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Cinéma
Le Mélange des genres (103’) - film français de Michel Leclerc
Le Mélange des genres (103’) - film français de Michel Leclerc

| Jean-Louis Requena 767 mots

Le Mélange des genres (103’) - film français de Michel Leclerc

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Dijon (Bourgogne Franche-Comté). Un groupe féministe, Les Hardies, lance une action musclée devant le tribunal afin de contrer celle de l’association d’extrême droite viriliste, Sauve ton papa. Ce collectif est dirigé par Marianne (Judith Chemla), une activiste convaincue du machisme immémorial des hommes. Des policiers s’interposent et profitant d’une accalmie, Les Hardies s’enchainent aux barreaux du tribunal. La nouvelle recrue Sofia (Melha Bedia), par défi face aux autorités, jette les clés des menottes dans une bouche d’égout : les jeunes femmes enchaînées dont Simone (Léa Drucker), patientent quelques heures avant que l’on vienne les délivrer.

Paul (Benjamin Lavernhe) est un acteur sans emploi qui accumule les petits boulots : photographies, clips publicitaires et même courte apparition, tous les soirs, dans un théâtre ou il joue un coursier, puis enfin, il rentre chez lui à vélo pour s’occuper de ses deux enfants. Sa femme Charlotte (Julia Piaton), est quant à elle une comédienne renommée qui joue l'héroïne de la pièce ou son mari fait sa brève prestation. Tout va pour le mieux dans ce couple qui vit confortablement grâce aux cachets de Charlotte. Paul, un homme calme, pondéré, accepte sans regimber cette situation. C’est un homme doux, sensible, sans une once de virilisme.

Simone est en fait un lieutenant de police infiltré chez Les Hardies, ces dernières étant soupçonnées d’avoir donné un fusil à une femme qui a abattu son mari violent. Simone est fière de son travail de policière et plutôt conservatrice, rejetant l’idéologie du collectif féminin. Son chef est le capitaine Jean-Jacques (Vincent Elbaz) par ailleurs son mari, lequel se moque, avec ses collègues, de ces chipies fréquentées par son épouse.

Simone et Paul se rencontrent fortuitement dans un square près d’un bac à sable où jouent leurs enfants. Ils échangent quelques banalités. Marianne, la leader des Hardies, soupçonne qu’une taupe renseigne la police. Simone est ciblée car elle est aperçue sortant du commissariat de police. Pour lever les soupçons, alors qu’elle est coincée dans un café par Les Hardies, afin de se dédouaner, elle désigne Paul, qu’elle connait à peine, comme étant son violeur.

Dans le bistro, Paul interloqué, est malmené, photographié, par un groupe de femmes. Totalement innocent, il est jeté en pâture sur les réseaux sociaux. Les quiproquos s’enchainent …

Le Mélange des genres est un scénario original du réalisateur Michel Leclerc (60 ans) et de sa compagne Baya Kasmi, avec laquelle il avait déjà coécrit plusieurs longs métrages : Le Nom des gens (2010), La Vie très privée de Monsieur Sim ((2015), La Lutte des classes (2019) et Les Goûts et les Couleurs (2022). C’est une collaboration fructueuse entre eux car tous leurs scénarios sont originaux (César en 2011 du meilleur scénario original pour Le Nom des gens). En effet, l’histoire de deux univers qui s’affrontent, celui de la police (Simone) et celui d’un citoyen ordinaire (Paul) ne peut fonctionner que par l’excellence de la trame du récit qui nous fait, en tant que spectateur, accepter sans trébucher les quelques invraisemblances. De surcroît, les scénaristes n’ont pas hésité à faire intervenir le chanteur Vincent Delerm s’accompagnant au piano dans deux scènes en présence des protagonistes, ainsi que la romancière Virginie Despentes (King Kong Théorie - 2006), « papesse » de la guerre des sexes dans une scène incongrue. Il fallait oser ! A n’en pas douter, le réalisateur et sa compagne sont familiers des « mécanismes » des grandes comédies loufoques américaines (screwball comedy) dont ils adoptent le rythme trépidant, l’humour burlesque (slapstick), et les dialogues ciselés. Le Mélange des genres est une comédie post-MeToo dopée par les apories militantes des Hardies. A ce sujet, Michel Leclerc déclare : « Or, il m’arrive ces derniers temps d’avoir l’impression d’être assigné à mon identité, c’est à dire qu’on ne me définisse pas par ce que je pense ou dit, mais par ce que j’ai l’air d’être, et d’incarner le patriarcat à l’insu de mon plein gré ».

Le Mélange des genres établit un parallèle entre deux itinéraires : Simone (Léa Drucker) une policière enquêteuse, et Paul (Benjamin Lavernhe) un homme « déconstruit » selon ses dires, tous deux étant dépassés par les situations qui s’enchainent sans qu’ils ne puissent les arrêter. Pour interpréter cette comédie désopilante, il fallait des acteurs remarquables : Léa Drucker (Simone) et Benjamin Lavernhe (Paul) sans oublier Judith Chemla (Marianne, la cheffe des Hardies), Melha Bedia (Sofia, une féministe gaffeuse), Julia Piaton (Charlotte, la femme aimante), etc. Tous seraient à citer dans leur emploi.

Le Mélange des genres est une comédie de mœurs dans l’air du temps, plus sérieuse qu’elle n’y paraît. Sous les rires et les sourires, ce film nous interpelle, non sans espièglerie, sur le devenir de notre société. Un bijou d’intelligence !

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