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Agriculture
Le monde agricole en changement ?
Le monde agricole en changement ?

| François-Xavier Esponde 1108 mots

Le monde agricole en changement ?

1 - Le monde agricole, un sol mouvant

En cette semaine du Salon de l'Agriculture à Paris, le monde agricole fait ses comptes et propose des perspectives en rappelant que pour un agriculteur qui s'installe, trois se retirent. Le reportage donné à Iholdy par Daniel Barberarena illustre la situation dans la commune. Une trentaine au village mais on risque d'en perdre sept encore ou même huit, dit l'agriculteur, membre de la Chambre d'agriculture du Pays Basque et témoin de la réalité de la profession aujourd'hui (notre photo de couverture : ferme Landaia etxaldea).

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Iholdy, les produits de l Ferme Landaia etxaldea, reprise par Kaiet et sa famille ©
Les produits de Kaiet, Ferme Landaia etxaldea à Iholdy.jpg

Produire, fabriquer des lots de charcuterie, et vendre ces produits fermiers, ajouter des produits laitiers et du fromage de brebis, la diversité et la variété au programme des jeunes enfants de l'agriculteur qui a 61 ans envisage de se retirer et de laisser la place aux jeunes arrivants de sa ferme.

Plus de la moitié des exploitations du Pays Basque sont tenues par des agriculteurs de plus de 55 ans. Le secteur sera à l'aube d'un grand renouvellement de génération. Et le modèle ? Quel sera-t-il ? Une question posée par Fabrice Ruffier, chargé de projets installation et transmission à la Fédération Terres de liens. "Nous accompagnons les repreneurs et les cédants pour que les projets aboutissent le plus possible", dit le représentant de la fédération. 

Entre 2000 et 2020, deux exploitations sur cinq ont disparu. Soit achetées par des voisins, devenues des habitations, ou rachetées par des groupes financiers, car la surface moyenne a bondi de 42 hectares à 69 en vingt ans. On manque de données, mais on voit que les grandes fermes utilisent moins de personnel et plus de pesticides. "La propriété foncière agricole est donc un enjeu national à de nombreux égards", selon Fabrice Ruffier. 

La loi d'orientation agricole affiche un objectif de 500 000 exploitations en 2030 contre 389 800 en 2020, ce qui signifierait un infléchissement de la tendance, même si nous visons un million. Mais ce chiffre n'est assorti d'aucune mesure concrète, comme rapporte l'auteur d'un guide de "la propriété foncière responsable", destinée aux agriculteurs eux-mêmes, propriétaires et élus.

La mesure phare proposée par Terres de liens est une gestion centralisée des terres. Dans le but de sauvegarder à la fois la vocation agricole des acteurs et faciliter la transmission. Le prix d'une terre avec peu ou pas d'hectares est plus faible. Ainsi donc à Castetis, en Béarn, la propriétaire de Lait P'tits béarnais a décidé de vendre des terres à la Fondation pour devenir locataires, "car nous estimons que la terre, dit Fanny Ferrand est un bien commun. Le modèle agricole actuel arrive à bout, une minorité nourrit une majorité, mais sans pouvoir en vivre. Soit on arrête soit on réinvente des fermes collectives  aux activités diversifiées pour qu'elles deviennent autonomes". Des races à viande, des cochons et des brebis rejoignent le cheptel de vaches laitières et la ferme - qui dispose d'une boutique - est ouverte au public ! Des urbains s'intéressent à notre travail et élargissent le premier cercle familial, dit la mère de famille. 

Bien préparer sa retraite est nécessaire, c'est très différent d'un départ en retraite dans d'autres professions, Les agriculteurs peuvent le vivre comme une véritable perte d'identité, car ils ne quittent pas seulement un travail mais aussi très souvent leur maison  dans laquelle le repreneur va s'installer. Propos d'un membre de l'Association landaise pour la promotion de l'agriculture durable. Il faut préparer les cédants sur le plan psychologique autour de la ferme qu'il faut quitter sous une pression vive. La transmission de la maison en nos régions rurales et pyrénéennes est un moment charnière dans la culture basque souligne encore Daniel Barberarena en face de ces vieilles fermes séculaires de plus de trois cents ans comme nombre de ces fermes des environs des terres agricoles.

Les terres et les exploitations seront soit transmises du vivant des professionnels, ou par des organismes comme la Fondation Lurzaindia, partenaire de Terre de liens, pour assurer le tissu agricole dans les campagnes et le maintenir vivace !

2 - Paradoxes des agricultures en France ?

La loi d'orientation agricole rappelle que le foncier est primordial pour obtenir des objectifs de souveraineté alimentaire. nationale. D'après un rapport de la Foncière Terres de liens sur l'état du parcellaire de la ferme France, "plus on exporte plus on est obligé en contrepartie d'importer" pour assurer notre alimentation.

Avec un potentiel de 130 %, la France dispose en théorie d'assez de terres agricoles, 28 millions d'hectares, pour nourrir sa population, dit le président de la Fondation Terre de liens, Philippe Pointereau. En rachetant des terres pour installer des agriculteurs bio, cette souveraineté alimentaire est réduite à une chimère politique. Tandis qu'elle exporte 43 % des produits de ses terres, soit douze millions d'hectares, la France importe aujourd'hui l'équivalent de dix millions d'hectares de terres, soit 36 % de ses terres pour notre alimentation. Dans ces conditions, la surface de terres nourricières est réduite à 2100 m 2 par habitant quand il faudrait le double pour nourrir une personne.

Exemple de pates illustrent l'absurdité rapportée par un agronome de métier de blé produit en France par les 250 000 hectares de céréales dures cultivées chaque année mais vendues hors les frontières pour les deux tiers de la production obligeant en retour à racheter les dites pâtes  et des semoules pour garantir notre alimentation !

Autre sujet de tension, la baisse de lait par Lactalis de par sa commercialisation remplacée par une poudre de lait néozélandaise selon un accord de libre-échange récent dans ce domaine. Mais l'argument commercial demeurant, aucun pays n'est autonome en matière alimentaire à 100 %, indique un rapport de Terre de liens. Tout repli sur soi et fermeture des frontières  est dangereux en géopolitique ; en appauvrissant la population locale, l'instabilité internationale croît encore. La demande en hausse va vers les produits moins chers amenés par la concurrence étrangère. Ne pas considérer les produits agricoles comme simples produits d'ajustement permettant de passer un accord de libre-échange. On le devine, le traité Mercosur pointe à l'horizon d'une profession vulnérable à cette concurrence des pays du sud, difficilement contrôlable.

La Fondation Terre de liens propose de favoriser comme elle le fait par ses 380 fermes bio sur 11 500 hectares en France, des propriétés plus vertueuses en termes d'emplois, de commerce durable, et de moindre utilisation de produits phytosanitaires. C'est le cas pour les céréales, le maraîchage et les ventes directes à la ferme,  le contrôle étant plus compliqué dans les grandes surfaces exposées à des pollutions de la terre, l'usage controversé de pesticides, et une qualité de production sans risques toxiques. Une gageure, somme toute, encore de nos jours !

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