Lors de son allocution télévisée mercredi dernier sur la situation en Ukraine, Emmanuel Macron avait indiqué : « La guerre en Europe n'appartient plus à nos livres d'Histoire ou à nos livres d'école, elle est là, sous nos yeux » !
Il semble que le Chef de l’État avait alors oublié que seulement 23 ans plus tôt, l’OTAN avait bombardé la Yougoslavie : c’était le 24 mars 1999 et les frappes avaient duré 78 jours. Quelques amis serbes résidant sur la côte basque m'en avaient fourni les détails, en particulier le célèbre photographe de Biarritz Jérôme Dimitri (Jevrem Dimitrijevic, de son vrai nom), grand admirateur de la reine Nathalie de Serbie exilée à Biarritz à laquelle j'avais consacré une biographie chez Atlantica.
Cette guerre avait été menée contre cet Etat souverain en violation de la Charte de l'ONU, des normes du droit international, des résolutions du Conseil de sécurité concernant le règlement de la crise du Kosovo.
1150 avions de combat avaient jeté environ 420.000 projectiles, représentant une masse totale de 22.000 tonnes. L’OTAN avait lancé 1300 missiles de croisière, 37.000 bombes à sous-munitions, ainsi que des bombes à uranium enrichi.
Ces bombardements avaient provoqué la mort de 2500 personnes, dont 79 enfants ; plus de 12.000 personnes avaient été blessées. Lors des bombardements avaient été détruits 25.000 lieux d’habitations, 470 kilomètres de routes et 595 km de voies ferrées. En outre, 14 aérodromes, 19 hôpitaux, 20 dispensaires médicaux, 18 jardins d’enfants, 69 écoles, 176 monuments et 44 ponts avaient été endommagés. 2300 frappes aériennes ont eu lieu dans toute la Serbie.
Un témoin de l’époque, Borka Vučić, se souvient : « Au printemps de 1999, on nous a repoussé dix ans en arrière. Beaucoup de gens ont perdu leur famille ou leurs proches. Nos principales infrastructures ont été détruites : ponts, routes, entreprises, usines. L’agression de l’OTAN fut une blessure profonde et très douloureuse. Elle sera ressentie encore longtemps.
(…) Ils nous ont bombardés jour et nuit. Ces horreurs resteront gravées à jamais dans nos mémoires (…) Chaque fois que nous étions dans les abris anti-aériens, nous attendions en nous demandant quelle serait la prochaine maison bombardée. J’ai beaucoup discuté avec des personnes ayant vécu la Seconde Guerre mondiale. Ils m’ont dit que c’était une guerre dans laquelle l’armée d’un pays était opposée à l’armée d’un autre pays. En 1999, nous n’étions en guerre avec personne, on est simplement venu nous tuer depuis le ciel ».
Quant au cinéaste Emir Kusturica, en véritable artiste qui avait consacré sa vie entière à la Yougoslavie et à la Serbie, il est bien conscient de ce qu’avait été le printemps 1999 : « A présent ils disent, si tu n’es pas avec nous, tu es contre nous. La Yougoslavie a été bombardée et détruite seulement à cause du Kosovo. Ensuite, on nous a pris le Kosovo. Les Serbes sont une petite nation que les Américains ont transformée en un paria, et détruite depuis le ciel. Mais à Bruxelles et à Washington ces bombardements ont été qualifiés d’actions humanitaires visant à sauver les Albanais du Kosovo ».
Le prétexte, un massacre qui n’avait jamais eu lieu...
La Finlandaise Helena Ranta, responsable d’une équipe d’enquêteurs au Kosovo, avait révélé en 2009 dans un livre de témoignage comment elle avait été obligée de confirmer la version officielle d’un massacre découvert en 1999 dans le village kossovar de Racak et qui, en étant attribué aux Serbes, avait servi de justification au bombardement de la Serbie par les forces de l’Otan.
En janvier 1999, William Walker, le chef américain de la mission de l’OSCE au Kosovo, avait annoncé l’ « horrible massacre » par les soldats serbes de 45 Albanais du village de Racak - tous civils, brutalement exécutés, certains d’entre eux même mutilés après leur mort. Devant l’émotion suscitée et suite à l’emballement médiatique qui s’en était suivi les Européens encore hésitants avaient fait un pas décisif pour autoriser les bombardements de la Serbie. La secrétaire d’Etat américaine de l’époque, Madeleine Albright, avait déclaré à la chaîne CBS que « des dizaines de personnes avaient été égorgées à Racak » et que la seule solution était « des frappes aériennes humanitaires sur la Yougoslavie ». Le Washington Post du 18 avril 1999 écrivit : « Racak a transformé la politique balkanique de l’Occident comme peu d’événements isolés ont pu le faire. »
Or, dans sa biographie publiée en 2009, Mme Ranta, en charge de la rédaction du rapport sur le massacre, avait fait des révélations spectaculaires sur les pressions qu’elle avait subies pour accréditer la fausse version de la culpabilité serbe. Elle y raconte entre autre comment William Walker lui avait reproché « un langage insuffisamment convaincant » à propos des prétendues atrocités serbes et décrit les pressions de trois fonctionnaires du ministère finlandais des Affaires étrangères qui exigeaient d’elle « des conclusions plus claires et approfondies ». En fait il s’agissait d’une manipulation du groupe terroriste albanais UCK qui avait déplacé sur place des cadavres de combattants morts revêtus d’habits civils...
Tout comme les « bébés koweitiens arrachés des couveuses » avaient servi à justifier l’attaque de l’Irak en 1991, en attendant les « célèbres » armes chimiques de destruction massives de Saddam Hussein dénoncées à la tribune de l’ONU par le secrétaire d'État américain Colin Powell à partir de faux renseignements d'un informateur, ingénieur chimiste irakien qui reconnaîtra plus tard avoir tout inventé pour renverser Saddam Hussein.