pointe de 70 km/h. Ce modèle amélioré de six cylindres fut choisi par l’empereur Nicolas II de Russie qui lui avait donné son nom SMT (Sa Majesté le Tsar). Parmi les autres propriétaires de la Delaunay Belleville, le président Raymond Poincaré et d’autres têtes couronnées, dont les rois George Ier de Grèce et Alphonse XIII d'Espagne, firent usage de ce modèle.
La visite se poursuivra avec de puissantes voitures de sport décapotables rivalisant avec les premiers exemplaires de Rolls Royce.
L’aventure de la marque la plus prestigieuse au monde avait commencé avec Frédéric Henry Royce (1863-1933), fils d’une famille de meuniers très modestes. Originaire du Nord de Londres, autodidacte, il apprit seul l’algèbre. En 1882, il se passionna pour l’électricité et se fit engager par une société spécialisée.
Quatre ans plus tard, Frédéric Henry Royce fondait sa propre firme « Cook Street » et fabriquait du matériel électromécanique, des générateurs et des dynamos de grande qualité.
En 1902, passionné par les automobiles, ce mécanicien génial fonda alors Royce Compagny .
En décembre 1904, il s’associa avec l’aristocrate Charles Rolls (1877-1910), ingénieur, pilote et pionnier du sport automobile. Il fut le premier pilote à traverser la Manche en faisant l’aller-retour Douvres-Calais.
Agé seulement de 33 ans, il se tua en 1910, lors d’un meeting aérien. Peu de temps auparavant, les deux associés Charles Rolls et Frédéric Henry Royce avaient fusionné pour fonder Rolls-Royce.
Héritier d’un savoir faire et d’un relationnel d’exception,. Frédéric Henry Royce dont la devise était :"Chercher la perfection en tout, prendre le meilleur de ce qui existe et l'améliorer; et quand rien n'existe, le concevoir", continua seul son envolée.
De nombreux artistes, architectes, designers furent associés au nom de la prestigieuse marque, symbole de beauté, de puissance et d’élégance.
En 1911, pour satisfaire sa clientèle élitiste, la fondation engagea le sculpteur anglais Charles Sykes à dessiner une statuette Art nouveau baptisée « Spirit of Ecstasy » (l’esprit de l’extase) afin de décorer le haut des radiateurs. Cette dernière, souvent de tonalité argent ou or, représentait une jeune femme les bras déployés, la robe flottant au vent. D’une beauté mythique, la statuette s’inspirait de la Victoire de Samothrace.
Quant au château de Loizaga, il s’agit d'un ancien bastion défensif depuis le XIVe siècle élevé par l’influente lignée des Ochoa García de Loyzaga, née lorsque Mazuste de Gamboa, originaire de Guipúzcoa, s'était fixé dans la vallée de Galdames, le premier à s'installer à Loyzaga - on situe son arrivée dans la vallée vers la fin du XIIe ou le début du XIIIe siècle. Ceci est confirmé par le fait que déjà en l'an 1212 Diego López (second) de Haro "El Bueno" (5e seigneur de Biscaye) avait accordé à cette famille (qui est à l’origine de la lignée Loyzaga) le patronage de l'église San Esteban de Galdames
Ce Diego López de Haro avait joué un rôle très important auprès du roi de Castille Alphonse VIII qui le mit à la tête de l'une des trois armées chrétiennes lors de la bataille de Las Navas de Tolosa, qui défit en 1212 l’armée arabe almohade et sonna le début de la fin de l’invasion musulmane en terre hispanique et même au-delà, de notre côté des Pyrénées (l’action de Sanche VII et de ses cavaliers navarrais fut décisive : ils ramenèrent du combat les chaînes entourant la tente de Muhammad al Nasir qui s’enfuit à Séville. Selon la tradition établie par les chroniqueurs médiévaux, Sanche le Fort rapporta ces chaînes en Navarre comme trophée de victoire : elles remplaceront sur le blason navarrais l'antique aigle noir et figureront sur ceux de Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Palais, Pampelune et bien d'autres localités du Pays Basque. Et, dans la vallée de Baztan, beaucoup de belles demeures typiquement navarraises seront ornées d’un blason à damier dont l’échiquier rappelle la partie interrompue afin d’aller combattre victorieusement l’envahisseur maure à La Navas de Tolosa…
La tradition rapporte encore que Sanche VII le Fort fit construire l’église de Saint-Jean-Pied-de-Port en guise d’ex-voto à sa victoire. La ville se développe à cette époque).
C’est un descendant de celui qui avait participé victorieusement à la victoire de Las Navas de Tolosa, Diego López de Haro, Vème du nom, dont la mère était Constance de Béarn, fille de Guillaume II de Béarn (Guillaume-Raymond de Moncade vicomte de Béarn, de Marsan, de Gabardan), donc c’est Diego López de Haro qui s’empara de l’ensemble de la seigneurie de Biscaye, alors disputée avec les rois de Castille, et fonda en juin 1300 la ville de Bilbao à partir de hameaux bordant le Nervion depuis l’embouchure océanique.
Revenons maintenant aux Loyzaga pour rappeler ce qu’était un lignage : en fait, la parcelle de terrain où a été construite la maison donnait naissance au clan et leurs propriétaires étaient « les aînés », qui avaient hérité de génération en génération, mais avec des servitudes : symbole du pouvoir de leur lignage, ils devaient assurer un refuge à leurs proches en cas de besoin. Parfois, la maison-tour possède un ermitage à proximité, comme c'est le cas de l'église de Santiago à Concejuelo, où l'un de ses murs latéraux porte les armoiries de la famille Loyzaga, qui a agi comme mécènes. Aujourd'hui, la statue du Saint est gardée entre les murs de Torre Loizaga.
Nous reprendront la semaine prochaine l'histoire des lignages basques.
En attendant, précisons encore que la journée des Amis d'Arnaga s'est poursuivie autour d'un succulent déjeuner servi dans les règles à la Bilbaina : fondée en 1839 dans le style des clubs privés britanniques, cette institution emblématique de la vie sociale biscayenne est à elle seule un véritable musée qui a reçu ces dernières années d’illustres visiteurs (le roi Juan-Carlos, le violoncelliste Rostropovitch et d’autres grands artistes) venus admirer la bibliothèque contenant 40.000 volumes et des mappemondes du XVIe siècle ainsi qu’une riche collection d’œuvres d’art (argenterie, peinture, sculpture).