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L’académicien Jean-Marie Rouart à Arnaga : « La vérité par la beauté » !
L’académicien Jean-Marie Rouart à Arnaga : « La vérité par la beauté » !

| Rédaction 1614 mots

L’académicien Jean-Marie Rouart à Arnaga : « La vérité par la beauté » !

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Dans le grand salon d'Arnaga, devant une assistance fournie et choisie... ©
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Dans le grand salon d'Arnaga, devant une assistance fournie et choisie et succédant à quelques mots de présentation du président des Amis d’Arnaga, Christian Perret, notre rédacteur Alexandre de La Cerda débuta son entretien avec l’académicien Jean-Marie Rouart : 
« C’est un honneur et une grande joie de vous retrouver au cours de cet entretien. 
Notre première rencontre date d’il y a 22 ans : à l’entrée d’un nouveau millénaire, le 3 mai 2000, nous étions tous les deux assis au premier rang de la grande salle de l’hôtel d’Assézat à Toulouse, face aux académiciens des Jeux Floraux parmi lesquels se trouvait le prince Henrik, auteur de plusieurs recueils poétiques illustrés de dessins de son épouse la reine de Danemark : si, pour ma part, j’étais admis dans ce cénacle littéraire, réputé le plus ancien d’Europe, en ce qui vous concerne – vous qui aviez été élu trois ans plus tôt à l’Académie française (*) - le bâtonnier Roger Merle, juriste éminent et directeur de l’Institut de Criminologie qui avait « insufflé l'éthique du droit à plusieurs générations d'étudiants » vous décernait le « liseron d’Or », fleur « couronnant un grand écrivain dont l’œuvre aura enrichi son temps et glorifié la langue française »

Justice et injustice, passion de la littérature, combat pour la langue française et quête spirituelle pour notre civilisation – ou ce qu’il en reste, hélas – me semblent parfaitement caractériser les points forts de vos derniers ouvrages, et les trois axes de notre entretien, si vous le voulez bien !

Après quelques années d’enfance sur l’île de Noirmoutier, vous évoquez vos origines maternelles béarnaises : en route vers Orthez pour une visite chez Francis Jammes, il y a Arette où votre grand-père marqua une étape décisive pour l’avenir familial de votre père, lorsqu’il peignit celle qui deviendra votre mère. Vous avez même à cet égard quelques ascendances andalouses et madrilènes d’un amiral et d’un directeur des chemins de fer espagnols.

Une scolarité et des études marquées par des hauts et des bas – vous direz même « un enfer », avec toutefois un passage par une « abbaye de Thélème en culottes courtes » selon la méthode Montessori, sans colles ni contraintes, un sombre appartement parisien où vous appréciez avec votre mère la lecture des grands classiques de la littérature par Nathalie Nerval de la Comédie française, ce qui réveillera chez vous une « boulimie de lecture » avec l’envie de s’évader vers d’exaltantes aventures, loin de cet appartement honni : une folie de lectures grisantes et ensorcelantes (je vous cite toujours) qui décidera de votre avenir...

De la lecture de « Mes Révoltes », il apparaît que (je vous cite), doté d’une nature paisible et nonchalante, une sorte d’abandon rêveur et de fragilité teintée de mélancolie, vous préférerez en matière d’humanités classiques « la poésie, l’humour et le sel attique » - voire érotique – des anciens Grecs, au « manque de lait de la tendresse humaine décelé dans le monde romain ».
Jusqu’à affirmer que « la mort de Spartacus aurait pu constituer le pire malheur de votre vie » !

C’est lors de votre entrée au Figaro, sur recommandation de votre tante béarnaise/espagnole Victoria qui avait protégé l’adolescence de Jean Griot devenu rédacteur en chef, le Figaro, ce « cœur ardent de la bourgeoisie » sur lequel régnait alors Pierre Brisson, épris de littérature et donnant libre cours à toutes les familles d’esprit, que vous pourrez donner libre cours à votre combat contre l’injustice. 

Un peu à l’exemple de François Mauriac, « ce chrétien déchiré qui s’embrasait pour toutes les causes où il décelait une injustice » : conviendrait-il de vous verser, cher Jean-Marie Rouart, dans cette catégorie ? Par exemple à propos du cas de Gabrielle Russier, cette enseignante accusée d’être tombée amoureuse d’un de ses élèves, adolescent ? (ce fut le début de vos relations avec Jean d’Ormesson)

- vous essuierez quelques déboires à propos d’une affaire de prostitution (à Lyon) liée avec quelques membres de la police, qui vous montrera également des liens incestueux entre police et journalistes.

- Vous voilà à Arcangues attablé avec Telesforo de Monzon, ancien ministre du gouvernement basque de J.A. Aguirre en train d’enquêter sur les incursions de la Guardia Civil espagnole en territoire français, bien avant l’espace Schengen, dans cette Suisse idyllique qu’était le Pays Basque, mais, précisez-vous, « une Suisse aux placards bourrés de bombes, dynamite et mitraillettes ».

- des entrevues littéraires avec Michel Déon sur son île grecque et avec Geneviève Dormann vous refroidissent, mais finalement, miracle, votre roman est édité, avec de bonnes critiques à la clef, en particulier celui d’Antoine Blondin qui saluait votre entrée dans le monde des Lettres.

- Entre temps, vous êtes censuré par la direction du Figaro à propos d’un article révélant les manigances des toutes-puissantes compagnies pétrolières, article que vous arrivez à faire publier grâce à l’appui de la Société des rédacteurs... Mais ce sera le début de la fin – ou du moins une première éclipse du Figaro malgré l’arrivée à la direction de Jean d’Ormesson - qui témoignera de son inexpérience journalistique, constaterez vous - et l’achat du journal par Hersant (avec une montée en influence de Robert Aron) qui hâtera votre départ… 
Mais cette apparente disgrâce vous permettra de vous plonger dans ce que vous qualifierez d’« orgie de littérature », votre souhait le plus cher depuis vos jeunes années, orgie qui débouchera sur le prix Interallié (pour Les Feux du pouvoir, 1977), et quelques autres distinctions.

- sans rompre avec le journalisme : Le Quotidien de Paris de Philippe Tesson puis, contre toute attente, retour au Figaro pour la création du supplément littéraire.

- jusqu’à votre séjour « dans l’antre du Diable » à propos de l’affaire Omar Raddad, où vous déciderez de piétiner les plates-bandes de la gauche droit-de-l’hommiste : toujours la lutte contre l’injustice ! Cela vous vaudra des ennuis avec la justice et une « destitution du Figaro Littéraire ».

La 4ème de couverture de votre livre indique que « vous tirez de votre expérience le sentiment d’avoir bénéficié d’une forme de miracle. Peut-être ce parcours en dents de scie était-il étrangement écrit dans les Etoiles... » 
Quelles étoiles ? Peut-être le moment d’en venir à votre livre « Ce pays des hommes sans Dieu ».
Or, c'est un véritable appel à nos consciences que vous avez lancé dans ce livre comme à travers des entretiens dans plusieurs journaux, en particulier Le Figaro : aucune société, si avancée soit-elle, ne peut se passer du sacré, expliquez-vous. 
Car, le déclin du christianisme dans la société française laisse un vide spirituel, que l’islam vient remplir et « le laïcisme est un rempart illusoire face à la volonté de conquête de l’islamisme ».

Une laïcité impuissante à constituer, demain, l’âme de notre pays
Dans l’hebdomadaire « La France Catholique », vous « constatez la faiblesse que représente le christianisme aujourd’hui et l’orgueilleuse faiblesse que représente la laïcité. Je crois que les laïcards s’imaginent, avec une prétention coupable, qu’ils représentent un rempart, mais en fait c’est une ligne Maginot face à l’islam. Ils pensent qu’ils peuvent remplir les besoins et les aspirations d’une religion. C’est pour moi une erreur coupable. L’aspiration humaine sur le plan individualiste comme sur le plan collectif n’est pas seulement de l’ordre de la raison. Et sur le plan individuel, la religion n’est pas seulement de l’ordre de la croyance.

Comme Français, nous avons un héritage qui s’inspire de ce que nous sommes : les fêtes de Noël, Pâques et Pentecôte, les jours fériés… Nous sommes imprégnés de nos origines chrétiennes. Et contrairement à ce que pensent les laïcards, la France n’est pas née avec la République. Elle est née du baptême de Clovis. Elle a quinze siècles d’imprégnation chrétienne. Un écrivain aussi peu pratiquant que Romain Gary disait au moment de sa conversion que le catholicisme était les papiers d’identité de la France ».

Le christianisme a-t-il perdu trop de terrain dans la société ?

« Je dis que tous les facteurs sont présents pour qu’il soit supplanté par l’islam. Pas qu’il disparaisse. Je mets en cause à la fois l’État qui méconnaît ce que nous sommes, nos racines judéo-chrétiennes, avec le refus de les inscrire dans la Constitution européenne, et la défiance du religieux vis-à-vis de l’islam, qui s’étend malheureusement à tous les religieux. Le projet de loi sur le séparatisme qui se refuse à désigner l’islam s’en prend à tous les excès du religieux. Et ce faisant, l’État ne s’aperçoit pas qu’il ne pourra jamais donner un projet spirituel, une cohérence dans un pays qui part à vau-l’eau »

En conclusion, dans cet entretien publié par « La France Catholique », face à ce vide spirituel laissé dans notre société et qui risque d’être comblé par l’islamisme, vous en appelez à l’Église afin qu’« elle retrouve toute sa place dans cette société, en particulier par l’Art, par le Beau, ainsi que par la Liturgie »…

Retrouver les racines chrétiennes de l'Europe (et du Pays Basque)
Or, les « racines chrétiennes » qui nous réunissent, dont la mention a été supprimée en 2004 du projet de Constitution européenne, sous l’influence notamment de Jacques Chirac, constitue le fondement qui devrait soutenir la construction européenne. 
L’Europe a ainsi perdu ses racines, et sans racines, rien ne peut se développer harmonieusement (…) Sans racines, l’Europe cherche aveuglément à imposer sa loi dans tous les domaines : financier, économique, social, culturel, effaçant les différences, tendant à l’uniformisation, sans une vision de l’avenir qui puisse susciter quelque enthousiasme, soucieuse uniquement de former des citoyens aptes à produire et à consommer. 
Sans racines, l’Europe n’hésite pas à passer outre l’opinion des peuples et à violer la démocratie, comme on l’a vu avec le mépris de nos gouvernants pour le référendum du 29 mai 2005. Sans racines, l’Europe devient une sorte de monstre sans scrupule ni conscience, qui dévore tout sur son passage.

(*) C’était en décembre 1997 et une semaine auparavant, sous cette même coupole, je recevais le prix Georges Goyau de l’Académie française pour mon livre « Le Pays Basque entre Nive et Nivelle...

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Robert Poulou (adjt à la culture de Cambo), Christian Perret (pdt Amis d’Arnaga), le député Vincent Bru, Eric Gildard (Amis du Lac d'Hossegor), Jean-Marie Rouart et A. de L. C. ©
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