Beñat Erviti. Un des plus fidèles et talentueux collaborateurs de Radio-Adour-Navarre, première station régionale de radiodiffusion que j’avais créée en juillet 1978, vient de s’éteindre à Biarritz à l’âge de 84 ans. Combien de souvenirs avec ses retransmissions de parties de pelote en français et en basque, dont celles du championnat mondial de Mexico en 1982, lorsque Beñat avait réussi à utiliser – on ne sait comment, mais il a toujours réalisé des exploits, au propre comme au figuré – des installations militaires mexicaines chaque jour à 7 heures du matin, alors que je les enregistrais dans mon appartement bayonnais au milieu de la nuit (avec le décalage horaire) pour pouvoir les retransmettre dès le début de nos programmes, à partir de 6 heures du matin ! Je me rappelle que dans certains quartiers garaztar ou baigorriar où la portée de notre émetteur de Mouguerre était « vacillante » à cause du relief montagneux, certains auditeurs montaient dans leur grenier afin de pouvoir les entendre !
Pierre Sein, mon collègue (« et néanmoins ami », comme avait coutume de dire Paul Bayle, un de ses prédécesseurs à « Sud Ouest » Bayonne), en guise de préface au livre que Beñat avait consacré chez Atlantica au « joueur de légende Jean-Baptiste Harambillet », avait écrit fort justement : « Beñat, c’est un donneur… Pas un donneur de leçons, un donneur de soi. Il a dans la vie cette générosité dont il faisait montre sur les terrains de rugby et les canchas. Le même engagement aussi, et quelque part une pieuse fierté, si chevillée au corps qu’elle lui a permis de surmonter les aléas de la vie. C’est un fidèle aussi. (...) Comme Harambillet, il a le coup d’œil juste, et le goût de l’audace. Son parcours professionnel en témoigne ».
De fait, le jeune basque âgé de dix ans assistait déjà aux parties du trinquet Saint-Martin à Biarritz en compagnie de son père Mathias Erviti, grand parieur devant l’Eternel, qui organisait également des tournois « à l’occasion des fêtes de Souraide où Harambillet et Laduche venaient jouer devant des foules énormes », et c’est là que Beñat avait conçu de l’admiration pour ces champions de pelote !
Notre jeune basque était né le 15 décembre 1935 et son certificat d’études obtenu, il avait intégré le centre d’apprentissage Guynemer à Oloron, puis l’Ecole supérieure EDF de Gurcy le Châtel près de Paris où il décrocha un CAP d’électricité (avec des initiations au tournage, fraisage, etc.). Remarqué par le bayonnais André Gouttenègre, devenue une figure emblématique du rugby roannais dans les années 50, il y jouera avant de jouer à l’Aviron Bayonnais au moment d’accomplir son service militaire dans la capitale du Pays Basque. Mais, blessé gravement à la jambe en marquant un essai et opéré par un spécialiste à Lyon (nerf sciatique sectionné), il abandonne le rugby et se consacre à la pelote à main nue en trinquet (il sera champion en 2ème catégorie).
Engagé à l’usine Bréguet d’Anglet, il sera vite remarqué par la direction, tant du point de vue professionnel que social, puisqu’il fondera la section CFTC (plus tard devenue la CFDT) pour faire pièce à une CGT accoutumée à la « gréviculture »… Beñat Erviti traversera encore tous les épisodes des fusions et rachats de Bréguet – Floirat, Dassault, etc. – devenant secrétaire du Comité central d'entreprise de Dassault Aviation, sauvant sans doute de la fermeture l’usine d’Anglet (en obtenant un rendez-vous avec Mitterrand à Latché) et créant avec les ressources du Comité d'entreprise le centre sportif Haitz-Pean partagé avec ses collègues de Turbomeca, EDF, etc., avant qu’il ne soit cédé à la ville d’Anglet après son départ pour la retraite. Combien de fois, au début des années 80, le batzoki que j’avais organisé pour les collaborateurs de ma radio sur le quai des Corsaires, n’avait-il pas accueilli pour déjeuner Beñat et ses amis du Comité d’entreprise de Dassault ?
Une retraite néanmoins très active, puisque c’est en août 1995, au cours d’une réunion préparatoire (avec Antenne 2) au championnat du monde de Durango qu’il souffrit hélas une rupture d’anévrisme… Et malgré cela, une énergie et des ressources à en revendre ! A sa veuve Monique, à sa sœur et à son frère François, je présente mes condoléances attristées. R.I.P. - Goian bego, adixkide maitea !