Il faisait beau cet été-là en Angleterre, heureusement pour les 4.000 enfants basques qui se trouvaient à la fin du mois de mai 1937 sous des tentes dans un camp improvisé près de Southampton en Angleterre, loin de leurs familles.
Accompagnés de deux médecins, de quatre infirmières, de 15 curés et de plus de 200 instituteurs et assistants, ces jeunes réfugiés avaient quitté leurs parents pour s’embarquer au bord du navire « Habana » à Santurtzi, près de Bilbao, fuyant les horreurs de la Guerre Civile. En tout, environ 33.000 autres enfants avaient quitté l’Espagne pendant la Guerre Civile pour se réfugier, dans certains cas, dans des pays aussi lointains que la Russie et le Mexique.
Pour ceux qui partaient vers l’Angleterre, la traversée de deux jours était rude. Le bateau n’était aménagé que pour 800 passagers. Le temps était orageux, et les menaces d’une attaque par des forces allemandes étaient toujours présentes. Une fois arrivés à Southampton, les enfants furent accueillis par des volontaires qui leur parlaient, amicalement certes, mais dans une langue qu’ils ne comprenaient pas. S’ensuivirent des jours, des semaines et des mois d’incertitudes et de pérégrinations.
Après trois mois sous la tente, les enfants furent dispersés dans différentes parties du Royaume-Uni. Certains trouvaient une nouvelle vie dans des foyers. D’autres étaient accueillis par des familles. Frères et sœurs étaient parfois séparés, la nourriture n’était guère appétissante, et ceux qui allaient à l’école avaient du mal à suivre les cours. Les nouvelles venant d’Espagne étaient souvent tragiques.
Cependant, pour beaucoup de ces enfants, cette aventure fut une des plus belles de leur vie. Néanmoins, leur histoire reste méconnue pour beaucoup de gens.
A la fin de la guerre civile, la plupart de ces enfants sont repartis en Espagne. Mais quelques centaines sont restées au Royaume-Uni. En 2009, une association s’est formée pour préserver la mémoire de leur séjour dans ce pays. C’est dans les archives de cette association que Maite Pinto, jeune artiste de Bilbao, a découvert, lors d’un séjour à Manchester où elle a fait un Master à la Manchester School of Art, les photos dont elle s’est inspirée pour sa présentation au concours pour le Prix Itzal aktiboa - Jeune Création Art Contemporain 2018.
En retravaillant ces photos sous la forme de gravures à l’aquatinte, dont une sélection est visible en ce moment dans l’exposition GazteArtea Garazin à Saint Jean Pied de Port, Maite Pinto nous lance une invitation à réfléchir sur la situation actuelle des réfugiés de par le monde. « J’essaie de raconter cette histoire et de la réinterpréter, en partageant ces souvenirs et en les reliant au contexte actuel dans lequel les mêmes histoires se répètent à travers l’émigration et la fuite des réfugiés ».
L’exposition GazteArtea Garazin, à la Prison des Evêques (41, rue de la Citadelle à Saint-Jean-Pied-de-Port) montre les œuvres de 10 des 34 jeunes artistes vivant et travaillant en Pays Basque qui ont participé au concours pour le Prix Itzal Aktiboa.
Parmi eux, Maria Jiménez Moreno montre une énorme toile d’araignée faite au crochet, intitulée « Época de cría » (saison d’élevage), qui est un manifeste de la maternité, tandis que Taxio Ardanaz expose une série de 23 peintures sur papier, intitulée « Metralla » (éclats d’obus), inspirées par le matériel graphique des mouvements sociaux au Pays Basque au cours des années 1970 et 1980. Pendant la durée de l’exposition, l’accès aussi bien à l’exposition qu’au musée historique est gratuit.
Mais c’est le projet de Maite Pinto, intitulé « The Kindness of Strangers », qui a été choisi par le jury pour recevoir le prix de 2.000 euros. Elle a fait un travail de recherche très émouvant et en lien avec l’actualité, selon Pantxoa Etchegoin, directeur de l’Institut culturel basque et l’un des membres du jury. « Elle a vraiment associé le discours et la technique dans un travail de très grande finesse ».
Œuvres de Taxio Ardanaz, Miriam Isasi, María Jiménez Moreno, Thomas Loyatho, Luis Olaso, Blanca Ortiga, Maite Pinto, Natacha Sansoz, Léa Vessot et Eluska Zabalo. Exposition ouverte tous les jours sauf le mardi, jusau’au 1er novembre, de 11h à 12h30 et de 14h30 à 18h30. Entrée gratuite.
Maite Pinto parle de son projet (en espagnol) : https://youtu.be/GQvpOKXvqW8
Pantxoa Etchegoin, directeur de l’Institut Culturel Basque, explique les raisons de ce choix : https://youtu.be/Qk1YiBVqekQ
Nicholas Bray