« Il y a un patrimoine cultuel du XIXème siècle qui n’a pas un grand intérêt (…) Il faudra que les citoyens intéressés se prennent par la main et décident de sauver telle ou telle église. (…) Il va falloir que l’État et les collectivités publiques se recentrent sur un patrimoine notoire » : les propos de Roselyne Bachelot, anciennement ministre de la Culture, le 5 janvier dernier dans l'émission « C à vous » sur France 5 ont provoqué de nombreuses réactions ; à commencer par celle du responsable du département Art sacré de la conférence épiscopale, Gautier Mornas, prêtre du diocèse de Périgueux, qui mentionnait, en dehors du patrimoine immobilier, celui du mobilier religieux : « peintures, sculptures, meubles, textiles, orfèvrerie, instruments de musique, numériquement supérieur aux collections complètes du Musée du Louvre qui comptent plus de 480 000 œuvres, musée qui est lui-même le premier au monde ». Soit le « premier musée de France » offrant « l’accès le plus immédiat aux œuvres d’art pour tout Français »...
Parmi les réactions, notons également celle du président LR de la région Auvergne-Rhône Alpes : « Non madame Bachelot, nous ne raserons pas nos églises ! », a répondu Laurent Wauquiez dans un communiqué, appelant à « mobiliser toutes les énergies » pour ne pas « se résigner à déconstruire notre patrimoine ».
Pour sa part, Stéphane Bern avait déjà lancé un cri d'alerte sur les « cinq mille églises en
souffrance » : car, si les dons avaient afflué après l'incendie de Notre-Dame de Paris, cet élan de générosité inédit en faveur d'une icône du patrimoine religieux ne doit pas faire oublier que, dans les petites communes rurales, des maires se débattent seuls, et sans moyens, pour entretenir leurs églises. Il avait alors vivement condamné le projet de démolition de l’église Sainte-Madeleine de la Ferrière-de-Flée (Maine-et-Loire) par la municipalité qui n’aurait plus les moyens de l’entretenir, ainsi que la chapelle Saint Joseph de Lille, détruite par l’université catholique malgré de vives oppositions.
Pour le responsable du célèbre loto du patrimoine, la destruction des églises est un phénomène d’autant plus préoccupant qu’il se généralise depuis quelques années : « Détruire nos églises et le patrimoine français est un acte criminel ! (...) Pourquoi les autorités locales ne les ont pas entretenues pendant toutes ces années ? D’abord, ce phénomène s’est amplifié du fait qu’autrefois, les églises dépendaient directement des communes. Or depuis que beaucoup d’entre elles sont regroupées en communautés de communes, ces dernières se retrouvent à devoir gérer un très grand nombre d’églises, elles n’y arrivent pas, et surtout préfèrent dépenser de l’argent ailleurs, dans des salles de sport, des ronds-points, toutes sortes de nouvelles infrastructures. S’ajoute à cela la forte déchristianisation française, de sorte que les églises ne sont plus un enjeu électoral. Le seul intérêt qu’elles gardent est un intérêt patrimonial, que beaucoup méprisent, malheureusement ».
Partisan de faire pression sur les communautés de communes, « qu’ils puissent nous présenter leur budget, nous expliquer ce qu’ils ont fait de l’argent public toutes ces années », il souhaite des sanctions contre les communes qui n’ont pas entretenu correctement ces églises : « il faudra bien qu’un jour les fossoyeurs du patrimoine rendent des comptes aux Français et à leurs électeurs » !
Le « cabaret sexy et chic » installé dans la chapelle de Laàs
En Béarn, une pétition avait été lancée afin de contrer non pas la destruction de la chapelle romane du XIIème siècle à Laàs, mais bien les travaux aboutissant à sa complète dénaturation.
En effet, malgré le désaccord des habitants du village, le maire avait décidé de transformer ce monument du patrimoine religieux en cabaret, creusant notamment une fosse septique dans le cimetière accolé à la chapelle : « Notre patrimoine est une richesse, nos morts sont à respecter » font valoir les signataires au nombre de plusieurs milliers.
Car, même dans une chapelle « désacralisée », ce genre de manifestation semble hautement incongru et ne peut manquer de choquer croyants et défenseurs du patrimoine.
Or, d’après les informations de la mairie retransmises dernièrement par la presse régionale, la chapelle de Laàs rouvrira le 11 mars prochain en version « cabaret sexy et chic » pour accueillir la troupe « La Fourmi Rouge » de Myriam Delcroix qui proposera une représentation inédite « sexy et chic ».
Une troupe de onze danseuses dirigée par Myriam Delcroix qui note que « ce cabaret s’appellera La Fourmi Rouge, un clin d’œil à l’ancienne rénovation de la chapelle par des jeunes filles des Guides de France qui portaient justement une chemise rouge. C’est notre façon de leur rendre hommage ». Et dans des déclarations au quotidien régional, la directrice du futur « cabaret » de préciser encore : « Nous puisons notre inspiration dans des monuments du genre, comme le Crazy Horse, mais en y ajoutant notre patte. Ainsi, notre représentation est plus moderne, digitalisée. Nous utiliserons notamment des projections d’images sur les corps, mais aussi un système de tulle (rideau transparent) holographique. Sur ce dernier, nous apposerons des projections en 3D, très réalistes ». Trois représentations d’une heure et demie sont prévues, pour l’instant : les vendredis et samedis soir, puis le dimanche midi (à la place de la messe) !
On apprendra encore que le maire, Jacques Pedehontaà, à l’origine du projet, « ne boude pas son plaisir : je suis évidemment ravi de voir ce dossier aboutir concrètement. Les polémiques ? Écoutez, ce projet est tellement bien qu’il fallait des tracas à sa hauteur ! Plaisanterie mise à part, le résultat sera grandiose. Auparavant tout le monde connaissait le Crazy Horse à Paris, désormais, il y aura La Fourmi Rouge à la principauté de Laàs ! »
Evidemment, les habitants du village restent opposés à ce projet, d’autant plus que les travaux engagés par la mairie devraient empiéter sur l’enceinte du cimetière afin d’y installer la fosse septique et les toilettes du futur cabaret : « Les toilettes seront situées à l’intérieur même du cimetière, juste à côté de notre tombe familiale, pointe un agriculteur voisin. Pourquoi ne pas les avoir construites sur un terrain en contrebas, plutôt que de grappiller de l’espace sur le cimetière ? »
Pour sa part, le maire d’Orthez Emmanuel Hanon avait jugé « détestable » la proximité entre « la destination légère du cabaret et le respect du cimetière qui l’entoure. »