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Patrimoine religieux
Jésus enfant, Christ adulte, représentés par les artistes
Jésus enfant, Christ adulte, représentés par les artistes

| François-Xavier Esponde 1441 mots

Jésus enfant, Christ adulte, représentés par les artistes

A - Jésus enfant pour le pinceau de l'artiste

Comment représenter l'enfant Jésus faute d'autres moyens que l'imagination rapprochée au temps et aux ressemblances de l'époque ? Les artistes en ont mesuré la peine avant de le montrer comme un nourrisson dès la fin de l'Antiquité selon les évangiles de Luc et de Matthieu. Les premières Vierges avec l'Enfant sont datées du IVème siècle dans les catacombes de Rome, sous des traits sommaires peu élaborés. Rattaché à sa Mère l'Enfant est représenté dans une pose hiératique et fixe. 

A Byzance en Orient, la manifestation divine ou Epiphanie de Jésus est plus enrichie de la naissance de Jésus au milieu de trois Rois mages ou le bain du nouveau-né ou les bergers. Telles sont les icônes premières de l'événement, mais sur ces images, Jésus est un adulte miniature, vu de front, les yeux grands ouverts, déjà conscient du destin qui l'attend selon Giulia Puma, spécialiste des arts de la Nativité. C'est en Italie, depuis le XIIIème siècle selon le chercheur, que ce cadre évolue lentement sur deux siècles, mais sans retour. On observe en Italie et en Europe dans l'iconographie religieuse, une scission entre la Nativité d'un côté et l'Adoration des mages de l'autre ! (notre photo de couverture : Fra Angelico et Fra Filippo Lippi, L’Adoration des Mages, vers 1440-1460)

Selon l'universitaire, "l'adoration des mages représente un enfant plus mature que son âge, comme dans la tradition byzantine. Il se tient droit sur les genoux de sa mère, et interragit avec les mages. Ceci dégage de l'espace sur le sujet de la naissance d'un nourrisson avec un nouveau né plus proche de ce qu'on partage autour de toute naissance, langé, entouré, assisté par sa mère". Jusque là, Jésus regardait sa Mère et les mages ; désormais il est regardé en premier avec sa Mère. Car si la rupture n'est pas brutale, chacun adopte dans ce plan hybride le sujet  de son intérêt. Cet enfant est exceptionnel et le peintre de ce temps en comprend l'origine et la vocation spirituelle de son art de savoir le faire voir, et partager.

Le regard de l'enfant avec sa mère dit le contenu du message du peintre Giotto à Padoue . "Tout en étant dans un geste de tendresse, le Fils dit à sa Mère qu'Il est né pour se sacrifier", dit Giulia Puma. "La palette des gestes de la Vierge Mère évolue, elle le pose dans la crèche, tire une couverture sur Lui ; chacun de ces gestes est ambivalent, comme un soin ou comme un geste de révélation, de présentation au monde".

On découvre en ce moment la figure absente de Joseph en particulier, sinon dans la peinture flamande et allemande aux XVème et XVIème siècles. Joseph est l'ouvrier utile et pragmatique de la Nativité, mais il est là, présent en second rôle si précieux.

La peinture ne naît pas d'un ex-nihilo spirituel de son temps. Les franciscains de ces siècles du Moyen Âge donneront de l'empathie à Joseph, une proximité émotive avec les acteurs principaux de la Nativité biblique. A la Renaissance, apparaîtront de telles images de dévotion en sus de leur fonction narrative ou formelle. Jésus n'est pas un bébé comme tout bébé du monde, son entourage divin le place dans une mission qui dépasse son aspect physique de nourrisson.

Les marques d'adoration qui se greffent à cette naissance, la Vierge, Joseph, les bergers, les mages, les agneaux, élargissent l'horizon d'une naissance domestique sans doute commune à la gent humaine, mais jamais résumée à sa naissance

B - Christ adulte pour le fusain du peintre

Au Moyen Âge, disent les chroniqueurs, les peintres veulent donner un visage au Christ. Comme images de la Sainte Face, souvent miraculeuses, elles se répandent pour la prière et la contemplation ; c'est cet héritage qualifié de croyance par les uns, de superstition par d'autres, mais si précieux pour le regard de la foi par-delà le récit connu des écritures saintes.

A qui ressemblait Jésus ? Son physique interroge.  Point de détails dans le texte évangélique. Mais une quête inachevée de l'esprit. Une vérité spirituelle au-delà des apparences dans un monde aujourd'hui friand de connaître les profils avant même d'embrasser le sujet.

Les portraits miraculeux dits apocryphes - mais qu'importe les artistes - sont des imaginations débordantes, il faut donc fixer des traits sans certitude sinon le sentiment profond de toucher au caractère sacré de Jésus Christ, vénéré depuis des siècles, s'évapore. On parle d'œuvres faites par des mains non humaines. En Orient, au VIème siècle, la légende de Mandylion raconte que le Christ lui-même de son vivant, aurait déposé un visage, le sien sur un linge, "veronica", vrai visage dès lors, rapporté au roi d'Edesse ou Turquie actuelle, pour le guérir. Et le miracle se fit, la guérison prouva l'origine surnaturelle de l'auteur.

L'origine est orientale, Christ est venu d'Orient, les Saintes Faces sont reproduites comme au XIIIème siècle pour la Sainte Face de Laon. La relique originelle aurait été rapportée par saint Louis et déposée à la Sainte Chapelle avec d'autres reliques de la Passion, et disparue à la Révolution.. 

Mais au VIème siècle, une autre légende ajoute à Rome le récit de Véronique latine : une autre Sainte Face imprimée sur un tissu se démultipliant en copies diverses. Deux plus anciennes existent encore au Vatican et au Latran. Depuis la fin du Moyen Âge, le récit de Véronique s'est imposé avec des traces de sang qui rendent le modèle vrai, vraisemblable, chacun donnant sa version peu scientifique de l'objet, et réservant à la Sainte Face un culte personnel.
Lors du Jubilé de 1300, l'icône de Véronique, de traces de stigmates, fascine. Et dès ce temps, au XIVème siècle, on cherche à authentifier le Visage du Christ par des preuves. Les cultes sommaires ne suffisent plus. Les faux devenant comme plausibles, une fausse lettre d'un dénommé Lentulus, sous la signature d'un préfet romain indélicat, aurait confectionné un récit adressé à l'Empereur d'une copie physique de Jésus ! Un leurre !

C'est le temps des suaires. On cherche des preuves factices et les imposteurs sont à l'œuvre. Le suaire de Turin est admiré, vénéré et objet de dévotion, toujours en Champagne. Les yeux du Christ sont désormais clos comme une copie conforme à la différence des modèles orientaux. La pensée scolastique ajoute la raison à la dévotion, la philosophie à la théologie. Des gestes liturgiques viennent appuyer cette visibilité religieuse, l'hostie est élevée lors de la messe vers les fidèles, comme pour bien montrer la présence réelle du Christ, et parler aux sens comme à l'esprit ou l'âme du croyant.

Le rapport à la sainte face, au suaire, télescope Véronique avec le suaire de Turin, mais rejoint un besoin de voir à l'image l'objet de la foi faisant de ce suaire la première image de Jésus, envoyant aux esquisses les saintes faces nombreuses et Véronique dans un ordre différé de la croyance. Ce saint suaire de Turin pose une interrogation tenue encore comme en attente de réponse.

C - Maité Roche dessine Jésus pour les enfants

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L'enfance de Jésus par Maité Roche ©
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Ecrivain et dessinatrice aux éditions Mame spécialistes de l'enfance, Maité Roche a sur deux générations posé son pinceau sur la figure de Jésus et sa vie familiale. Comment transmettre dès la petite enfance le goût des choses religieuses ? Sur cet enfant qui parle aux enfants le langage de l'amour. Mère d'un premier enfant, elle se demanda comment apprendre à son propre fils à connaître les écritures sacrées, aider la prière des parents avec leurs enfants, faire entrer Dieu dans la famille. "Le Jésus que je dessine doit être accueillant, et compatissant, aller à l'essentiel, être ce modèle par l'image. Mon modèle ne sera jamais à la hauteur du Christ mais je dois donner quelque chose en accord avec l'évangile et l'Eglise" dit Maité Roche.

Quand on dessine, on est concentré, c'est comme une prière silencieuse. C'est une espèce de méditation, une présence pleine de lumière, d'amour qui m'a beaucoup portée. Tout petit qui a une grande intelligence de la foi peut commencer à développer une intimité avec Dieu. Je ne cherche à me mettre dans mon œuvre, mais à faire résonner la parole de Dieu, comme un artisan, au service de la transmission avec fidélité et humilité. Un défi que celui de s'adapter à un Jésus qui ne soit ni social, ni universel, ou exclusif mais qui parle à tous les enfants. Comme tel, le labeur d'un creuset où se rejoignent la pédagogie, la psychologie, la peinture, le trésor de Dieu des écritures, pour créer des ponts !

Quelle créativité toujours en cours de la part de cet auteur inspiré de ce thème depuis plus de deux générations que Jésus parle.

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