0
Histoire
Crèches et lumières de Noël
Crèches et lumières de Noël
© ALC

| Alexandre de La Cerda 1080 mots

Crèches et lumières de Noël

D’Urt à Biarritz, Saint-Jean-de-Luz et Saint-Sébastien, crèches, concerts et Olentzero connaissent un regain d’enthousiasme et d’imagination.

Quand « on » laisse la liberté à l’initiative populaire et à l’infinie imagination de l’enfance, les vives couleurs et les riches senteurs de Noël au parfum de vin chaud explosent littéralement comme pour manifester encore les ressources de foi et d’énergie d’un peuple et de sa civilisation. Les crèches, les scintillants arbres de Noël et le charbonnier Olentzero qui fait sa tonitruante irruption depuis la montagne basque soufflent une puissante et fraîche bourrasque dans l’univers de plus en plus bridé d’un mondialisme « politiquement correct » aux prétentions syncrétistes (et ultra-commerciales). Un air tonique qui vient du fond des âges, lorsqu’au sein de la longue nuit hivernale, l'homme réchauffé au foyer rayonnant dans l'ardeur de la fête laissait éclater son allégresse et son espérance dans la victoire de la lumière sur les forces obscures et le triomphe des naissances qui perpétuent sa descendance et son envi­ronnement naturel. Et la chrétienté couronnera ces pulsations premières de la naissance du Sauveur. Dans un esprit semblable aux feux de la Saint Jean qui faisaient pro­mener dans les champs de la campagne basque des brandons allu­més, on brûlait dans le foyer la bûche de Noël ou « gabonzuzi ». Quant aux Gascons, ils allumaient aussi leurs « halhes de Nadau », points d’or qui illuminaient la grande nuit commençante, répondant aux étoiles de la voûte céleste.

Une flamme bien vivante

Dans tout le Sud-Ouest, en cette nuit sacrée du 24 au 25 décembre, la flamme de chaque maison attestait ainsi sa pérennité, accompagnant chacune des générations qui vivaient sous son toit... et on connaît l'importance de l'Etxe en terre basque ou gasconne !

On assiste même à un regain de ces belles traditions, comme en réaction à l’étiolement, voire aux consignes d’abandon émanant de certaines strates « dirigeantes » : un peu partout des concerts de chorales ou d’orgue (voyez dans notre rubrique « Agenda ») enchantent la semaine précédant la Nativité et les expositions de crèches rivalisent d’originalité et d’habilité.

A Urt, l’Office de tourisme coordonne depuis quelques années un itinéraire parsemé d’une trentaine de crèches construites par les habitants, devant leur maison ou en bout de chemin. Certaines sont très grandes et rassemblent sur leur « plateau » jusqu’à 300 personnages. Cette année, c’est dès ce samedi 23 décembre qu’un plan dressé pour les visiteurs leur permet de découvrir selon un parcours fléché (de préférence le soir) ces œuvres d’art qu’une savante illumination embellit chaque année davantage. En revanche, à Itxassou, on regrettera beaucoup que l’association « Les vieux machins » (collectionneurs vieilles voitures) ait abandonné son exposition de crèches… A Biarritz, c’est une idée de François Doyhamboure reprise par Robert Rabagny qui inspira pendant des années les habitants de la rue Bellevue (haut de l’avenue d’Etienne) qui réalisaient dans leurs cours ou maisons respectives des crèches visibles de l’extérieur. Mais aux Halles de la villégiature impériale, on se réjouira de la crèche « vivante », comme à Saint-Jean-de-Luz (Karrika Haundi) on admire, alors qu’à Saint-Sébastien, la place de Guipuzkoa sert d’écrin à la grande exposition de crèches des associations « Belenistas » de la province. On découvrira également dans le superbe palais de la Diputacion (équivalent, avec davantage de pouvoirs, du Conseil départemental) les trois scènes de la Nativité installées dans le hall principal. Les premières autorités de la province les ont inaugurées et commentées avec la présidente de l'Association Belenista de Gipuzkoa, María Castillo : « l’une représente une Nativité traditionnelle et comprend différentes scènes de la vie et de l'architecture hébraïque typique de l'époque de Jésus de Nazareth. Les deux autres crèches sont modernes et basques, où sont reconstituées à travers deux dioramas, les places de Gipuzkoa à Fontarabie/Hondarribia et de Santa Cruz à Lezo ».

Un air tonique et salutaire embrasse ainsi tout le Pays Basque en ravivant ces belles traditions, comme en réaction à l’étiolement, voire aux consignes d’abandon de nos racines les plus authentiques : je n’évoquerai pas, par charité, tous les procès instruits – au nom d’une « laïcité » mal comprise ou, souvent, pervertie intentionnellement - contre les crèches installées dans les municipalités ! Au-delà de ce renoncement caricatural, le pape Benoît XVI n’affirmait-il pas aux enfants de Rome venus faire bénir les personnages de leurs crèches : « il ne suffit pas de répéter un geste traditionnel, même s'il est important. Il faut chercher à vivre en fait tous les jours ce que la crèche représente, c'est-à-dire l'amour du Christ, son humilité, sa pauvreté. La crèche est une école de vie, où nous pouvons apprendre le secret de la véritable joie. Celle-ci ne consiste pas dans le fait d'avoir beaucoup de choses, mais dans le fait de se sentir aimés par le Seigneur, en se donnant pour les autres et en les aimant ».

De Saint Luc aux santons de Provence

Dans l'évangile de Saint-Luc, l'endroit où est déposé Jésus à sa naissance est désigné par « cripia », mot latin signifiant mangeoire et d'où provient le mot « crèche » qui s'apparentera à l'étable toute entière. Car, la tradition rapporte que la naissance du Sauveur eut lieu dans une grotte aménagée en étable comme il en existait beaucoup en Palestine à cette époque et où dès le IIIe siècle, les chrétiens vénérèrent une « crèche ». Si les jeux liturgiques de la Nativité prenaient dès le XIe siècle la forme de pastorale et inspiraient Saint François d'Assise pour représenter la toute première crèche avec l'âne, le bœuf et les moutons, c’est au XVIe que les crèches telles que nous les connaissons apparaissent dans les églises, les plus anciennes (celles de Prague) datant de 1562 alors qu’en Italie, elles comportent des statues colorées, parfois de taille humaine. Au fil des siècles, les crèches se répandent dans les fastueuses demeures aristocratiques, en particulier à Naples où leurs personnages faits d'étoupe armée de fil de fer puis revêtus de riches étoffes ont des visages en terre cuite peinte d’où ressortent des yeux de verre. En France également, constituées de petites figurines de verre, de porcelaine, de cire, de mie de pain ou de bois sculpté, elles entrent progressivement dans les maisons. Et l'interdiction faite par la Révolution de présenter en public des scènes religieuses favorise le développement de ces crèches domestiques ainsi que le commerce des petits personnages parmi lesquels bergers et bergères aux pommettes roses gardent leur costume du XVIIIe. Par la suite, s'inspirant de la vie locale, les artisans façonneront des personnages typiques de leur région ou village, à l’image de la crèche provençale où figurent des « santons » en costume des métiers des années 1820 à 1850.

Alexandre de La Cerda

 

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription