1 – Le Carême
Le temps de la quarantaine des jours avant Pâques, désignée comme temps du carême, est une tradition chrétienne dont les origines bien plus anciennes encore, remontent à ses fondements hébraïques et bibliques. Selon le sens donné aux quarante jours de Moshé portant les Tables de la Loi au désert, à la sortie de l’Egypte, et sur le chemin de la promesse, ou les quarante jours de la vie de Jésus au désert, soumis aux tentations du malin, au cours d’un cœur à cœur avec son Seigneur, au long d’un temps de purification spirituelle.
Sous le signe de l’Eternel, les quarante jours consacrent la purification de l’âme du fidèle pour requérir une vie meilleure dans le temps de la prière, des œuvres et de quelques privations salutaires.
Le temps du Ressuscité réanime le temps de la foi personnelle par quelques exercices individuels dans le rythme habitué de nos vies et de nos traditions.
Le pape Paul VI, dans le texte de la Constitution « Poenitemini », a précisé dès 1966 les conduites de chacun, stipulant « le jour maigre sans viande et sans alcool le Mercredi des Cendres et le jour du Vendredi Saint », considérant ces jours comme des jours d’obligation pour le fidèle chrétien.
Mais l’histoire de carême des chrétiens est marquée depuis le IVème siècle par la préparation et la participation à la passion du Christ comme rapporté par les us des églises byzantines au cours de deux carêmes de l’année. Le petit carême, qui conduit au temps du carnaval, aussi ancien que l’humanité, commencé par « le lundi pur quarante-huit jours avant Pâques, jusqu’au samedi de Lazare et le Jour des Rameaux ». Nous sommes en Orient et tous les symboles évangéliques contenus dans ce chemin de vie et de foi ont du sens.
Il est un second carême, au temps de Noël qui correspond au temps de l’avènement de Jésus associé au parcours de Moïse dans le désert spirituel de son peuple et le sien, qui rappellent également le désert vécu par Jésus lui-même.
Le Concile de Laodicée fait état de règles disciplinaires imposées aux fidèles pendant le carême, réduites aux nourritures physiques de pain et de fruits consommés pour ce temps du carême, sans viande ni boisson fermentée.
Mais dès le VIIème siècle, les historiens du fait religieux rapportent que l’usage du carême s’est inscrit dans toutes les églises, devenant après le XIIIème siècle une règle acquise et imposée à chacune d’elles.
La privation de gras et de repas quotidien était en usage pendant la quarantaine mais cette discipline stricte perdit au fil du temps de ses exigences...
2 – La pénitence.
Le carême s’accompagnait aussi de conduites de pénitences et de confessions publiques que nous avons totalement abandonnées depuis le Moyen Age car la discipline en la matière engendra quelques conflits majeurs dans les communautés pour ces pratiques proprement dites.
La confession personnelle à un prêtre étant d’origine récente dans l’église, il était d’usage que les sœurs se confessent à leur supérieure comme les religieux à leur propre supérieur, comme les laïcs entre eux, non sans attiser des situations et des conflits inévitables par l’aveu rendu public de fautes commises dans le commerce des relations personnelles.
Il aura fallu établir des règles et des observances spécifiques pour éviter d’accentuer davantage des hostilités entre croyants qui, en l’occurrence, n’avaient que peu de bénéfice pour le temps de la préparation pascale des fidèles. Souvenons-nous encore que les pénitents admis au baptême, soit les adultes pendant la semaine pascale, étaient soumis à des obligations spirituelles et personnelles qui aujourd’hui seraient totalement incomprises, mais ont existé dans la discipline religieuse du temps passé. L’histoire des pénitences vaut à elle seule le mérite d’exposer la portée de cette pratique religieuse et morale difficile, partagée entre le secret des consciences et l’aveu rendu public au sein de la communauté. Cet aveu ne fut jamais bien admis par tous les chrétiens dans toutes les églises.
Au temps de la Réforme le sujet fut brûlant, car pour un réformé, la confession personnelle ne se définissait - comme chez un catholique - par la pratique de l’aveu à un clerc sinon comme un acte de communion spirituelle renouvelé dans la communauté chrétienne.
Le sujet de la pénitence et les pratiques pénitentielles sont dès lors un autre élément important de la préparation pascale. Les recommandations des évêques et des synodes diocésains au cours de l’histoire de l’église, prouvent que la réponse correspondait à chacune d’elles. Elle fut inscrite dans les circonstances particulières de cette histoire religieuse où la pénitence, la confession, l’aveu, le repentir s’exprimèrent diversement et selon des critères différents dans l’Eglise.
Dans le tableau réalisé en 1559 au cours du XVIème siècle par Pieter Brueghel l’Ancien, ce combat spirituel du carême est explicite. Le descriptif de ce recueil d’images peintes parle aux témoins du temps passé de la complexité du sens du carême pour ces croyants.
Carnaval, ou « le lever de la viande grasse » était pour les fidèles le temps de la fin de privation de la quarantaine. Il est devenu pour nous aujourd’hui le jour de la profusion alimentaire non sans doute pour interrompre le carême sinon célébrer un printemps saisonnier du charbonnier ou de traditions locales. Au sortir de l’hiver long et frugal la quarantaine de Pâques était ainsi un temps probatoire rigoureux. On en aurait oublié le sens et la conduite si les historiens du passé ne rapportaient les conditions réelles des populations qui attendaient dans l’impatience les nouveaux jours pour les semailles et le bénéfice des nourritures quotidiennes de leur survie.
Pâques délivrait les esprits et les humains de toutes ces privations admises et pratiquées par les fidèles comme aussi une libération attendue au terme de ces quarante jours !
François-Xavier Esponde