1 – Un temps de ressourcement.
L’automne sous nos latitudes est favorable au temps des pèlerinages.
Voyager vers un lieu de dévotion sacré, et à l’étranger pour le cas est un dépaysement et un sursaut spirituel qui lors de ces dernières décennies fut contrarié par le virus du Covid mais le goût de pèleriner semble reprendre à nouveau.
Vers 1700 avant notre ère, en pays d’Occident, on évoque “le pèlerinage à Stonehenge” ou le site des mégalithes qui fascinent les autochtones.
Mais la méditerranée de toutes rives du sud au nord-ouest demeure le lieu de prédilection des pèlerins de plusieurs religions selon leurs coutumes et leur propre histoire.
Un espace parmi les plus fréquentés du monde, du moins du nôtre aux yeux du judaïsme, du christianisme, de l’islam, mais les trois religions monothéistes ne concentrent pas à elles seules tous les lieux de tels rassemblements.
Des lieux du temps du néolithique ont disparu d’Egypte à la Mésopotamie où selon les chroniques du passé les populations in situ faisaient des marches pèlerines en des espaces mémoriels de leur histoire.
Pour un Grec et un Latin Epidaure - Esculape avaient du sens, comme Asclépios pour un Romain, comme encore chez nous ces grottes préhistoriques où les populations puisaient des forces invisibles.
“La divinité confondue avec sa généalogie divine” et son lieu sacré concentraient les dévotions des fidèles.
En terre d’Israël, Jérusalem, la Samarie, la Judée concentrent “le caractère sacré de la foi juive”, sans oublier l’unicité du Temple de Jérusalem, le mur d’enceinte du Temple par deux fois détruit et en attente d’être un jour reconstruit, selon la volonté de... l’Eternel !
Les tombes des Illustres de la foi d’Israël disséminées dans l’Orient ancien et jusqu’en Ukraine, Maroc, Tunisie, unissent la ferveur de la diaspora juive, de la Galilée jusqu’à ces confins situés hors de la terre sainte israélite première.
Les chrétiens auront à cœur un jour autour d’Origène de rechercher la trace des apôtres de la foi de l’église, le Saint Sépulcre conforté par l’Edit de Milan en 313 confirmera pour les chrétiens le lieu spirituel de la foi attachée à la mission apostolique de ces premiers de cordée.
La mère de l’Empereur Constantin Ier, Hélène compta pour le culte de “la Sainte Croix” pour qui l’origine de ce lieu de mémoire fut le début d’un culte avéré aux sépulcres et au symbole de la croix qui sauve selon le credo des chrétiens depuis cette origine.
2 – Une recension des espaces mémoriels en croissance
Nous sommes au IVème siècle et les espaces mémoriels d’un récent passé prennent figure et se répandent dans la chrétienté encore en germination.
Le Récit du voyageur anonyme de Bordeaux retenu par les historiens de l’époque représenterait la première inscription datée de ce culte aux témoins de la foi, objet culte que d’aucuns considèrent comme légendaire, mais qu’importe le temps du souvenir s’enracinait déjà dans l’histoire de la foi des fidèles.
Selon l’adage latin de l’époque, “beaucoup de pèlerins en avaient pris le chemin, parmi eux peu de saints”, selon les sources et les réticences des incrédules et des voyageurs peu ou prou motivés.
L’attrait de l’insolite, du commerce des reliques, d’échanges de toutes espèces demandaient de rester vigilants sur la véracité des faits mais pour les plus audacieux de ce temps, les récits rapportés de ces voyageurs pionniers du genre comptaient et retenaient l’attention des contemporains !
Les craintes exprimées par Thomas de Kempis ne suffiront pas à dissuader de le croire, ce qui en l’état faisait l’objet de suspicions possibles.
Au Moyen Age le voyage du pèlerin demeurait d’exception. François d’Assise compte parmi ces témoins lors de sa rencontre avec le sultan, une témérité saluée par ses biographes.
Les premiers aventuriers de la foi et des affaires se comptent déjà mais en petit nombre.
Il y faudra ajouter l’organisation des lieux d’accueil des pèlerins, plus tard encore.
Rome, une prouesse pour l’époque !
Nous ne sommes plus là à Jérusalem mais à Rome, au cœur des Indulgences pour obtenir des grâces spéciales, un monde réservé pour le cas aux Nobles et aux Croisés, subissant l’occupation de Jérusalem par les mahométans, et vers où se fixeront désormais les regards et les projets de délivrance prochaine.
L’idée de la dévotion moderne de rencontrer les lieux mémoriels des témoins de la foi originelle demeure individuelle mais elle commence à poindre.
La forte résistance protestante au culte des reliques, aux cultes tout courts à de telles dévotions s’apparentera à une idolâtrie peu prisée par les Réformés.
Faute de pouvoir se rendre à Jérusalem ou Rome, nombre de fidèles pratiqueront des pèlerinages locaux, ou régionaux tels celui de Notre Dame de Lorette chez nous, mais de toute évidence l’envie de franchir la Méditerranée demeurait et l’intention subreptice de prolonger la foi par le chemin de la visite des Lieux Saints d’Israël se développera au cours du XIXème siècle où les récits de voyageurs-pèlerins dans ces sites particuliers et étrangers restent une ambition latente.
La navigation par mer, et le développement des transports plus modernes rendront ces échanges accessibles au plus grand nombre.
Peu de pays comptent comme la France à tant de sanctuaires ouverts aux pèlerins du monde.
Pas moins de cinquante pour le pays, l’Italie, l’Espagne, n’étant en reste.
La diversité de l’organisation in situ des rassemblements s’est profondément accrue, enfants,adultes, parents, aînés, corps de métier, militaires, organisent leurs propres pèlerinages.
Lors de rencontres exceptionnelles comme la venue du pape Jean Paul II à Lourdes, la foule des grands jours est parvenue jusqu’à la grotte de Massabielle pour voir le pape sans doute et partager une ferveur unique qu’il est difficile de commenter sinon la comparer avec d’autres cités du monde où la vie pèlerine ne s’est jamais tarie !
Toutes les religions du monde, outre les trois monothéistes, ont leur lieu de pèlerinage, bahai, jain, bouddhiste, hindous, et au Japon.
Le temps mémoriel d’un passé compte comme un parcours personnel et depuis peu certains de ces sites culturels ou spirituels selon les avis de chacun, sont référencés comme appartenant au Patrimoine Immatériel de l’Humanité établi par l’UNESCO.
S’il faut citer celui de Santiago de Compostelle pour cette année 2023, on compte par milliers ceux qui franchissent à nouveau les Pyrénées à ce jour, à la lueur de l’étoile qui les attend, à la sueur des terrains pentus des chemins balisés pour le pèlerin.
Etrange pour les uns, récurrent et suivi pour d’autres. Covid n’a guère tari la source, mais au contraire, développé à nouveau ce goût du dépassement personnel et spirituel après le confinement.