On connaît surtout Barney WILEN pour sa participation à la bande originale du film de Louis MALLE, « Ascenseur pour l’Echafaud » dirigée par Miles DAVIS, un chef d’œuvre de la musique de film, il avait à peine vingt ans et s’affirmait déjà comme un des meilleurs saxophonistes de sa génération.
Né à Nice en 1937 d’un père américain et d’une mère française, Barney WILEN a déjà une longue et éclectique carrière derrière lui quand il enregistre au Gimmick Studio de Yerres (Essone) l’album « French Ballads » en 1987, produit par le très expérimenté Philippe VINCENT pour son label IDA RECORDS, lequel enregistra notamment Laurent de WILDE, Louis SCLAVIS, Enrico PIERANUNZI et bien d’autres, et qui considère ce disque comme l’une de ses plus belles pépites.
Cette même année une bande dessinée inspirée par la vie du saxophoniste intitulée « La Note Bleue » de LOUSTAL et PARINGAUX, suivi par l’enregistrement d’un disque du même nom avec Alain JEAN MARIE au piano, Philippe PETIT à la guitare, Ricardo DEL FRA, à la contrebasse, et Sangoma EVERETT à la batterie, inspiré par cette publication, rencontre un franc succès et permet de relancer la carrière de Barney après une relative inactivité de 15 ans.
« French Ballads » qui fut gravé en juin 1987 quelques mois après « La Note Bleue » connut un succès équivalent, et vient d’être réédité et remastérisé pour le label Elemental, basé à Barcelone, fondé par Jordi SOLEY, qui se spécialise dans la publication d’archives sonores ou de disques introuvables.
Pour cette session, Alain JEAN MARIE, indisponible, est remplacé par Michel GRAILLIER, le contrebassiste et le batteur sont les mêmes que pour « La Note Bleue ».
L’idée originale de faire un disque avec uniquement des chansons françaises - des ballades que l’on peut considérer comme nos « standards » - vient sans doute de Barney WILEN lui-même comme l’explique Philippe VINCENT dans le copieux et instructif livret qui accompagne le disque.
Treize ballades françaises vont donc être choisies : « L’Ame des Poètes » de Charles TRENET, quatre thèmes de Michel LEGRAND : « What are you Doing the Rest of your Life », « Un Eté 42 », « Once Upon a Time », « Les Moulins de mon Cœur », « Sous le Ciel de Paris » de Hubert GIRAUD, « Syracuse » de Bernard DIMEY et Henri SALVADOR, « My Way » de Jacques REVAUX, « Les Feuilles Mortes » de Jacques PREVERT et Joseph KOSMA, « Seule ce Soir » de Jean CASANOVA », Manoir de mes Rêves » et « Tears » de Django REINHARDT, « La Vie en Rose » d’Edith PIAF.
Le disque entièrement remastérisé par Hervé LE GUIL et Daniel CAYOTTE, augmenté de quatre prises inédites, est vraiment une totale réussite, il parvient grâce à une approche très simple, très stylisée, très directe, à un excellent équilibre entre la chanson française dont les mélodies nous sont familières et le rythme souple et sensuel du Jazz.
Le son enveloppant du saxophone ténor (et du soprano sur « Un Eté 42 »), caressant et voilé avec un léger vibrato, tout en douceur, en suavité, son phrasé proche de la voix humaine, convient parfaitement aux tempi lents des ballades françaises immédiatement reconnaissables mais toujours finement adaptées et à peine modifiées avec goût par de subtiles variations sur lesquels les musiciens peuvent donner cours à de belles séquences improvisées.
Barney WILEN est remarquablement secondé par d’excellents accompagnateurs totalement à l’écoute. Michel GRAILLIER, qui a notamment travaillé et enregistré avec le trompettiste et chanteur Chet BAKER est un pianiste délicat et lyrique, d’une grande sensibilité toujours à fleur de peau. La base rythmique et harmonique est assurée par le contrebassiste italien Ricardo DEL FRA, lui aussi ancien accompagnateur de Chet BAKER, et le batteur américain Sangoma EVERETT qui intervient souvent aux balais, tous deux remarquables dans leur rôle de soutien d’une parfaite efficacité, bien présents mais toujours dans une grande sobriété.
Sur certains morceaux, « Les Feuilles Mortes », « Tears », « La Vie en Rose », le saxophoniste est accompagné seulement par la contrebasse et la batterie.
Il est certains disques qui sont irréprochables du début jusqu’à la fin, et ils ne sont pas si nombreux. « French Ballads » fait sans aucun doute partie de cette catégorie, avec une mise en place parfaite, des solos de grande qualité, une osmose idéale entre les quatre musiciens, et surtout une tonalité romantique, une couleur légèrement mélancolique, une atmosphère envoutante qui nous touchent profondément et savent nous émouvoir.
Comme de nombreux musiciens de Jazz hélas décédés prématurément, Barney WILEN est mort d’un cancer à l’âge de 59 ans en 1996, Michel GRAILLIER, né en 1946, l’a suivi en 2003 à l’âge de 56 ans.
Quant à Ricardo DEL FRA et Sangoma EVERETT, ils continuent leur brillante carrière.
CD : Barney WILEN. French Ballads. Elemental Music. 2021.