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Spiritualité
Le chantre, personnage central de toute liturgie
Le chantre, personnage central de toute liturgie

| François-Xavier Esponde 2030 mots

Le chantre, personnage central de toute liturgie

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L'art du chantre lors de la messe ©
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1 - A propos du chantre ?

Les aînés se souviennent encore de ce personnage central de toute liturgie, le chantre d'une messe en latin et en grégorien d'avant Concile Vatican II et évoqué avec nostalgie par les uns ou remplacé par les chorales paroissiales ou une assemblée chantante et commune. Là où n'existaient d'orgues de chœur ni d'harmonium parfois, le chantre menait seul tous les registres, de la voix, du rythme et de l'instrument, le sien ! Objet de fierté le jour où l'on put acquérir cet instrument manquant en remplacement de chantres défaillants ou non remplacés fut joyeux dans nos villages se comparant aux voisins mieux lotis qu'eux ... 
Cependant le chantre demeurait le personnage central de la vie liturgique dominicale du village. On cite à Ainhoa, à Hasparren, Briscous et en bien d'autres lieux ces voix uniques hors des canons d'écoles de musique et de chants, d'un génie acquis à l'oreille, disait-on, une faculté chez les Basques assez répétée d'un usage ancien de l'intelligence par la mémoire et la transmission orale.
Mais parmi le nombre désormais incalculable de chorales liturgiques, de chorales tout court, de groupes vocaux ou de chanteurs peu ou prou connectés aux cultes religieux , on apprécie sans retour le ténor, le baryton ou la voix singulière d'un ensemble pour le timbre et les harmoniques de cet exercice.

"Le chantre eut un rôle majeur millénaire dans le culte catholique depuis ces Lévites du temps biblique dont ils sont issus, et ces assemblées où 4000 choristes composaient le chœur voulu par le roi David pour le Temple de Jérusalem, selon l'histoire des Hébreux pour la louange sacrée de l'Eternel, Béni soit son nom !"

Debout en toute église, basilique ou chapelle, on ne disposait encore de chaise, de prie-dieu ni de bancs, jusqu'au XVIème siècle et souverainement bien debout, on suivait la messe en entier ou en partie car il fut souvent rapporté par les chroniqueurs du passé que "les buissonniers" étaient numériques, venant à l'heure du partage du pain eucharistique ou passagers intermittents de la messe.

Ce chantre conduisait le chant, le texte et la mélodie par la musique qu'il connaissait par cœur, faute de lire les antiphonaires ou partitions liturgiques appris et répétitifs comme le voulait la tradition. Ils furent laïcs ou clercs par la suite, et certains choisis pour être évêque de leur assemblée selon les besoins de l'église de leur époque. 

le Roi David se réjouissait d'avoir 4000 chantres recrutés parmi les Lévites pour le service divin du Temple de Salomon à Jérusalem. Un chiffre hautement symbolique. Augustin d'Hippone ajoute cette citation latine "qui bene cantat, bis orat ", qui chante bien, prie deux fois !

Avec le temps, le rôle du chantre devint celui d'un ministère ou d'une mission canonique désignée par l'ordinaire du diocèse, pour entonner les psaumes dès ce IVème siècle, selon les chroniques de l'Encyclopédie Migne des Pères de l'Eglise. Séparé des fidèles et des clercs, ces chantres développeront un ministère singulier du chant, de la voix, dans des assemblées où la qualité de cette voix était courue et appréciée par les présents bien souvent incultes ou de peu de capacité à lire la musique, les textes liturgiques et le culte divin réservé aux clercs. La com d'époque, faute de moyens autres sinon les choses encore en attente d'hospitalité dans les églises où il fallut ajouter le clocher en son temps pour cette fonction sonore.

Le Concile de Laodicée répartit ces tâches sacrées en 360, à l'heure où le Credo de la foi s'étoffait à Nicée et le culte divin devenait officiel et moins laissé à l'arbitraire ou l'improvisation. Le chantre chante pour tous selon Grégoire le Grand et l'assemblée, prie en silence ou contemple la qualité de la prestation !

Si aux débuts de l'église, le chantre, le lecteur ou le culte sont mêlés ou confondus, la séparation des fonctions se précise pour chaque ordre dans sa mission. 
Isidore de Séville précise les "qualités requises" pour être un bon chantre. les détails sont savoureux, sur sa conduite et ses réseaux personnels. Tentation de mêler les tavernes ou troquets avec les harmoniques liturgiques, la fréquentation de gens de modeste vertu, le goût des saveurs culinaires, en somme tous les variables d'un art d'un bon vivre avec celles du bien se tenir dans sa communauté !

Le Pape Grégoire développera les écoles de chantres, particulièrement de jeunes recrues initiées par les plus exercés, dès le VIIème siècle. On pressent que l'improvisation n'a plus sa place en liturgie. Si la plupart des fidèles sont analphabètes, la qualité de la prière appelait à une élévation de l'âme humaine vers le surnaturel que l'on désigne aujourd'hui par le génie de la création.

On connaît le récit de Charlemagne mis en compétition à propos des chantres de Rome comparés aux siens et qu'il introduisit dans son royaume pour rivaliser de compétences et de résultat. A l'école de la voix en grec ou en latin, grégorienne ou romaine, on s'enrichit d'une excellence millénaire dont on put apprécier le contenu, perdu en partie désormais ou retrouvé dans les conservatoires contemporains où le patrimoine religieux ancien est en odeur de sainteté laïque et spirituelle !

Des termes du langage de cet époque, le lutrin, l'antiphonaire, les pupitres, le jubé, le chancel ou la barrière qui séparait les fidèles du chœur des clercs, ont disparu au cours de réformes liturgiques successives, mais rappellent la fonction du lieu, des acteurs de ce passé "chantrier" daté !

Le propre du chantre était d'élever la voix selon le culte divin célébré en solennité parfois par l'évêque ou les prêtres habitués, la rendant céleste pour les premiers de série, mais de toute évidence, disent les chroniqueurs du temps, le résultat se fit attendre encore.

Le chantre développa l'esprit corporatif autour des écoles de chantres, d'une sélection tarifée d'écoles - maîtrises pour les enfants ou des adultes intéressés comme en toute institution du chant appris, enseigné et partagé de tous les temps.

Il y avait le grand chantre, le sous-chantre et les pré-chantres de ces époques. Comprenez que la différence tenait à la voix dont on a que peu de connaissance aujourd'hui, faute d'avoir pu "les enregistrer", point d'anachronisme sur le sujet à l'heure où tout se numérise et s'oublie parfois !

Le chantre avait sa tunique ou sa chasuble, son bâton cantoral, il n'était point chanoine mais en approchait la posture, et parfois devint dans l'église ancienne évêque dans sa communauté. Point de choses impossibles dans le récit du passé qui ne fut réalisable ou factuel de ce fait.

Homme-lige de l'évêque, disposant de la voix, et pour l'évêque de la parole, le chantre veillait au patrimoine liturgique séculaire emmagasiné au fil des siècles dans les cathédrales dont partie a disparu sous le feu des révolutions du passé. Le chantre surveillait aussi la cathédrale et assurait la sécurité des biens et des personnes. On sait que ces lieux habités ou occupés à diverses missions, outre la liturgie elle même, rendaient les rapines et les indélicatesses possibles ! Elles ressemblaient à bien des égards à des marchés couverts ou super-marchés d'aujourd'hui où se vit une activité diversifiée...

Le chantre veillait encore à ces missels liturgiques, aux archives, aux programmations des psaumes, à l'armorium, antiphonaires, tropaires et graduels, cantatorium que l'on ne rappelle que comme souvenirs.

Il lançait par l'antienne le chant, et selon le concile de Mexico, en 1585, le chantre suivait un règlement liturgique imposé par l'Eglise comme l'ordonnateur liturgique patenté d'un rituel strict et observé par l'assemblée.

A Paris, le Grand Chantre développa les maîtrises dans la cité au-delà de Notre Dame. Il représentait une notabilité reconnue, mais en toute disposition à l'obéissance, il dut rendre ses écoles gratuites en chaque paroisse, ce qu'il n'acceptait pas dans le principe mais que l'autorité lui imposa dans les faits, dès 1699. Des malins avaient eu l'idée de créer "des écoles buissonnières",  comprenez concurrentes dans la ville, prétexte à courroux, plaintes et diktats de sa part, mais sans en changer la décision épiscopale.

Au fil du temps, la coordination entre ces missions du chantre, des chorales, des maîtrises, des clercs et des ordres mineurs au sein de la liturgie ne fut une école simple à partager entre tous ; chacun voulait en défendre les prérogatives. L'introduction de la musique instrumentale et des organistes changea fondamentalement la place et la fonction phonique dans le déroulé liturgique de ces derniers siècles.

On sourit de parcourir le règlement des chantres de Rouen dans le détail où la discipline de vie se mêle davantage à la conduite du postulant à la vie personnelle, qu'à celle de l'art vocal privilégié pour cette mission.

L'excellence de la voix n'avait de prix, ni de prix d'excellence à cette époque, mais les fidèles venaient alentour entendre chanter dans leur cathédrale ces chantres exceptionnels sans micro ni porte-voix, armés d'un organe puissant, et capables d'enchanter leur public de leur chant et de la prière

La tradition orthodoxe est antérieure et passablement différente de la catholique à propos du chantre liturgique. Le pope et le chœur chantant, les fidèles participent dans le recueillement au déroulé de la prière. Point de musiques ou autres diversions possibles. Une fidélité millénaire au culte sacré et à des témoins tel saint Romain Le Mélode reconnu comme grand maître hymnographe orthodoxe parmi ces voix légendaires russes que l'on remarque et apprécie.

Point de messe basse dans l'orthodoxie, le chœur exécute le rituel et l'on y prend part dans le silence.

Les protestants et évangéliques sont eux aussi lotis à l'école des chantres, mais somme toute le chant et les cantiques sont davantage cités pour une lecture biblique du déroulé de la prière proche de la Bible comme livre référencé de leur foi personnelle.

2 -Ces instruments bibliques originels.

Pas moins de dix sept instruments à corde à vent ou en cuivre ont été recensés dans le récit biblique.

Le tambourin, la lyre, la harpe, la cithare, le sambuque, le psaltérion, les cymbales, sistre rappe, cornes de trois origines dont le shofar pascal, la flûte, le pipeau, cornemuse trompette et chalumeau... De quoi composer un orchestre à corde, à vent, et aux coups cadencés... Mais tel n'était pas l'objet !

La vie sociale, ponctuée de fêtes civiles, patriotiques, militaires et de cultes rendus aux dieux souverains de l'Olympe des uns, de El... souverain des autres, ou du paradis, inspiraient les usages et les rituels de chaque mission.

L'Eglise primitive ne les avait pas inventés, mais leur provenance hellène et latine leur avaient donné une postérité musicale millénaire. On parle en effet de huit à neuf siècles avant JC de l'usage de tel instrument, cithare à dix cordes lyre et flûte pour les besoins du Temple de Salomon pour qui rien ne fut assez beau, noble et souverain pour célébrer sa majesté !

(A Mendionde, mon village natal, Laurent Mendiburu, le chantre, et Cayet son aîné à l'harmonium, répétaient avec Gratien Mailluquet, curé puriste et musicien dans l'âme, le répertoire des chants dominicaux de mémoire, car tous deux ne déchiffraient guère la musique mais maîtrisaient les voix ).

La Bible cite même Youmbal, arrière-petit-fils de Caïn, comme l'auteur de tous ces instruments.

La musique appartient au domaine réservé du divin, l'Eternel et Lui seul pouvait disposer de son usage et de ses missions des divers répertoires de cette souveraineté.

Parler du chant et de son exécution a quelque chose de sacré et sacral jusque dans nos interprétations esthétiques. On le pressent en présence de certains auteurs créateurs de génie qui composèrent des partitions immortelles dans le domaine religieux s'entend, celui qui prévalut tout d'abord et depuis lors pour honorer les commandes de mécènes en quête de divin et de surnaturel !

Au Pays Basque, on cite l'abbé Dartayet au XIXème siècle ; plus contemporain, Pierre Narbaitz et ses mélodies de Lourdes ; ces moines musiciens et chanteurs modestes de l'Abbaye de Belloc, mais ne les citer dans le détail serait une injure à la mémoire musicale des Basques en ce cas ! 
Les Béarnais et le chanoine Lesbordes, Paul Décha et autres maîtres reconnus ne nous pardonneraient cette omission ! Parmi la floraison des jeunes issus de ce florilège comme Xalbat Berterreche ou Mikel Erramouspé, et bien d'autres encore...

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