Pour sa première exposition de la saison, le Centre départemental d’éducation au patrimoine a choisi d’accueillir dans ses murs l’exposition historique « 1620. Loraldia : la Renaissance navarraise ».
Après la conférence de l’historien Beñi Aguirre en avril mettant en lumière les grands moments vécus par le Royaume de Navarre au XVIème siècle, c’est au tour du professeur Philippe Chareyre de revenir sur l’action des princesses dans la Renaissance navarraise ce vendredi 10 juin à 19h. Professeur d’histoire moderne à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, Philippe Chareyre est l’un des spécialistes de cette histoire navarraise et en novembre dernier, il fut commissaire de l’exposition « L’art de régner, les souverains de Navarre à la Renaissance » présentée au Château de Pau. Il reviendra à Ospitalea sur l’action fondamentale des reines de Navarre qui, au XVIème siècle, ont participé activement à l’essor culturel et religieux du petit royaume pyrénéen. Catherine de Foix, Marguerite d’Angoulême et Jeanne d’Albret ont été à tour de rôle à la tête de cours flamboyantes dont la renommée s’étendait dans toute l’Europe.
La conférence sera en français. Le nombre de participants est limité ; pour l’inscription, contacter l’accueil d’Ospitalea au tél. 05 59 37 97 20 ou par mail à ospitalea@le64.fr.
La « Marguerite des Marguerites »
Parmi ces princesses de la Renaissance, j’avais eu récemment l’occasion (lors de ma conférence au Festival d’Arnaga) d’évoquer Marguerite de Navarre (1492-1549), la sœur de François Ier qui la chérissait en l’appelant « la Marguerite des Marguerites »?
Elle aimait venir aux Eaux-Bonnes – déjà fréquentées par Gaston Febus qui chassait dans ses environs - pour rompre avec l'étiquette.
Aigue boune – Les Eaux-Bonnes est située à l'entrée d'une gorge étroite et face à la Montagne Verte où se trouve le village d'Aas, connu comme le « village des siffleurs » car ses habitants, pour la plupart bergers, communiquaient entre eux sur de longues distances grâce à un langage sifflé.
C’est à la suite de son mariage en 1527 avec Henry d'Albret, deuxième du nom, fils de Jean, roi de Navarre et de Catherine de Foix, qu’elle partit rejoindre ses nouvelles terres...
Marguerite de Navarre avait-elle emporté vers son premier séjour dans la rude capitale béarnaise les chroniques dont Froissard avait enluminé la cour de Gaston Febus ?
À ce qu'il paraît, l'austérité de la bibliothèque qui l'y attendait était à l'image de la résidence de son nouvel époux, à peine un village de trois ou quatre rues avec une église, que dominait la masse gigantesque du château dressé sur son promontoire caparaçonné de pierre : la vision n'avait certes rien d'attrayant aux yeux de la délicate sœur de François Ier, accoutumée aux raffinements de l'architecture et de l'esprit de la Renaissance sur les bords de Loire...
Mais pendant que son époux Henry d'Albret, roi dépossédé de la Navarre d’outre-Pyrénées annexée par Ferdinand d’Aragon, mais resté seigneur souverain de Béarn et de la Basse-Navarre rêvait de reconquérir ses terres perdues d'Outre-mont avec l'aide hypothétique de son beau-frère François Ier, Marguerite se laissa gagner par la beauté des lieux...
Femme parmi les plus instruites de son temps, Marguerite de Navarre avait fait de la cour de Navarre – ou de ce qu’il en restait après les annexions de Ferdinand d’Aragon) et de sa capitale, Pau, un foyer de l’humanisme de la Renaissance en y faisant venir les « gentilshommes les mieux faits et les mieux enlangagiés », savants, poètes, peintres et musiciens, toute une brillante élite d’artistes et de littérateurs que Marguerite nourrissait et protégeait d’une main royale, parmi lesquels son valet Clément Marot.
Et, tout en ornant de jardins le château de Pau, ou pendant ses séjours aux Eaux Bonnes, elle se plut, avec ses compagnons, "d'aller tous les jours, depuis midi jusques à quatre heures, dedans ce beau pré, le long de la rivière du Gave, où les arbres sont si feuillus que le soleil ne saurait percer l'ombre ni échauffer la fraîcheur ; là, assis à nos aises, dira chacun quelque histoire qu'il aura vue ou bien ouï dire à quelque homme digne de foi. Au bout de dix jours auront parachevé la centaine."
A l'heure où s'ébauchait ainsi l'Heptaméron, son célèbre ouvrage dans la droite lignée de Boccace, Bernat d'Etchepare, vicaire bas-navarrais de l'évêque de Bayonne et qui fut un temps emprisonné à Pau par le beau-père de Marguerite, obtenait du Parlement de Bordeaux le privilège d'éditer son « Linguæ Vasconum Primitiæ », premier livre imprimé en langue basque (1545).
Plus tard, la fille de Marguerite, Jeanne d'Albret, tout à ses ambitions politiques et à son prosélytisme protestant, fit traduire à Jean de Liçarrague, dans "cette langue - le basque - dont on ne croyait pas auparavant qu'elle pût être écrite, et imprimer à La Rochelle en caractères très élégants le nouveau Testament du Christ, le catéchisme et les prières usitées dans l'église de Genève".
Tels furent les débuts d'une longue et fructueuse activité littéraire en Béarn et au Pays Basque, dont l'empreinte inspira tant de grands écrivains.
A noter encore que le musée Jeanne-d’Albret à Orthez commémore actuellement les 450 ans du décès de la reine Jeanne d’Albret qui s’éteignit à Paris le 9 juin 1572, juste avant le mariage de son fils Henri, héritier de Navarre et Béarn avec la princesse de France Marguerite de Valois. Les responsables du musée et la présidente, Élisabeth Rodes, avaient présenté la nouvelle acquisition du musée : une lettre autographe de la reine de Navarre...