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Patrimoine religieux
L'Assomption dans la peinture de Philippe de Champaigne... et notre imaginaire !
L'Assomption dans la peinture de Philippe de Champaigne... et notre imaginaire !

| François-Xavier Esponde 910 mots

L'Assomption dans la peinture de Philippe de Champaigne... et notre imaginaire !

Un retour dans le passé, un hommage rendu à Philippe de Champaigne pour le 350ème anniversaire de sa disparition.
Ce peintre d'origine belge fut un artiste célèbre à Paris. Nommé comme premier peintre de la reine en 1628, il honora cette commande pour le couvent des carmélites du faubourg Saint-Jacques à Paris.

L'origine historique de ce carmel présente un grand intérêt. En effet ce couvent de l'Incarnation représente le premier couvent carmélite des sœurs déchaussées de la capitale. Deux femmes de renommée y exerceront une influence majeure, Catherine de Nevers et Barbe Acarie, cousine de Pierre de Bérulle, pour fonder à Paris ce couvent fidèle au carmel réformé par Thérèse d'Avila. A la mort de son mari, Barbe Acaria entra au carmel sous le nom de Marie de l'Incarnation.

Sous l'influence du cardinal Pierre de Bérulle, le pape Clément VIII, alerté par cette initiative, intervint auprès du général des carmes pour demander quelques religieuses espagnoles pour Paris.
Sujet sensible car ce ne pouvait se faire sans le consentement du roi Henri IV pour qui "la question de la réforme est encore présente dans les esprits, d'un aspect douloureux pour le souverain".

Dès 1604, deux espagnoles aux noms bien typés arrivent d'Avila.
Ana de Lobera Torres et Ana Garcia Manzanas s'installent rue Saint-Jacques en face de ce qu'on nomme aujourd'hui le Val de Grâce

La fécondité de cette première fondation est impressionnante. En 63 ans, soixante deux couvents sont fondés en France. Et le carmel de Paris devient le phare national des carmels et des vocations, pour la plupart issues de la noblesse de France, dont Louise de La Vallière, ancienne maîtresse de Louis XIV et portant l'habit de sœur Louise de la miséricorde.!

Le carmel est un haut lieu de la spiritualité de la capitale.
Bossuet figurera parmi d'autres pourpres ecclésiastiques qui y feront étape et donneront des retraites et conférences au sein de la communauté.

Mais le couvent connaîtra le destin des établissements religieux lors de la Révolution française : dévasté et rasé en 1797, son patrimoine artistique et culturel sera dispersé, brûlé ou volé.
Parmi les œuvres sauvées, "l'Assomption" de Philippe de Champaigne résista au sort maléfique des vandales comme d'autres peintures de ce même artiste.
 
"Le songe de saint Joseph", désormais au Louvre, "l'adoration des bergers" à Lyon, "l'adoration des mages" étant détruite en 1870. "La présentation au temple" recueillie à Dijon, "la résurrection de Lazare" à Grenoble et "la Pentecôte" à Saint-Flour !
Miracle parmi les miracles, l'éloignement de Paris permit de sauver des chefs-d'œuvre de ce peintre de génie.

De mémoire d'historien, la dévotion mariale appartient à l'attachement de Louis XIII à Marie et à la consécration du royaume de France à la Vierge Marie.

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Philippe de Champaigne "L'Assomption" musée de Grenoble ©
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Selon le récit historique connu, l'espoir d'un héritier pour son royaume et le miracle obtenu par l'intercession de la Vierge Marie engendreront ce culte national pour remercier la Mère de Dieu "de ce don royal et céleste, de protéger la France des invasions étrangères, mais encore de guerres religieuses fratricides".
Le texte signé par le roi ne laisse aucune ambiguïté !
Plaçant le royaume sous la protection de Notre-Dame, "à laquelle nous mettons particulièrement Nostre Personne - Nostre Etat  - Nostre couronne  et tous nos sujets". En instituant les processions du 15 août pour la fête de l'Assomption.
Le 5 septembre, Louis Dieudonné de France naissait.

La dévotion mariale existait en France depuis le VIIème siècle, mais avec des bénéfices variables selon les époques et les tensions politico-religieuses au sein du royaume.
C'est après la seconde guerre mondiale, en 1950, que renaîtra cette force spirituelle nationale autour de la Vierge Mère de Dieu, et le dogme contenu dans la constitution apostolique "Munificentissimus Deus" du pape Pie XII est érigée en vérité de la foi catholique.

Philippe de Champaigne, loin de quelque anachronisme, n'est pas un contemporain du XXème siècle mais de la Contre-Réforme catholique. Il réalisa treize œuvres majeures sur la place de Marie dans l'histoire du Salut.

Un langage visuel révélateur du monde terrestre et céleste autour d'un tombeau vide, et Marie emportée au ciel par les anges de cette œuvre exposée au Louvre.
Les visages de ces figurants apôtres parlent. Ce sont des hommes et femmes comme nous, pris en otage de la vérité historique et de l'absence d'un témoin unique, le Christ. Thomas, l'apôtre du doute et des questionnements est au cœur de cet univers du vrai et des questions de tous les temps passés et présents de cette Assomption de Marie préfigurant la nôtre.

En 1661, Bossuet, prêchant à ces femmes dévotes, rapporte : "Faites, ô Vierge Marie, que tous ceux qui ont célébré votre Assomption glorieuse entrent  profondément dans cette pensée. Qu'il n'y a aucune grandeur qui ne soit appuyée sur l'humilité ; et que c'est Elle seule qui fait les triomphes et qui distribue les couronnes, et qu'enfin il n'est rien de plus véritable que cette parole de l'Evangile que celui qui s'abaisse dans cette vie sera exalté à jamais dans la félicité éternelle où nous conduisent le Père, le Fils et le Saint-Esprit" !

15 août, Pâques de l'été, fête d'excellence de la Mère du Christ et notre propre Mère céleste, le regard tourné vers le Ciel, le mystère de la vie se consume dans cet échange intime de notre part avec l'invisible.

Assomption, de l'Ascension et de l'exaltation de l'âme humaine dans une transcendance indicible, le secret désir d'y accéder un jour avec Marie Madeleine de l'Evangile, laisse libre cours à notre intuition.

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