Baskulture : Devenue partie intégrante des fêtes patronales de la Bixintxo à Hendaye, la tamborrada s’affiche depuis quelques jours sur les vitrines des magasins. Une relative nouveauté dans une programmation de fêtes que l’on croyait immuable ?
Txema Egiguren : Pas vraiment une nouveauté puisque déjà se sont déroulées onze éditions d’Hendaiako danborrada. Première édition en 2008, donc cette année c’est la 12e tamborrada hendayaise à l’occasion de la Bixntxo.
Baskulture : Revenons au tout début. Suite à un projet ?
T.E : C’est une idée qui nous est venu après avoir fait une espèce de grande répétition en 2007 entre quelques associations : Baleak, Akelarre, Zarpaï et Mutxiko. Nous voulions avoir une idée, pour voir si c’était réalisable, si cela pouvait « prendre ». A l’époque nous organisions avec Baleak des repas populaires, que nous appelions « Bixintxots ». Au dessert nous distribuions des baguettes et on voyait que l’enthousiasme y était. On a voulu donner une forme à tout ça et durant l’année 2007 on a beaucoup travaillé pour expliquer ce que l’on voulait faire, pour assurer la participation de tout un chacun(e). Avec comme idée la possibilité pour tout Hendayais(e) qui voulait participer de se rapprocher d’une association de quartier. D’où la création dès le départ des tamborradas dans les quartiers de la ville afin que tout le monde puisse participer, homme, femme, enfant, jeune, adulte, senior : ouverture à tous, même aux non « musiciens », Hendayais ou pas, du moment qu’était rejointe une association.
Baskulture : Vu de l’extérieur cela peut sembler une copie de ce qui existe depuis des lustres, notamment à Donostia, ou tout au moins une référence ?
T.E : Notre souhait était la création dans les fêtes d’une « colonne vertébrale », qui n’existait pas. Mais pas un copié-collé de quelque chose qui se faisait chez nos voisins ! On a pioché à gauche et à droite, on s’est inspiré bien sûr de la tamborrada de Donostia. L’Union artesana nous a aidé et même décerné en 2008 un prix pour notre tamborrada. On s’est aussi inspiré de celle d’Azpeitia : les fanions au balcon de la mairie, c’est comme à Azpeitia. Nous avons utilisé les musiques de Sariegi, mais de moins en moins grâce à la création de musiques propres à Hendaye avec les compositions de René Zugarramurdi et Alain Langon. Les trois-quarts des musiques sont hendayaises maintenant. Nos tenues ne sont pas martiales ou militaires, elles ont beaucoup plus à voir avec l’histoire des quartiers d’Hendaye, marins, chasseurs de baleines, contrebandiers, agriculteurs, pirates, bergers, danseurs, cuistots… Notre tamborrada n’est donc pas un copié-collé. Dans mon association nous sommes des cuisiniers ! Nous avons un peu pioché ici et là mais la pomme de terre si on va par là ne nous appartient pas non plus !
Baskulture : Pour les créations musicales il avait été lancé un concours.
T.E : Un appel à création avait été lancé à l’époque par l’ancien Comité des fêtes. Deux pièces ont été retenues à cette occasion, puis d’autres d’année en année. « Hendaia » qui nous avait été proposé par Alain Langon est maintenant très connue. Nos pièces sont jouées sans renier les autres bien sûr.
Baskulture : La matière première d’une tamborrada, c’est le tambour. Donc pas d’autres instruments ?
T.E : Outre les tambours il y a depuis des barils, à l’initiative de la Zarpaï, une référence musicale reconnue. La Zarpaï a sa propre tamborrada tambours-barils qui joue plusieurs fois par an. Nous souhaitions faire une tamborrada accessible pour tout le monde, à l’occasion de la Bixintxo.
Baskulture : Pour participer, la condition première est le sens du rythme, ne pas frapper à contre-temps ? Pas de paroles chantées en mesure ?
T.E : Nous ne chantons pas ! Nous, nous jouons du tambour ! Mais on est au Pays Basque et si quelqu’un veut chanter en jouant, libre à lui (avec modération, si cela l’aide pour le rythme). On encourage la pratique du chant, mais une tamborrada c’est frapper en mesure sur son instrument ! Les gens sont vite portés par le rythme, même sans notion ou pratique musicale. Tout un chacun peut venir assister à une répétition et voir si ça plait. Tous les actuels participants ont commencé comme ça : « pour voir » et reviennent chaque année. C’est avec le temps et les années que les gens s’améliorent. Au fil des ans cela se voit (et entend).
Baskulture : Si j’ai bien compris, les morceaux créés par les compositeurs hendayais Zugarramurdi et Langon peuvent avoir en plus des paroles, mais dans le cadre de la tamborrada, c’est exclusivement la musique qui prime.
T.E : Des arrangements pour la tamborrada ont été réalisés par Jon Etxeverria, le Tambour major, mais cela musicalement parlant. Il ne suffit pas de composer une musique - tu le sais étant musicien toi-même - il y a toujours des arrangements à faire pour améliorer afin que ce la colle avec ce que l’on souhaite faire, à savoir une musique de tamborrada.
Baskulture : 12e tamborrada hendayaise cette année. Après les répétitions de préparation en amont dans les quartiers, quels sont les temps fort pour Hendaiako danborrada cette année ?
T.E : Tout est public et tout est ouvert à tout le monde. Ce que l’on fait pour qu’il y ait un réel engouement pour que chacun puisse apprendre, répéter avec le Tambour major, débute trois semaines avant le jour J, ce samedi 26 janvier. Répétitions dans les quartiers avec les différentes associations participantes, puis – c’était vendredi dernier à l’occasion du lancement officiel des fêtes depuis le balcon de la mairie en présence du maire Kotte Ecenarro (qui nous a beaucoup aidé durant sa première mandature et actuellement), de Pellot et de sa neskatxa – répétition générale après remise des fanions à chaque association. Le grand jour d’Hendaiako danborrada est toujours le samedi du deuxième week-end des fêtes la Bixintxo, afin de ne pas risquer de tomber le 20 janvier, jour de la Saint-Sébastien et des tamborradas de Donostia et Azpeitia.
Il est prévu une visite à l’EHPAD à 11h30. Les dix tamborradas se réuniront à 12h30 pour une animation commune devant la mairie et se rendront ensuite – c’est nouveau cette année - pour des animations ponctuelles dans différents quartiers d’Hendaye, Plage, Orio, Gare, Joncaux, Bas-Quartier. Elles se retrouveront à Caneta à 15h30 pour remonter la rue du Port et animer le centre-ville du Bas-Quartier jusqu’aux Allées à partir, disons, de 16h15. Dernier défilé par la rue du Port et rassemblement devant la mairie à 18h30 pour les dernières interprétations aux ordres de Jon Etxeverria et restitution des fanions. Tout le monde, musiciens et public, pourra ensuite participer au repas animé sous le chapiteau chauffé installé entre l’église Saint-Vincent et la mairie.
Baskulture : Combien de participants sont attendus ?
T.E : Un peu plus de 500 sont attendus. La météo joue un rôle dans le déroulement. Si le Pays Basque est vert, c’est que la pluie, le vent peuvent s’inviter et il est moins agréable de sortir lorsque les conditions sont mauvaises… Alors le dernier défilé partira de l’esplanade de Caneta (où il fait en général plutôt froid) ou de la rue du Port au niveau du boulevard du Général de Gaulle. Pour les organisateurs il est important que la population s’approprie pleinement la tamborrada, comme acteurs ou spectateurs. Si on veut une ville vivante, il faut faire sortir les gens de chez eux !
Baskulture : Hendaiako danborrada a été créée pour l’animation des fêtes patronales, qui se déroulent au mois de janvier. Est-elle susceptible de « ressortir » à d’autres occasions au cours de l’année ?
T.E : Hendaiako danborrada, c’est non par principe. Elle se veut la tamborrada par et pour les Hendayais(e)s. La Bixintxo rassemble principalement les habitants d’Hendaye, d’autant plus que d’autres communes fêtent également Saint-Vincent au même moment. Durant l’été, je vois où tu veux en venir, il y a beaucoup d’autres manifestations et animations qui attirent énormément de personnes venues de l’extérieur. Que des gens souhaitent former une tamborrada de façon ponctuelle pour une animation, pourquoi pas, mais la magie c’est de retenir et maintenir la date autour de la Bixintxo pour LA tamborrada d’Hendaye. La tamborrada de la Zarpaï banda participe à l’Euskal Besta/Fête Basque, mais c’est d’une façon différente. Si tout le monde ressortait tambours et barils lors de la Fête Basque, ce ne serait plus la Fête Basque que nous connaissons depuis des décennies.
Petit scoop, Hendaiako danborrada a fait un appel aux élus municipaux afin qu’ils se joignent à nous. Certains participent déjà à titre individuel. Nous souhaitons que les élus soient présents et fassent une haie d’honneur tout comme les Hendayais(e)s lors de l’arrivée du défilé en mairie. Tout comme nous souhaitons la participation populaire massive, il est bien (?) que soient également présents les élus ! Ikusiko ! Les commerçants ont également été sollicités afin que les vitrines soient décorées aux couleurs de la fête. La fête doit être le prolongement de ce que l’on est au quotidien. Ce qui était impossible, un petit groupe qui a grandi l’a rendu possible, même si c’est l’hiver ! Comme d’autres fêtes populaires à venir, également en hiver : le carnaval pour ne citer que lui. Tout le monde ne sait pas (ou ne veut pas) jouer du tambour : participer c’est également sortir de chez soi et se joindre aux autres, tout simplement. Ce chauvinisme (sain) hendayais doit participer au vivre ensemble, surtout dans l’époque morose que nous vivons.
Baskulture : Il est souhaitable que l’on ne puisse plus concevoir de Bixintxo sans tamborrada !
T.E : Je vois mon fils et ses copains. Au tout début ils étaient des gamins. Dix ans après ils se sont appropriés la tamborrada comme temps fort de la Bixintxo. Ils appartiennent à la génération tamborrada et c’est magnifique ! Une création, un fil conducteur qui peut être retouché pour l’améliorer. La tamborrada d’Hendaye est devenue une référence en Iparralde parce qu’elle appartient à tout le monde et c’est tant mieux.
Baskulture : Trouver autant de tambours n’a pas été sans problème ?
T.E : Lors du premier essai en 2007 à la fin d’un repas (avec seulement des baguettes !) tout le monde me traitait de fou ! Il sera impossible de trouver autant de tambours (entre autres gentillesses). En s’y prenant à l’avance on peut trouver des solutions, et on les a trouvées. Beaucoup de choses sont possibles et ne se font pas par manque d’envie. Enthousiasme et passion, voilà les clefs. Il faut y mettre du cœur. Si la tamborrada s’est pérennisée, c’est que tout le monde y a cru, a mis du cœur, de l’enthousiasme et de la passion. Un problème ? Une solution, en oubliant les « si ceci, si cela ». Avec le conditionnel on ne fait jamais rien. On a travaillé dans ce sens et on continue dans ce sens-là.
Baskulture : Combien de « fous » comptait-on au départ ?
T.E : Un seul, j’étais tout seul. Puis ayant rencontré Jon Etxeverria, si j’étais capable de trouver les tambours, il était partant. Au mois d’août 2007 tout était à peu près ficelé pour une première en 2008. Je ne voudrais pas oublier Kotte Ecenarro, qui lors de sa première mandature m’avait soutenu dans mon idée et dit que la municipalité soutiendrait le projet. Il était juste de le rappeler. Et donc le fou n’était plus tout seul… D’autres se sont joints à l’aventure, on a fait du phoning pour expliquer. On a insisté, on a rencontré des gens et voilà ! Jon Etxeverria m’a rejoint et la tamborrada, on l’a montée ensemble avec la collaboration de la régie des fêtes. Plus de 80% des participants n’avaient jamais touché un instrument auparavant. Le tambour est quelque chose de récurent, un instrument que l’on retrouve sur tous les continents du monde pour faire la fête. Pour faire la guerre aussi… Amériques, Afrique, Océanie, Europe. La percussion est partout présente, sous forme de tambour ou autre. C’est participatif. C’est avec cette philosophie là qu’on a lancé Hendaiako danborrada.
Baskulture : Avec tambours mais sans trompettes, rendez-vous est donné ce samedi 26 janvier !