Anachorètes, cénobites, ermites à la vie insolite, troublent notre raison occidentale.
Que ces hommes sont suspects aux yeux des plus réservés envers le mysticisme et ce qui leur paraît comme l’« étrangeté » !
Jean Climaque, auteur mystique du début du VIème siècle, composa son œuvre majeure, “L’échelle Sainte” traduite encore comme “L’échelle du paradis” pour ses moines à la demande de l’ abbé d’un monastère des bords de la Mer Rouge. Il s’agissait d’établir en trente chapitres les années de la vie du Christ sur cette terre et les degrés d’élévation spirituelle de jésus comme un modèle pour ces ermites du désert.
On comprend pourquoi les héritiers de Jean Climaque en Orient et en Occident adoptèrent cette lecture mystique de la vie du Maître à leur propre usage. On y découvre l’échelle des vertus à acquérir tout au long d’une vie, somme toute faite d’exigences morales et d’abnégations. Un ouvrage de référence majeure du monachisme byzantin, des plus anciens pour nous.
Un des premiers manuscrits de cet auteur se trouverait en France à la Bibliothèque Nationale.
Un ouvrage imposant par le nombre des mortifications et des privations demandées « pour monter sur l’échelle du ciel vers l’aboutissement absolu de l’intériorité de la part de ces moines détachés des servitudes humaines ».
Il faut comprendre que pour les uns surtout en Occident une telle ambition est inaccessible, surhumaine ou impossible, pour d’autres qui s’en inspirent encore, les paliers de l’échelle du ciel sont des objectifs spirituels qui ancrent la volonté humaine dans un acte d’obéissance à la vertu surnaturelle inscrite en Dieu.
Jean désigne cette adhésion de l’esprit comme « accès au tombeau de la volonté et la résurrection de l’humilité » fixées à cet horizon souverain et absolu de la vie monastique.
Il vaudra donc mieux au moine de mourir que de désobéir. Pour Jean Climaque, ermite du Mont Sinaï, devenu à 60 ans l’higoumène du prestigieux monastère Sainte Catherine en haute Egypte, le choix de vie se conformera à ses vertus. La référence du monastère de ce haut Moyen Age, admiré et contemplé fut comme la perfection acquise de l’âme humaine engagée comme ermite au désert !
Son ami Jean de Raithou lui avait fait commande « d’exposer par écrit avec méthode et diligence tout ce qui était nécessaire à l’état monastique, et pour les quelques élus du nombre, de connaître sous la forme d’une échelle céleste ce qui permettrait l’ascension sans péril de ceux qui l’auraient choisie »...
Pour Jean Climaque, ce passage de la Mer Rouge, d’Egypte en Terre Promise dans le temps empressé de la rencontre de l’Eternel, fut le chemin de sa vie. Trente années d’un combat spirituel qui le séparèrent de sa vie de créature de son Créateur. Par ses mains et ses pieds conjugués et unis à l’ascension, il dut se livrer au combat spirituel, au milieu des passions qui fixent comme sur un socle l’âme aux contingences de la terre, pour « le retenir à ses attaches ».
Mystique rigoureux, Jean Climaque vécut quarante années dans une étroite grotte de granit rouge.
Son regard intérieur lui permit d’observer les profondeurs de l’âme humaine et dut affronter les combats inlassables menés pour résister aux forces négatives du mauvais esprit.
La lecture orientale de ce texte inspire. Il agace et contrarie cependant notre mode d’être et nos habitudes. Les moines et moniales en temps de carême s’en inspirent toujours. Il n’est pour quiconque d’assise complaisante et satisfaisante de toute vie spirituelle, sinon la recherche ininterrompue de dépassement pour un plus être.
Conférences, retraites silencieuses, lectures spirituelles permettent à tout un chacun de parfaire cette attente. Le témoignage des élus et des mystiques interrogent. Ils dérangent, ils agacent parfois, mais le bénéfice de leur vie est l’exemple d’un choix libre et personnel qui traverse le cours de l’histoire religieuse.
Jean Climaque propose sa méthode. Sa pédagogie de la foi est à l’épreuve de chaque vie. Un bâton de marche, une ascension de l’esprit, une vision intérieure de l’au-delà, qu’importe pour chacun d’emprunter ce qui semble conforme à son état présent et à ses propres aptitudes !
François-Xavier Esponde
Photo : Saint Jean Climaque