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Cinéma
En attendant la réouverture des cinémas : Federico Fellini, Il Maestro (suite de la 2ème partie)
En attendant la réouverture des cinémas : Federico Fellini, Il Maestro (suite de la 2ème partie)

| Jean-Louis Requena 1319 mots

En attendant la réouverture des cinémas : Federico Fellini, Il Maestro (suite de la 2ème partie)

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Le " Satyricon" de Fellini ©
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Federico à Cinecitta (1969/1978)

Fellini Satyricon (1969)

Après Toby Dammit, moyen métrage en couleur tourné dans le mythique studio 5 (teatro 5) de Cinecitta, Federico Fellini s’attaque avec deux nouveaux collaborateurs, Bernadino Zapponi (1927/2000) et Brunello Rondi (1924/1989) au Satyricon œuvre littéraire attribuée à Pétrone (Caius Petronius Arbiter). L’ouvrage est fragmentaire ce qui n’est pas pour déplaire au Maestro désormais installé dans un appartement dans Cinecitta. Ce dernier veut tourner « un film de science-fiction du passé » loin de tout réalisme historique. Les décors très impressionnants sont monumentaux et fort nombreux (Danilo Donati), le directeur de la photo Giuseppe Rotunno est recruté après son travail remarquable sur Toby Dammit. Après un casting très prometteur de comédiens connus qu’il délaisse, Federico choisit pour les rôles principaux des acteurs inconnus qu’il encadre par quelques « figures » du cinéma transalpin : Magali Noël (Fortuna), Alain Cuny (Lichas), Capucine (Tryphene), etc.

Dans la Rome antique, Enclope (Martin Potter) et Ascylte (Hiram Keller), deux étudiants qui cohabitent, se disputent les faveurs du jeune esclave Giton (Max Born). Les trois comparses vont vivre de nombreuses aventures (burlesques, dramatiques, tragiques) au gré de leurs rencontres …

Federico Fellini à l’aise avec sa nouvelle équipe (tournage de novembre 1968 à mai 1969) sur le plus grand plateau de Cinecitta crée un véritable poème fleuve d’une grande beauté visuelle sans rechercher, à aucun moment, à recréer la Rome antique historique. Les décors, fort nombreux, immenses, sont stylisés, et transcendés par le talent visuel de mise en scène du Maestro qui multiplie les morceaux de bravoure sur une musique de Nino Rota.

Fellini Satyricon (124’) production franco-italienne est saluée par la critique et obtient un succès international (Italie : 4,6 millions d’entrées ; France : 1,3 millions d’entrées). Le film est projeté en clôture de la XXX ème Mostra de Venise (1969).

Les Clowns (I Clowns) – 1971

Federico Fellini depuis son enfance sur la côte adriatique a toujours été fasciné par les clowns : les Clowns Blancs, dignes, malicieux, autoritaires, et les Augustes (clown rouge) bouffon, impertinent qui font dérailler les actions du Clown Blanc. C’est une sorte de métaphore de notre monde décadent. Le téléfilm produit par les télévisons italienne (RAI) et française (ORTF) ainsi qu’une compagnie allemande (Bavaria Film), est une éphémère enquête, vaguement journalistique, sur les clowns vivants (Pierre Étaix, Annie Fratellini, Charlie Rivel) ou morts (Rhum et Chocolat).

C’est une errance, un voyage nostalgique en Europe, qu’entreprend Federico en y mêlant des reportages, des interviews, entrecoupés de scènes de clowns (Les Fratellini) reconstituées en studio à Cinecitta. En somme, Les Clowns est un autoportrait en creux, nostalgique et déchanté sur l’enfance perdue.

Fellini Roma (Roma) – 1972

En 1972, Federico Fellini a 52 ans. Il vit à Rome depuis 33 ans. Il y a gravi un à un tous les échelons : de petit chroniqueur (écrits et dessins) dans une publication satirique jusqu'à celui de cinéaste mondialement reconnu. Il se remémore son passé et observe ses contemporains sans inimitié. Avec Bernardino Zaponi, le scénariste de son précédent opus, il rédige (pour la forme et pour les producteurs) un script fait de saynètes qui s’emboitent les unes aux autres sans ordres chronologiques mais qui se « répondent » pour former un ensemble cohérent : Roma (113’). Les séquences rythmées s’enchainent avec des passages émouvants : le percement du tunnel du métro qui met à jour des fresques romaines qui aussitôt exposées disparaissent. Le Maestro lui-même apparait, furtivement, sur l’écran dans une séquence stressante : une autoroute bondée battue par le vent et la pluie. La structure narrative est tenue par un fil conducteur : le narrateur jeune, puis âgé (le Maestro) lorsqu’il rencontre « Mama Roma », l’actrice Anna Magnani (1908/1973), lui intime l’ordre d’aller se coucher : « Va donc te coucher, Federico. Il est tard ». 

Fellini Roma (Roma) est de nouveau une coproduction franco-italienne. La critique française est enthousiaste devant cette bourrasque d’images somptueuses (Giuseppe Rotunno) sur une musique entêtante de Nino Rota. Le public italien boude : en 1972 le gagnant du box-office est un western spaghetti (On continu à l’appeler Trinita : 15 millions d’entrées !).

En France, quelques voix discordantes (féminines !) mettent en cause l’affiche du film : une louve romaine/humaine à quatre pattes … avec trois paires de seins !

Amarcord (1973)

Après avoir égrené (faussement) les souvenirs de son arrivée à Rome et de ses premiers pas dans la capitale italienne, Federico Fellini retourne à son enfance à Rimini (Émilie-Romagne) sur la côte adriatique. L’image d’un paquebot, « le Rex », longeant la côte adriatique (ce qu’il n’a jamais fait !), gloire navale du régime fasciste, s’impose à lui. Il rédige avec l’aide de l’écrivain Tonino Guerra (1920/2012) un scénario : a m’arcord (Je me souviens en dialecte romagnol) qui deviendra : Amarcord (127’).

Titta (Bruno Zanin) est un gamin vif, qui s’échappe de l’ambiance familiale survoltée pour roder dans les rues de son bourg et rencontrer de drôles de gens : Un colporteur mythomane, un accordéoniste aveugle, une buraliste à la poitrine opulente, une beauté locale, La Gradisca (Magali Noël), etc …. Toutes ces saynètes, souvent cocasses, parfois dramatiques, se déroulent sous l’œil vigilant des fascistes du village, et le regard blasé des habitants.

Amarcord est une production franco-italienne tournée à Cinecitta entre janvier et juin 1973. Le film est présenté en ouverture du XXVII ème Festival de Cannes (1974) où il suscite l’enthousiasme de l’ensemble de la critique internationale. En 1975, Amarcord remporte l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood, le quatrième pour le réalisateur.
Amarcord sorti en Italie (décembre 1973 : 6,2 millions d’entrées) et en France (mai 1974) est un grand succès.

Le Casanova de Fellini (Il Casanova di Federico Fellini) – 1976

Federico Fellini s’est réconcilié avec le producteur Dino de Laurentiis : ils signent un contrat en blanc et le metteur en scène perçoit une avance sur le film à venir. Ce sera un biopic du vénitien Giacomo Casanova (1725/1798) à partir de son autobiographie, rédigée en excellent français du XVIII ème siècle : Histoire de ma vie (2.000 pages !). A la lecture (partielle) du gros ouvrage, Federico est accablé : Casanova est un « strozzo » (un connard), macho et prétentieux. Tant bien que mal il rédige un script avec Bernardo Zapponi devenu son scénariste attitré. Le film s’ouvre sur une grande scène du carnaval de Venise où Casanova (Donald Sutherland) au milieu du bruit et des feux d’artifice, reçoit un billet l’invitant à un mystérieux rendez-vous. A l’issu de ce rendez-vous Casanova est arrêté et jeté dans la prison des Plombs …

Dino De Laurentiis se fâche à nouveau avec Federico car se dernier refuse les acteurs américains pressentis (Robert Redford, Marlon Brando et Paul Newman), le tournage en Angleterre en langue anglaise. Le cout prévisionnel de production s’annonçant énorme un autre producteur contacté se retire et c’est finalement Alberto Grimaldi (1925) qui prend le relais. Le tournage à Cinecitta où tous les plateaux sont réquisitionnés démarre puis s’arrête faute d’argent. C’est la guerre entre le réalisateur et Alberto Grimaldi qui déclare dans la presse : « Fellini est pire qu’Attila ». Finalement le tournage épique reprend grâce à l’argent français de la Gaumont apporté par Daniel Toscan du Plantier (1941/2003). Cependant, le réalisateur doit abandonner des scènes importantes, trop onéreuses.

Le tournage est interminable. Federico Fellini se répand en insultes sur la personnalité du vénitien (« Casanova, je le déteste »), maltraite son acteur principal Donald Sutherland (trois heures de maquillage chaque matin) dont il ne fait qu’une marionnette (puppet dixit l’acteur). Le Casanova de Fellini (Il Casanova di Federico Fellini) tourné en anglais (doublage en studio) après un laborieux montage de l’incontournable Ruggiero Mastroianni (1929/1996), monteur attitré du réalisateur, est d’une durée de 155 minutes (2h 35’).

Sorti en Italie en décembre 1976 et en France en mars 1977 Le Casanova de Fellini ne rencontre pas un grand succès malgré le tapage médiatique autour de sa réalisation épique. Aux États-Unis, bien qu’en langue anglaise, le film n’a pas un grand écho tout comme un autre long métrage sur le XVIII ème siècle, sortit la même année : Barry Lyndon (180’) de Stanley Kubrick.

Fin de la 2ème partie (à suivre…)

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Martin Potter et Hiram Keller dans le "Satyricon" de Fellini ©
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